L'homme soupçonné d'avoir perpétré un attentat jihadiste en France et d'avoir décapité son employeur, Yassin Salhi, a envoyé un selfie avec la tête de la victime à un correspondant non identifié, a-t-on appris samedi de sources proches du dossier.
Arrêté vendredi alors qu'il tentait de faire exploser une usine de gaz industriels de la région de Lyon, deuxième ville de France, Yassin Salhi, 35 ans, était toujours interrogé samedi soir par les enquêteurs.
Ces derniers, qui s'interrogent sur d'éventuelles complicités, vont tenter de retracer le trajet de ce cliché macabre pour identifier son destinataire, en France ou à l'étranger.
Le corps décapité d'Hervé Cornara, 54 ans, chef d'une entreprise de transport où travaillait le suspect, avait été retrouvé sur le lieu de l'attentat, une usine de gaz industriels à Saint-Quentin-Fallavier, à une trentaine de kilomètres de Lyon.
La garde à vue de Yassin Salhi a été prolongée, de même que celles de sa femme et de sa soeur, également interpellées vendredi. En matière de terrorisme, les gardes à vue peuvent durer jusqu'à 96 heures.
Moins de six mois après les attentats qui ont endeuillé Paris, l'attaque a constitué un nouveau choc.
«On n'a pas de mots», ont témoigné les habitants de Saint-Quentin-Fallavier qui ont marqué leur rejet de la «barbarie», par une minute de silence suivie d'une «Marseillaise».
Le déroulement de l'attentat perpétré vendredi est désormais largement connu.
Yassin Salhi, père de trois enfants au profil discret, s'est présenté au volant d'un véhicule utilitaire tôt vendredi devant l'usine de gaz industriels de la société américaine Air Products. Habitué des lieux, il a pu pénétrer sans difficulté sur le site, classé sensible.
Puis il a projeté son véhicule sur un hangar, provoquant une violente explosion, mais sans faire de blessés. Les pompiers dépêchés sur place sont parvenus à le maîtriser alors qu'il tentait de provoquer une deuxième explosion.
Mais des zones d'ombre demeurent, a souligné vendredi soir le procureur de Paris François Molins.
Les enquêteurs cherchent à mieux cerner le profil du suspect, fiché en 2006 par les services de renseignements pour «radicalisation» et de nouveau repéré entre 2011 et 2014 pour ses liens avec la mouvance salafiste, mais au casier judiciaire vierge. Est-il un «loup solitaire» ou a-t-il bénéficié de complicités?
Selon des sources concordantes, il se serait radicalisé dans les années 2000 à Pontarlier (est), au contact d'un converti, Frédéric Jean Salvi alias «Ali», soupçonné d'avoir préparé des attentats en Indonésie avec des militants d'Al-Qaïda.
Aucun élément ne permet cependant pour l'heure de relier «Ali» à l'attentat de vendredi.
Il s'agit aussi d'éclaircir les circonstances de l'assassinat d'Hervé Cornara. Les résultats de son autopsie étaient attendus samedi.
Enfin, quel était le mobile? La présence de drapeaux avec des inscriptions islamiques entourant la tête de la victime accrochée au grillage d'enceinte de l'usine, rappelle les mises en scène macabres du groupe Etat islamique (EI), mais ce dernier n'a pas revendiqué l'attentat.
L'EI s'est en revanche targué d'être à l'origine d'une attaque en Tunisie, où 38 personnes ont été fauchées dans la station balnéaire de Sousse, et d'un attentat suicide contre une mosquée chiite au Koweït, qui a fait 26 morts.
Le scénario d'un nouvel attentat était redouté à Paris depuis les tueries qui avaient fait 17 morts en janvier et l'arrestation, en avril, d'un étudiant algérien, Sid Ahmed Ghlam, soupçonné d'un projet d'attaque contre une église catholique.
La France est le premier pays européen pour le nombre de ses ressortissants présents dans les zones tenues par l'EI, avec plusieurs centaines de jihadistes en Irak et en Syrie.
«La question n'est pas de savoir s'il y aura un nouvel attentat, mais quand», a d'ailleurs averti samedi le premier ministre Manuel Valls samedi.
«Cet acte macabre de décapitation», jamais vu auparavant dans le cadre d'un attentat en France, «crée une tension forte sur la société française. Qui va être exploitée», a souligné M. Valls, rentré d'urgence à Paris après avoir écourté une visite en Amérique du Sud.
En filigrane se dessine la crainte d'un regain de tension à l'égard des quelque cinq millions de Français musulmans, alors que les attentats de janvier ont été suivis d'une forte recrudescence des actes islamophobes en France.
Autre inquiétude, une exploitation politique, à deux ans de la prochaine élection présidentielle.
La présidente du parti d'extrême droite Front national Marine Le Pen a demandé samedi de «fermer les mosquées salafistes en France, comme l'ont fait l'Égypte ou la Tunisie».
Le gouvernement a affiché sa détermination et défendu son bilan samedi à l'issue d'un conseil restreint réunissant le président François Hollande, le premier ministre ainsi que les ministres des Affaires étrangères, de la Défense, de l'Intérieur, de la Justice et de l'Énergie.
«Le gouvernement continuera, face à un haut niveau de menace, à agir sans trêve ni pause», a assuré le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, avant d'énumérer les mesures déjà prises: embauches de personnels de sécurité et renforcement de l'arsenal juridique avec deux lois antiterroristes et des mesures pour renforcer les moyens des services de renseignement. - AfricaLog avec agence