La signature d’un accord de sortie de crise Ă Ouagadougou le 15 Janvier 2010 a marquĂ© le dĂ©but d’une transition de 6 mois en GuinĂ©e. Après la prise de fonction des membres du CNT (Conseil national de transition) AfricaLog a rencontrĂ© son SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, Dr. Koureissy CondĂ©, pour parler du travail dĂ©jĂ fait par ledit organe dĂ©libĂ©rant.
AfricaLog: PrĂ©sentez-vous Ă nos lecteurs…
Dr. Koureissy Condé: Je suis actuellement Secrétaire général du Conseil national de la transition, ancien ministre de la Sécurité, jusqu'à une date récente Professeur de l'Université Columbia de New York et à NUA de New York et Président du parti de l'Alliance pour le Renouveau National, membre des Forces vives de Guinée.
Vous êtes ancien ministre guinéen de la Sécurité, pouvez-vous revenir pour nos lecteurs sur votre passage au sein du Gouvernement?
Je garde le souvenir d'un moment très délicat, d'intenses activités. Mais j'ai le réconfort d'avoir géré ce département avec de braves hommes et de femmes dont le résultat est salué par les populations guinéennes. Je suis tout à fait heureux que partout où nous passons, les gens nous remercient, se souviennent qu'à notre temps, il y avait de la dissuasion, non la violence; la Police était présente malgré la guerre à nos frontières, cela me vaut aujourd'hui ce retour à l'activité publique en Guinée.
Pouvez-vous ĂŞtre un peu plus explicite?
J'ai dit que nous avons passé des moments d'intenses activités au Gouvernement, il n'y avait pas d'indélicatesse. Malgré qu'il y avait la guerre au Libéria, en Sierra Leone, que nous avons géré, le banditisme, la criminalité, la drogue, beaucoup d'autres infractions commençaient à inquiéter, à déranger l'attitude sociale. Mais le travail des services de Police, n'est pas comme celui de l'armée, de la gendarmerie. Nous n'avons pas d'armes, donc c'est la dissuasion. Et heureusement, cela s'est passé dans de très bonnes conditions à l'époque. Et tant au niveau des Nations-Unies, de Interpol, l'Union européenne, nous n'avons pas manqué ni d'éloges, ni de compléments, des diplômes, des médailles nous ont été décernés. Donc c'est un résultat.
Comment voyez-vous la composition et les missions du CNT?
En tant que Secrétaire général de cet organe, je sers d'interface entre cet organe et l'Administration, entre le Conseil et le Gouvernement, entre le Conseil et les Institutions républicaines. Cela ne veut pas dire que je remplace le Conseil, mais je l'accompagne. Je fais en sorte que les membres du Conseil, en ce moment sensible de l'histoire de notre pays, puissent se sentir à l'aise dans leur travail d'élaboration de la constitution. Et en le faisant que le membre du CNT pense à la Guinée dans cinq ans et cent à venir. C'est un travail très profond, et on n'a pas suffisamment de temps. Il faut tenir compte des contraintes du chronogramme. Je suis très heureux de constater la capacité de travail de Hadja Rabiatou Sérah Diallo, Présidente du CNT. Elle mène, avec beaucoup d'expériences, de maîtrise de soi, de connaissances de ce pays, ce travail méthodiquement. Elle va agréablement surprendre. Tous ceux qui sont au tour d'elle, sont impressionnés de sa capacité de travail et de sa méthodologie. Cela est encourageant.
Aujourd'hui, en si peu de temps, et compte tenu de l'urgence que requiert la préparation des échéances électorales, le CNT s'est saisi de la lettre de mission pour constituer neuf commissions de travail qui correspondent exactement à son calendrier, à son agenda. Ce sont: la Commission constitutionnelle, la Commission code électorale, la Commission des Affaires économique, financière et du Plan, la Commission des Affaires étrangères, (accords, conventions et traités), la Commission chargée de l'évaluation et suivi de la CENI, la Commission chargée de la Réconciliation nationale et des Droits humains, la Commission suivi et évaluation de l'action Gouvernementale, la Commission Défense et sécurité et la Commission communication.
Le CNT a commencé d'abord par combler un vide. Il y a eu beaucoup d'articles, d'ordonnances, par rapport à sa création, à son statut, depuis le Président Dadis Camara jusqu'au Président de la Transition Général Sékouba Konaté. En situation de transition, la Constitution est suspendue. Donc, il fallait un organe législatif. C'est pourquoi les membres du CNT se sont d'abord attaqués à la redéfinition du rôle exact du CNT. Ce qui a été fait. Une équipe d'experts a été mise en place et a produit un draft de projets d'ordonnances, qui a été discuté en plénière et déjà déposé sur la table du Président de la transition. L'autre chose a été d'élire les Présidents des Commissions, leurs bureaux et d'élire le bureau exécutif du CNT. Aujourd'hui tous sont au travail.
On a hérité naturellement une administration de près de 800 personnes, un héritage des Assemblées précédentes. Il faut recaser ces personnes-là ; elles sont déjà prises en charge par l'État, mais nous avons besoin de leurs expertises, de personnes ressources. Nous recherchons toutes les contributions qui peuvent être de nature à renforcer la capacité de production intellectuelle de cette institution délibérante.
