Un militaire ivoirien a affirmé devant un des juges chargés de l'enquête sur la disparition de Guy-André Kieffer à Abidjan en 2004 que le journaliste avait été tué par erreur après avoir été détenu à la présidence ivoirienne.
Dans un témoignage recueilli le 20 août au Bénin et que l'AFP a consulté, Alain Gossé, 60 ans, sergent-chef "au service logistique de la présidence de Côte d'Ivoire", affirme avoir vu et parlé au journaliste détenu dans une "cellule" de la présidence où il a été amené par "deux équipes de commandos" le 16 avril 2004, jour de sa disparition. Ce militaire ivoirien, qui s'était d'abord présenté comme "major", avait formulé les mêmes accusations dans un entretien à France 3 fin juillet, un témoignage alors qualifié de "faux et mensonger sur tous les aspects" par l'avocat de Simone Gbagbo, Me Rodrigue Dadjé. L'avocat avait affirmé que M. Gossé n'avait jamais appartenu à l'armée ivoirienne, ni travaillé à la présidence. Devant le juge Patrick Ramaël, il a indiqué être "normalement au grade de major" mais n'avoir "jamais porté ce grade-là " et avoir fui la Côte d'Ivoire après avoir été "pris de peur" à la suite de cet entretien télévisé. Le sous-officier a également réaffirmé au magistrat que trois hommes - Seka Yapo Anselme, chargé de la sécurité de la femme du président, Simone Gbagbo, Patrice Baï, à l'époque chef de la sécurité de la présidence, et Jean-Tony Oulaï, soupçonné d'avoir dirigé le commando auteur de l'enlèvement et actuellement en détention provisoire en France - ont participé aux "interrogatoires" de M. Kieffer. "Après le départ du commando, je me suis rapproché de la cellule pour demander son identité et ce qu'on lui reproche. Il m'a répondu qu'il est journaliste et ne sait pas en réalité ce qu'on lui reproche", a-t-il détaillé. Selon M. Gossé, M. Kieffer lui a raconté qu'il "avait rendez-vous avec un de ses amis et a été arrêté au moment où il allait répondre à ce rendez-vous." Guy-André Kieffer a été vu vivant pour la dernière fois le 16 avril 2004 sur un parking d'Abidjan, alors qu'il avait rendez-vous avec Michel Legré, beau-frère de Simone Gbagbo. Son corps n'a jamais été retrouvé. M. Legré a été mis en examen pour "enlèvement et séquestration en bande organisée". Dans son témoignage, le militaire raconte que M. Kieffer a été emmené le 19 avril dans un village situé à une vingtaine de kilomètres d'Abidjan par ses ravisseurs. Alain Gossé est alors chargé d'acheter un "plastique noir à Ivosep (pompes funèbres de la Côte d'Ivoire)", avant de les rejoindre en fin d'après-midi. Là , un autre militaire lui dit: "durant l'interrogatoire du journaliste et voulant l'intimider pour l'obliger à parler, monsieur Oulaï a tiré un coup de feu en l'air. L'un de ses gardes du corps qui n'a pas compris que c'était son patron qui venait de tirer un coup de feu en l'air, a tiré sur le journaliste et l'a tué", rapporte-t-il. Me Alexis Gublin, avocat du frère du journaliste, doit s'exprimer jeudi au cours d'une conférence de presse à Paris sur l'évolution de l'enquête. Les enquêteurs français ne soupçonnent pas le couple présidentiel ivoirien d'être lié directement à la disparition de Guy-André Kieffer, qui enquêtait alors notamment sur la filière café-cacao, mais certains cadres du régime liés aux milieux économiques. - AFP