John Allen Muhammad, le "sniper de Washington", condamné à la peine capitale pour dix meurtres commis en 2002 avec son complice Lee Boyd Malvo au cours d'une équipée sanglante qui affola l'Amérique, va être mis à mort mardi. Et ce alors que des pans entiers de l'affaire restent obscurs, notamment le nombre d'assassinats réellement commis par le duo.
Il y a sept ans, John Allen Muhammad et Lee Boyd Malvo, ce dernier alors âgé de 17 ans, avaient semé la terreur pendant trois semaines dans la région de Washington. L'apogée de l'affaire est bien connue: à compter du 2 octobre, il tuèrent dix personnes et en blessèrent trois autres, au hasard, avant d'être arrêtés sur une aire de repos du Maryland. Mais leur équipée sauvage à travers l'Amérique commença bien avant, et si certains décès ont clairement été identifiés comme prélude au massacre final, d'autres restent inexpliqués, la police ayant des soupçons, mais pas de certitudes. Cette zone grise s'épaissit encore lorsque Malvo, condamné à la détention à perpétuité, avoua en 2006 quatre autres fusillades, dont deux mortelles, qui ne leur avaient jusque là pas été attribuées. Si ces confessions sont véridiques, cela signifierait que le tandem, sévissant à bord d'une Chevrolet Caprice au coffre spécialement équipé pour pouvoir tirer sans être vu, serait auteur de 27 fusillades en tout, ayant fait 17 morts dans dix Etats (Maryland, Virginie, Alabama, Washington, Géorgie, Texas, Californie, Floride, Arizona et Louisiane) plus le District de Columbia. Mais Malvo s'est refusé à aller plus loin et à confirmer ses confessions, de crainte de nouvelles poursuites. Du coup, à Clearwater (Floride), l'agression subie par Albert Michalczyk le 18 mai 2002 sur un parcours de golf reste officiellement non-élucidée. Mais la victime a été confortée par la confession de Malvo en 2006: "ma femme a immédiatement pensé que c'étaient ces types-là ", déclarait Michalczyk à l'époque. Si Cheryll Witz, dont le père a été tué lors d'une autre fusillade sur un parcours de golf avouée par Malvo a même eu un coup de fil direct de ce dernier, ce n'est pas le cas de Sarah Dillon, au Texas. Elle ne sait toujours pas si c'est le duo qui a tué son fils, Billy Gene Dillon, 37 ans, en mai 2002, dans la campagne au nord de Dallas. A l'époque, la seule chose liant les deux affaires était que Dillon aussi avait apparemment été abattu à distance avec un fusil semi-automatique puissant, comme les victimes du "sniper de Washington". Après l'arrestation, les polices de tout le pays ressortaient toute leurs affaires non-élucidées récentes, pour voir si ces meurtres pouvaient être attribués à Muhammad et Malvo. Quant au FBI, son porte-parole Richard Wolf s'est refusé à commenter combien de victimes en tout ont fait les snipers, se contentant de dire que la question est "compliquée". Pour Paul Ebert, le procureur qui a envoyé Muhammad dans le "couloir de la mort", il sera peut-être impossible de jamais savoir. "Je ne suis pas sûr qu'on puisse croire ce que dit Malvo", qui s'est fréquemment contredit, affirmant au départ avoir été l'auteur de tous les meurtres, avant de dire qu'en fait, c'était plutôt Muhammad le tireur... "Il peut même y en avoir d'autres pour lesquels nous ne sommes pas au courant, mais qui sait?" Sarah Dillon a même écrit en prison à Muhammad et Malvo, les suppliant d'avouer s'ils étaient les auteurs de l'assassinat de son fils. En vain. "J'attends des réponses depuis sept ans", soupire-t-elle, consciente que la mort de Muhammad réduit encore l'occasion pour elle de répondre à toutes ses questions. "C'est la seule chose que je demande, avant qu'ils quittent ce monde." - CP