Vous venez de dire que vous avez redéfini la mission du CNT et que le draft est sur la table du Président de la transition. Pouvez-vous expliquer d'avantage cette redéfinition de la mission du CNT?
La redéfinition commence d'abord par son caractère législatif. Entre les accords de Ouagadougou du 15 janvier 2010 et la lettre de mission, il y avait une sorte de non dit qu'il fallait préciser. Le CNT serait-il un organe législatif ou consultatif? En relisant les documents, ligne par ligne, on se rend compte que oui les accords de Ouaga ont clairement indiqué que le CNT est un organe législatif! C'est une précision essentielle.
Est-ce que cela veut dire que les travaux du CNT seront entérinés par un vote référendaire ?
Les travaux du CNT feront l'objet de vote au sein du CNT, un vote à la majorité des 2/3. Le résultat de ce vote est soumis au Président de la Transition qui prendra dans un premier temps, des actes sous forme d'ordonnances, le reste on verra bien!
Voulez-vous dire que les travaux du CNT ne seront soumis à un reférendum qu'après l'élection d'un nouveau Président ?
Ecoutez, le législateur est souverain dans l'appréciation de la manifestation de l'acte juridique. Je veux dire que, jusque maintenant, nous travaillons à l'examen des textes fondamentaux qui ont régi le pays pendant ces 10 ou 15 dernières années. C'est un travail profond, délicat, systématique. Ceci doit nous permettre de nous lancer dans l'avenir, de voir l'avenir du pays dans tous les détails, normaliser le citoyen Guinéen, le sensibiliser sur la citoyenneté et faire en sorte que la loi tienne compte de l'expérience des cinquante dernières années. Que ces lois nous permettent de traverser des périodes de turbulence, des crises de responsabilité et de compétence. Il y a une série de question que le CNT doit pouvoir embrasser en si peu de temps. Le CNT, encore une fois, conformément à la feuille de route, doit travailler, faire adopter des actes qui seront soumis à la signature du Président de la Transition pour une promulgation par ordonnance.
Selon des observateurs, jusqu'à une date récente, la Guinée avait une bonne constitution. Qu'en pensez-vous ?
Je suis le Secrétaire général du CNT, un administrateur, je suis technicien. Donc je ne suis pas enclin à répondre à la place du législateur. C'est pourquoi, nous sommes là dans une structure au sein de laquelle toutes les couches du pays sont représentées. On peut dire qu'on n'en a pas assez, mais on ne peut pas dire qu'il n'y en a pas. Deuxième chose, il faut laisser ces hommes et femmes revoir tous les textes et nous dire, qu'est-ce qu'il faut maintenir, améliorer, envisager, innover.
Quelles dispositions prendre pour qu'il n'y ait plus de tripatouillage de la Constitution en Guinée ?
C'est ce que nous faisons maintenant. A mon avis, la première des dispositions à prendre, c'est l'éveil des consciences. Ça, ce n'est pas seulement au niveau du CNT, mais c'est au niveau des cadres, des populations. Il faut que les Guinéens sachent qu'il y a une Constitution et qu'elle est un soubassement pour le bonheur individuel, à court, moyen et long terme. Aussi que les citoyens sachent que la Constitution est le fondement de toutes les libertés du point de vue des relations entre les institutions, entre les personnes et que tous les autres actes juridiques, politiques, socio-culturels se retrouvent en son sein. C'est pourquoi il faut veiller à une Constitution qui tient compte de l'histoire de notre pays, qui projette le pays dans l'avenir pour plusieurs générations.
Est-ce que vous serez candidat aux élections programmées ?
L'ARENA, de par ma position, est au dessus de la mêlée politique. C'est un sacrifice qu'il faut consentir pour le pays. Je crois que le travail que je fais sur l'élaboration de la Constitution et le fait de servir d'interface entre l'administration et le travail du CNT, etc... est impressionnant et demande beaucoup de responsabilités, de neutralité, d'objectivité. Donc, comme je viens de le dire, l'ARENA est au dessus de la mêlée politique mais fera en sorte que la Guinée sente que les citoyens ont besoin d'une Constitution. Notre démarche sera à faire une campagne pour la Constitution et pour l'alternance... Je veux dire que l'ARENA fera une campagne sur l'importance du retour à l'ordre constitutionnel et sur l'importance d'un vote crédible, apaisé et transparent. L'ARENA n'a pas position d'arbitre, mais nous sommes au dessus de la mêlée. Cela ne nous empêche pas d'exister, et nous essayerons d'accomplir avec satisfaction la tâche qui nous est confiée.
Certains pensent que les anciens ministres du Général Conté devenus aujourd'hui Présidents de partis politiques chercheraient plutôt à cacher leur passé qui n'a pas bonne presse en Guinée que de servir la Nation. Quel commentaire en faites-vous ?
Non !
Votre dernier mot peut-ĂŞtre…
J'invite les jeunes Guinéens de s'intéresser davantage à la vie nationale notamment du point de vue des lois qui régissent notre pays. Que les gens apprennent à connaître davantage leurs droits et devoirs. Je souhaite que le tissu national se renforce et que les entités ne soient pas des repères, mais que l'État soit le fondement de la nation pour permettre à notre pays, qui est si riche, de devenir si heureux.
Propos recueillis par Mamadou Siré Diallo