Gloria Mika commence sa carrière dans la mode aux Etats-Unis vers la fin des années 90. Elle commence à militer pour les élections libres et transparentes dans son pays, le Gabon en 2009 avec l’association les Anges gardiens de la transparence qu’elle fonde en s’inspirant de certains resistants à l’oppression comme Mohandas Ghandi.
AfricaLog: Pour quel candidat avez-vous voté lors des élections présidentielles au Gabon?
Gloria Mika: Je ne pense pas que connaitre la personne pour qui j’ai voté ait de l’importance. Par ailleurs, même si j'avais voté pour M. Ali Bongo, cela ne changerait en rien les faits. Il y a eu un coup d'Etat électoral, vraisemblablement en sa faveur. Mais contrairement à d’autres, j’aurai été profondément déçue et n’aurai jamais accepté pour autant, que mon candidat apparaisse comme quelqu’un que le peuple n’aurait pas réellement choisi, ou comme quelqu’un qui aurait cautionné une répression militaire sur son peuple pour assoir son pouvoir et cela même si moi même j’avais voté pour celui-ci! Ce n’est tout simplement pas digne d’une attitude de leader politique.
AfricaLog: Votre engagement était pour une transition transparente et les élections démocratiques. Est-ce que votre objectif a été attaint?
Mon engagement était une veille citoyenne pour une élection historique pour le Gabon, dont la credibilité était remise en question. Je voulais m’assurer qu'à l’heure ou le peuple rêvait de changement, que cette élection soit réellement libre, transparente et démocratique.
Mon objectif a été en partie atteint. Nous avons effectivement vu une mobilisation citoyenne gabonaise, africaine et même européenne qui a manifesté à plusieurs reprises pour exprimer la nécessité d’un report de la date de cette élection apparue comme trop précipitée, afin d’en assurer une meilleure organization dans la transparence. Or, toutes les requêtes dénonçant d'innombrables irrégularités dans l'organisation de cette élection, notamment à l'endroit de la démocratie et du respect des Droits de l'Homme sont toutes restées lettre mortes. Je dirai que toute personne regardant les vidéos et les articles de la presse sur internet verra bien que nous avons eu une transition transparente d'une élection non démocratique entachée de fraude, avec un coup d'état électoral proclamant officiellement comme vainqueur celui qui à 80% du décompte des voix était arrivé en 3ème position!
AfricaLog : Qu’est ce que vous avez appris de votre activisme? Est-ce que vous ressentez un fatalisme de la jeunesse puisque malgré votre pression rien n’a vraiment changé dans l’organisation des élections?
J’ai beaucoup appris et continue d’apprendre tous les jours. Mon activisme m’a effectivement confirmé que c'est l’union qui fait la force et m'a aussi montré à quel point il y a beaucoup de personnes qui sont engagées dans différents domaines à différentes échelles et qui apportent leur contribution à leur manière pour améliorer le monde dans lequel nous vivons. Mais j’ai aussi appris que la tache est lourde et que c’est un travail qui se fera sur un long terme pour offrir ce qu’il y a de mieux pour les générations futures, tout comme nous avons hérité nous-mêmes de beaucoup de droits et libertés grâce aux combats que d’autres ont menés par le passé.
En dépit de la mauvaise organisation délibérée de l'élection, il y avait toutefois un semblant d'espoir malgré les actes que posaient les autorités en place. La population qui avait un droit de regard sur le dépouillement du scrutin connaissait les résultats et refusait de croire que certains oseraient aller à l'encontre de ceux-ci. Malheureusement un certain nombre de personnes à des postes clés ont faillit à leur devoir républicain et ont fait d’autres choix.
Le ressenti de fatalisme s'est plutôt vu après l'intégration dans le gouvernement de personnes auxquelles beaucoup ne s'attendaient pas. Mais il est important que les jeunes comprennent que nous ne sommes jamais a l'abri de déceptions. Il faut avancer avec ses convictions et ne pas s'attacher aux hommes qui eux sont parfois si faibles, mais aux idéaux et à des valeurs universelles pour lesquelles nous ne devrions jamais cesser de garder espoir et de nous battre.
