Le chef de l'Etat burkinabè Blaise Compaoré entame lundi une médiation à Conakry pour tenter de faire "baisser la tension" en Guinée, une semaine après le massacre de manifestants par les forces de sécurité, qui ont tué et violé en toute impunité.
M. Compaoré "se rendra lundi à Conakry dans le cadre de la médiation qui lui a été confiée par ses pairs de la Cédéao (communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest)", a annoncé samedi soir à l'AFP le ministre burkinabè des Affaires étrangères, Alain Bédouma Yoda. "Il est prévu qu'il rencontre les responsables du pays, les opposants et tous ceux qui peuvent aider à une sortie de crise dans ce pays frère", a précisé un conseiller du président burkinabè. Ce déplacement a lieu une semaine, jour pour jour, après un massacre perpétré par les forces de sécurité dans le plus grand stade de Conakry. Le 28 septembre, l'opposition y tenait un meeting pacifique pour s'opposer à une probable candidature du chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, à la présidentielle du 31 janvier. La junte soutient que "56 civils" ont été tués. Mais l'organisation guinéenne pour la défense des droits de l'Homme avance un bilan d'au moins 157 personnes tuées et 1.200 blessées, et l'ONU évoque "plus de 150 morts". Selon de très nombreux témoignages, des bérets rouges (garde présidentielle) ont tiré à balles réelles sur la foule, mais aussi poignardé, mis à nu, humilié et violé un grand nombre de femmes et battu des dirigeants politiques. Dans une interview diffusée dimanche par Radio France internationale (RFI), le président autoproclamé n'a reconnu "aucune responsabilité" dans ce massacre. "A qui on va incomber cette responsabilité? Ce n'est pas au président Dadis. (...) Le président Dadis était dans son bureau", a-t-il dit, assurant qu'"un complot" était fomenté par les leaders de l'opposition pour "ternir" son image. Une attitude qui fait dire au journaliste Mamadou Dian Baldé, directeur de publication du journal L'Indépendant et Le démocrate, que "Dadis est en très mauvaise posture": "Il a laissé ses bérets rouges aller tuer des civils, violer des femmes. Or l'armée n'obéit qu'à lui et à son ministre de la Défense". Pour ce journaliste, la médiation de M. Compaoré sera "difficile pour ne pas dire impossible" car les forces de l'opposition "ne veulent pas dialoguer et réclament tout simplement le départ de Dadis". Selon le président de la Commission de la Cédéao, Mohamed Ibn Chambas, M. Compaoré a pour mandat de "voir comment il peut aider à trouver les moyens de baisser la tension, redynamiser le processus de transition, reprendre le dialogue entre les autorités et les forces vives et voir comment on peut aller vers des élections crédibles et transparentes". Le capitaine avait pris le pouvoir par un putsch sans effusion de sang, le 23 décembre 2008, au lendemain de la mort de Lansana Conté, qui dirigeait le pays en dictateur depuis 24 ans. Le 18 septembre, l'Union africaine a donné un mois aux membres de la junte pour s'engager par écrit à ne pas se porter candidats, sous peine de sanctions. Mais Dadis Camara refuse toujours de dire clairement s'il se présentera, tout en assurant: "je suis prêt à démissionner de l'armée (...) si je veux être candidat". "Il est en fait en campagne depuis avril, et malgré tous les morts au stade, il n'a pas bougé d'un iota", estime le journaliste Souleymane Diallo, dirigeant le groupe de presse Le Lynx-La Lance. Le pape Benoît XVI a de son côté appelé dimanche au "dialogue et à la réconciliation" en Guinée. - AFP