L'étau international se resserre autour de la junte au pouvoir en Guinée, contrainte d'accepter la mise en place d'une commission d'enquête de l'ONU sur le massacre d'opposants perpétré il y a trois semaines par l'armée.
Le sous-secrétaire général des Nations unies chargé des affaires politiques, Haïlé Menkerios, a passé deux jours à Conakry, dimanche et lundi, pour préparer cette mission d'enquête sur la répression sanglante d'un rassemblement pacifique de l'opposition le 28 septembre. M. Menkerios a d'abord discuté longuement, dimanche, avec le Premier ministre guinéen Kabiné Komara, puis avec les dirigeants de l'opposition et enfin avec le chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara. Le fonctionnaire onusien a alors réclamé "une coopération sincère des autorités, la sécurité pour l'équipe d'enquêteurs et la mise à la disposition de la documentation" sur cette répression, selon une source proche de la rencontre. "Le Premier ministre et le président (Dadis Camara, ndlr) m'ont assuré qu'ils sont prêts à coopérer avec cette commission d'enquête" a déclaré M. Menkerios, dimanche soir, à sa sortie du camp militaire Alpha Yaya Diallo, siège de la junte. Il a également évoqué une volonté du pouvoir guinéen de "prendre langue avec la communauté internationale". Mais l'émissaire de l'ONU était surtout porteur d'un message de fermeté: "Tous les pays voisins et africains ont été choqués par les évènements du 28 septembre", a-t-il dit. "L'impunité n'est plus acceptable en Guinée". Selon de très nombreux témoignages, les forces de défense et de sécurité guinéennes, commandées par des officiers proches du chef de la junte, avaient mis en oeuvre une "violence inouïe" pour réprimer un rassemblement d'opposants dans le plus grand stade de Conakry. La junte avance un bilan officiel de 56 civils morts et 934 blessés, tandis que l'Organisation guinéenne de défense des droits de l'Homme estime que plus de 157 personnes ont été tuées et 1.200 blessées, dont de nombreuses femmes violées en public. L'ONU évoque un bilan d'au moins 150 morts. Le porte-parole des "forces vives" (partis d'opposition, syndicats, organisations de la société civile), Aboubacar Sylla, a réclamé une "date précise" pour le démarrage de l'enquête. Interrogé à ce sujet lundi, M. Menkerios a expliqué que le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, était "prêt à accélérer l'arrivée" en Guinée de l'équipe d'enquêteurs. Avant de quitter Conakry, il a rencontré lundi les diplomates représentant l'Union européenne, la France, l'Allemagne, les Etats-Unis, la Russie, l'Espagne, le Royaume-Uni et la Chine. Le pouvoir militaire en Guinée est actuellement soumis à de très fortes pressions internationales. Moussa Dadis Camara avait été porté au pouvoir par un coup d'Etat sans effusion de sang, le 23 décembre 2008, après la mort du dictateur Lansana Conté qui dirigeait le pays depuis 1984. L'officier putschiste envisage d'être candidat à la présidentielle prévue en janvier, après avoir maintes fois promis qu'au terme de la transition, il confierait le pouvoir à un président civil. L'Union africaine avait fixé un ultimatum - qui a expiré samedi à minuit - aux membres de la junte pour qu'ils s'engagent à ne pas se présenter aux élections. Mais Dadis Camara a demandé que la question de sa candidature soit inscrite dans la médiation du président burkinabè, Blaise Compaoré. La Commission de l'UA prévoit de son côté de maintenir la pression pour faire partir la junte. Elle devrait se prononcer sur des sanctions "au plus tôt à la fin du mois", selon un responsable de l'UA. - AFP