La France a affirmé cette semaine à Paris à une délégation de la junte au pouvoir en Guinée que Dadis Camara, président autoproclamé, ne devait pas se présenter aux élections prévues début 2010, a rapporté mercredi le ministère français des Affaires étrangères.
Cette délégation, dirigée par le ministre chargé de la Construction, de l'aménagement du territoire et du patrimoine bâti, Boubacar Barry, a été reçue par des conseillers du président français Nicolas Sarkozy et du chef de la diplomatie française Bernard Kouchner et mercredi après-midi par le secrétaire d'Etat à la Coopération, Alain Joyandet. "Au cours de ces entretiens, la position de la France et de la communauté internationale a été réaffirmée", à savoir la tenue d'élections comme prévu début janvier et le fait que "Dadis Camara doit tenir lengagement quil a pris de ne pas être candidat à la présidentielle", a précisé le porte-parole du Quai d'Orsay, Bernard Valéro. Lors de l'entretien avec Alain Joyandet, le ministre a exigé que les demandes de la France et du groupe de contact sur la Guinée - coprésidé par la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (Cédéao) et l'Union africaine (UA) - soient satisfaites, selon son entourage. Ce groupe a récemment déploré des "entraves à la liberté d'expression des citoyens, des médias et des partis" et réclamé aussi que Dadis Camara ne se présente pas à la présidentielle. Les premier et deuxième tours de la présidentielle sont programmés en Guinée pour les 31 janvier et 14 février, tandis que des législatives se tiendront le 26 mars. Les responsables français ont aussi dit à la junte qu'elle devait "faire cesser les arrestations arbitraires et garantir lexercice de toutes les libertés fondamentales", a poursuivi Bernard Valéro, sans autre précision. Outre le ministre Barry, la délégation guinéenne, arrivée le week-end dernier, comprend le ministre de la Défense, le général Sékouba Konaté. Ce dernier n'était toutefois pas présent à l'entretien avec Alain Joyandet. Le capitaine Moussa Dadis Camara, à la tête de la Guinée depuis un putsch en décembre 2008, avait promis au début de l'année de restituer le pouvoir aux civils. Il a cependant confié récemment à des diplomates qu'il se présenterait en janvier à la présidentielle, selon des sources diplomatiques. Par ailleurs, des militaires guinéens se sont présentés mercredi au siège de Total-Guinée à Conakry avec l'intention d'enlever le directeur général de la société, mais n'ont pas pu parvenir à leurs fins et ont pris la fuite, a affirmé à l'AFP une source proche de la société. En mars 2007, le DG de Total-Guinée, le Français Benoît Gaborit, avait été enlevé à la sortie d'un restaurant puis relâché le lendemain sain et sauf. Mercredi, des militaires sont arrivés à bord dun Toyota pick-up et se sont présentés au secrétariat de Total-Guinée en demandant à voir son directeur général, le Français Philippe Chauvin. "Quand la secrétaire a demandé +pourquoi et de la part de qui?+, les soldats ont dit que le DG était convoqué et ils se sont montrés menaçants avec les employés présents" a expliqué cette source. "Leurs menaces ont attiré l’attention du personnel de Total et de quelques passants qui se sont interposés. Ils ont alors pris la fuite", selon la même source. Le siège de Total était fermé mercredi après-midi à Conakry, de même que les stations service de cette compagnie. Samedi, un cambiste guinéen avait été enlevé à la sortie d'une mosquée du centre de Conakry par des hommes vêtus d'uniformes de larmée. Détenu pendant trois jours, il avait été libéré contre le versement d'une rançon de 100.000 dollars, selon ses proches. En août, l'ambassadeur du Ghana en Guinée avait été "enlevé" pendant quelques heures par des hommes portant des uniformes militaires, qui l'avaient dévalisé et brutalisé, selon les autorités. Des officiers avaient pris le pouvoir à Conakry, sans effusion de sang, le 23 décembre, peu après l'annonce de la mort du général Lansana Conté au pouvoir depuis 24 ans. Depuis plus de huit mois, le capitaine Moussa Dadis Camara, président autoproclamé, dirige le pays, à la tête d'une junte. En avril, l'organisation Human Rights Watch avait dénoncé les nombreuses exactions commises par des militaires, qui dévalisaient des commerçants, cambriolaient des entreprises ou intimidaient des juges. - AFP