M. Sidya Touré, le Président de l’Union des Forces Républicaines (UFR), ancien Premier ministre de la Guinée a été victime de violence le 28 Septembre dernier au stade de Conakry. Depuis Paris où il reçoit des soins médicaux et entreprend des rencontres pour parler de la crise actuelle il a gracieusement accordé une interview à AfricaLog.
AfricaLog: M. Touré comment se passe votre convalescence?
Sidya Touré: Plus ou moins bien, merci. On essaie de se remettre sur pieds, car il faut continuer le combat.
AfricaLog: Que s’est-il réellement passé le 28 Septembre au stade?
Sidya Touré: Une brutalité qui n’était pas du tout nécessaire. Nous avions projeté ce meeting une dizaine de jours auparavant et tout était bien planifié. Nous avions l’intention de faire une manifestation pacifique bien ordonnée à l’intérieur du stade pour éviter toute provocation qui pourrait dégénérer. Nous avions même engagé une société de sécurité de la place pour encadrer et canaliser nos manifestants afin d’éviter tout débordement. A 10 heures nous avons eu une conversation avec Tiegboro Camara de la brigade de lutte contre le grand banditisme. Tout allait comme prévu, avec un afflux de plus de cinquante mille personnes, et les gens continuaient a arriver de différent quartiers de la ville.
Vers 12h:30, des coups de feu ont éclaté, mais nous avons d’abord pensé a des balles lacrymogènes, une tentative de dissuader et disperser les manifestants. Ensuite, nous avons vu les gens tomber sur le gazon, et nous avons vu les bérets rouges tirer avec acharnement. C’est à ce moment seulement que de la tribune officielle, nous avons compris qu’ils tiraient avec des balles réelles et qu’ils assassinaient de sang-froid les militants. Nous avons vu Tiegboro Camara, Toumba Diakité et Marcel Koivogui ensemble donner des ordres aux soldats. Ils leur ont donné notamment l’ordre de brutaliser les leaders politiques. Ils sont donc venus vers nous et nous ont roué de coups de crosse et de bottes. J’ai eu le cuir chevelu ouvert d’une large blessure et je saignais sans arrêt. Cellou Dalein avait les côtes brisées et ne bougeait plus. Jean-Marie Doré ressemblait à quelqu’un sorti d’un baril de sang.
Malgré mon affaiblissement du a l’hémorragie, j’ai distinctement vu les cadavres sur le gazon. J’ai vu les soldats violer les femmes sans aucune vergogne, et introduire les armes dans leurs parties les plus intimes. J’ai alors eu la force de crier: “qu’est-ce que vous faites!”. Rien ne pouvait les arrêter, ils étaient d’une violence inexplicable, et tout porte à croire que c’était bien planifié et que les ordres étaient précis et strictes.
De près on pouvait voir que ces soldats, malgré l’uniforme n’étaient pas des guinéens, mais plutôt des rebelles du Liberia et de la Sierra Leone devenues des mercenaires recrutées pour la sale besogne. Apres avoir constate que nous saignions trop, le même Toumba Diakité a décidé de nous conduire dans une clinique. J’étais dans la voiture qu’il conduisait et nous étions suivis par une autre voiture. Mais arrivé à la Clinique, Marcel Koivogui a eu des disputes avec les autres, disant que les ordres étaient de nous emmener au camp Alpha Yaya, et non pas dans une clinique. Il tenait une grenade en main et menaçait de la faire détonner si jamais un d’entre nous sortait de la voiture. Alors au lieu du Camp Alpha Yaya, ils décidèrent de nous envoyer au camp de la gendarmerie, le PM3. Je saignais tellement que les gendarmes ont décidé de me faire des sutures sur place. Les religieux de l’Église et de la mosquée ont entretemps réussi à convaincre Dadis de l’importance de nous soigner. C’est ainsi que le commandant Baldé nous a ramené à la clinique pour recevoir les soins appropriés. Bien sur que pendant ce temps mon domicile a été saccagé, mes voitures volées et même mon congélateur a été pillé.
AfricaLog: Vous connaissez Dadis. Vous l’avez rencontré plus d’une fois avant ce 28 Septembre. Pensez-vous qu’il est capable de telles atrocités?
Sidya Touré: Franchement, j’ai été surpris et étonné par ces actes. Même si aujourd’hui nous avons les preuves que ces brutalités étaient planifiées, il n’en reste pas moins qu’elles n’étaient pas nécessaire.
AfricaLog: Quelle est la position de votre Parti au sein des forces vives?
Sidya Touré: L’Union des Forces Républicaines fait partie des Forces Vives depuis le début en Mars 2006, à l’époque même où Lansana Conté était très malade et s’est fait évacué en Suisse. Notre parti est comme tous les partis de l’opposition convaincu que seule une union des forces peut nous sortir de ce carcan que nous vivons en Guinée.
AfricaLog: Que pensez-vous de ce contrat minier de 7 milliards de dollars entre le CNDD et la China International Fund?
Sidya Touré: Il appartient aux Chinois de réfléchir et de prendre leurs risques. Ce qui est clair, c’est que nous ne reconnaitrons pas un tel contrat, et d’ailleurs nous ne pouvons pas mettre les autres partenaires dehors à cause d’eux. Ils doivent comprendre que le CNDD est aux abois et cherche du cash par tous les moyens possibles.
AfricaLog: Les Forces Vives ont rejeté unanimement la proposition de Kadhafi de jouer au médiateur en Guinée. Pourquoi?
Sidya Touré: Il ne nous appartient pas de designer un médiateur. La CEDEAO a déjà désigné un et nous devons aller avec.
AfricaLog: M. Wade le “père” de Dadis ne se fait plus entendre…
Sidya Touré: En fait c’est lui qui a demandé à la CEDEAO de designer Blaise Compaoré comme médiateur.
AfricaLog: Votre mot de la fin, Monsieur Touré?
Sidya Touré: La lutte continue, nous serons au rendez-vous de Ouagadougou le 2 Novembre car il est impératif de sortir la Guinée de ce carcan. Nous devons également être très vigilants dans la sous-région car les dictateurs qui veulent s’éterniser au pouvoir peuvent se servir des tueurs du Liberia et de la Sierra Leone devenus des mercenaires pour terroriser leurs populations. C’est dangereux.
Propos recueillis par Alpha Paps Diallo