La communauté internationale, États-Unis en tête, a vivement condamné dimanche la prise de pouvoir annoncée par l'armée au Burkina Faso, mais l'appel de l'opposition à un rassemblement de protestation s'est soldé par un échec.
Washington a appelé dans la nuit «l'armée à transférer immédiatement le pouvoir aux autorités civiles», selon la porte-parole du département d'État, Jen Psaki.
Les États-Unis, un des alliés privilégiés du Burkina, «condamnent la tentative de l'armée burkinabè à imposer sa volonté au peuple du Burkina Faso», a-t-elle ajouté.
La constitution, que les militaires ont dit avoir suspendue, prévoit que le président de l'Assemblée nationale assure l'intérim du pouvoir en cas de vacance.
La médiation internationale tripartite au Burkina conduite par l'ONU, l'Union africaine et la Cédéao, l'organisation régionale de l'Afrique de l'Ouest, a, elle évoqué la menace de «sanctions».
«Nous espérons qu'il y aura une transition conduite par un civil, conforme à l'ordre constitutionnel». «Sinon les conséquences sont assez claires. Nous voulons éviter pour le Burkina Faso la mise en place de sanctions», a déclaré l'émissaire de l'ONU pour l'Afrique de l'Ouest, Mohamed Ibn Chambas lors d'une conférence de presse à Ouagadougou.
Le Burkina Faso, petit pays sahélien enclavé de 17 millions d'habitants, est plongé dans l'incertitude sur son avenir politique depuis la chute du président Blaise Compaoré, chassé par la rue après 27 ans au pouvoir et réfugié en Côte d'Ivoire.
Samedi, l'armée a désigné un des siens, le lieutenant-colonel Isaac Zida, numéro deux de la garde présidentielle, pour diriger un régime de transition.
Mais les «forces vives» du pays, partis d'opposition et organisations de la société civile rassemblés, ont refusé toute idée de transition militaire, exigeant un pouvoir civil et appelant à une démonstration de force de la population dimanche matin.
Le rassemblement place de la Nation, lieu emblématique des manifestations de masse la semaine dernière qui ont fait chuter le régime Compaoré, s'est cependant soldé par un échec, avec seulement un millier de personnes présentes.
Le chef de file de l'opposition, Zéphirin Diabré, n'était pas venu, car il rencontrait des représentants de l'armée au même moment, selon son entourage.
Le chef du petit parti Convergence de l'Espoir, Jean-Hubert Bazié, s'est contenté d'une allocution de quelques minutes, appelant l'audience clairsemée à rester «vigilante pour préserver la victoire du peuple» et «mobilisée pour les mots d'ordre à venir».
Manifestants déçus
Parmi les manifestants, essentiellement des jeunes, la déception, voire le mécontentement se faisaient sentir alors que le rassemblement a duré à peine plus d'une heure, en l'absence de toute force de l'ordre.
«Nous ne voulons pas d'une récupération de la victoire du peuple par les militaires», a déclaré Karim Zongo, un commerçant de 28 ans.
Notre lutte maintenant c'est le départ pur et simple du lieutenant-colonel Zida», a renchéri Abdoulaye Traoré, un sans-emploi de 33 ans, resté pour discuter après la réunion sur la «place de la Révolution», ainsi que l'a rebaptisée le peuple, comme dans les années 1980, au temps du président Thomas Sankara, icône du panafricanisme encore dans les mémoires de tous les Burkinabè.
L'armée s'est employée depuis vendredi à rassurer, affirmant que la transition se ferait de manière démocratique, en concertation avec l'opposition et avec la société civile, mais tout en restant floue sur les modalités pratiques et sans convaincre apparemment tous les habitants.
Dans les rues de Ouagadougou, la situation était calme, avec une circulation réduite et quelques commerces ouverts comme à l'habitude le dimanche. - AfricaLog avec agence