AfricaLog: Quel a été selon vous le rôle de la France lors de l’organisation du scrutin et la proclamation des résultats? L’opposition avait jugé les félicitations de la France prématurées…
La France a prétendu être neutre dans l’organisation de l’élection au Gabon. Je pense en contrepartie que le quai d’Orsay s’est prononcé de manière quelque peu précipité quant à la validation de cette élection qui en réalité n’a été qu’une mascarade de bout en bout avec: organisation précipitée du scrutin, listes électorales gonflées, multiples violations du droit constitutionnel, énorme déséquilibre financier et médiatique entre les candidats qui, ailleurs, auraient fait crier au déni de démocratie. Mais le secrétaire d’Etat à la Coopération, Alain Joyandet a jugé le scrutin régulier alors que par ailleurs, de nombreuses fraudes ont été dénoncées tant au Gabon que dans les ambassades à l’étranger. A l’ambassade du Gabon en France, l’ambassadrice a même été prise la main dans le sac, en possession de plus de cent fausses cartes d’électeur; à l'ambassade du Gabon aux Etats-Unis il y a eu une tentative d'incendie...bref. Je pense tout comme l'opposition que des félicitations étaient prématurées.
AfricaLog: Est ce qu'il ya une rupture avec l'ère Omar Bongo Ondimba ou le nouveau president Ali Bongo est le nouveau-né de la Françafrique à votre avis?
Je ne saurai dire si Mr Ali Bongo est le nouveau-né de la Françafrique, mais je trouve que les autorités françaises se sont montrées particulièrement clémentes face au contexte du déroulement de cette élection historique pour les Gabonais. Ce que je trouve d’ailleurs triste et regrettable pour la France qui est un pays à l'image des Droits de l'Homme.
Les mobilisations citoyennes qui ont eu lieu à maintes reprises à Paris comme dans le Sud de la France, pour dénoncer les manquements et abus face au droit, ainsi que les jeunes innocents qui ont payé le prix de leurs vies, avaient pour seul tort rêvé d'une transition démocratique. Je peux en conséquence comprendre tout ceux qui considèrent tout ceci comme un signe de "rupture dans la continuité" de la Françafrique.
AfricaLog: Dans un communiqué transmis à AfricaLog vous aviez demandé “pourquoi la Guinée et non le Gabon”? Vous avez ensuite participé à une conférence à Paris avec l'écrivain Thierno Monenémbo et Kofi Yamgnane, qui était candidat à la
présidentielle au Togo. Est-ce que vous avez trouvé des réponses à cette question?
Non, je n’ai pas trouvé de réponse à la question: “pourquoi la Guinée et pas le Gabon?” à notre conférence sur les “Crises en Afrique”. Par ailleurs, je pense toujours que le Gabon mérite sa part de justice. Le rapport de Port-Gentil a évoqué un recul démocratique au Gabon en dénonçant l’oppréssion militaire sur les citoyens Gabonais et ce n’est pas parce qu’il n’y pas eu de vidéos ou photos aussi crues que celles du massacre du 28 Septembre en Guinée, que des citoyens n’ont pas été victimes d’attrocités au Gabon.
AfricaLog: Il y a eu des actes posés par le nouveau président comme l’augmentation du salaire minimum, la réduction du train de vie de l’Etat etc… L'opposition parle d'une "dictature émergente" alors que certains observateurs pensent que le «grand chambardement» est nécessaire pour relancer le pays. Quelle est votre opinion sur la gestion du pouvoir par Ali Bongo Ondimba?
L’acte posé comme vous dites fait suite à une polémique que le premier ministre a du éclaircir en précisant quelques détails concernant le salaire de base et les primes pour arriver à la somme de 150.000francs CFA de SMIG promis lors de la campagne. Un acte beaucoup plus symbolique en terme de meilleures répartition des richesses d’un pays aussi riche que le notre aurait plutôt été l’application du dividende universel et non de simples tentatives de reductions du train de vie de l’Etat, duquel il faudrait encore s’assurer de la bonne gouvernance. Par ailleurs, je ne vois pas à quel “grand chambardement” on fait allusion, mais le temps nous le dira, même si je ne pense pas qu’il en ait beaucoup. Quand on prend le pouvoir par la force, on est dans l’obligation de faire ses preuves dans l’espoir de pouvoir conquérir le peuple un jour. Comme disait Gandhi: “La victoire obtenue par la violence équivaut à une défaite, car elle est momentanée”
Le site officiel de Gloria Mika: http://www.gloriamika.info
Propos recueillis par André Brikop