"Selon nos traditions, lorsque quelqu’un, qui est resté longtemps chez nous, nous quitte, on lui offre un cadeau", a plaidé Me Wade s’expliquant sur la mallette d’argent par lui offerte à un agent du FMI.
La valise contenant 133.000 euros remise à un agent du FMI à Dakar en guise de "cadeau d’adieu", soulève une polémique d’une ampleur sans précédent au Sénégal, où médias et représentants de la société civile fustigent une "banalisation de la corruption" par le président Abdoulaye Wade. "Wade, distributeur automatique du palais", a titré, sans ambages, le journal privé Le Quotidien vendredi, en grosses lettres à sa une. En début de semaine, le Fonds monétaire international (FMI) avait expliqué qu’un de ses agents avait reçu de la présidence sénégalaise pas moins de "100.000 euros et 50.000 dollars (33.000 euros)", ajoutant que l’argent avait été restitué. Le président Wade avait confirmé à l’institution internationale "avoir organisé la remise" de cet argent, le 25 septembre, au représentant-résident du FMI à Dakar qui achevait sa mission dans le pays. Ce fonctionnaire, qui avait bien souvent critiqué la gestion des fonds publics au Sénégal, s’était vu offrir une valise pleine de billets après un dîner avec M. Wade. Le président, âgé de 84 ans, au pouvoir depuis 2000 et bien décidé à se représenter en 2012, n’a pas commenté de vive voix l’affaire. Mais, dans un communiqué, il a mis en avant "la coutume". "Selon nos traditions, lorsque quelquun, qui est resté longtemps chez nous, nous quitte, on lui offre un cadeau, soit en nature soit en une modeste somme dargent pour lui permettre dacheter lui-même ses souvenirs pour sa famille", a plaidé Me Wade. Le président a expliqué qu’il avait omis de "préciser la somme" à remettre au visiteur, "car il y avait une pratique", et que son aide de camp s’était, en fait, "trompé" sur le montant. Le colonel ainsi mis en cause "a-t-il confondu les coupures de 500 euros et celles de 50 ?", a demandé ironiquement le journal Sud, tandis que Le Quotidien reprochait au président de "banaliser la pratique de la corruption". Des sociologues, interrogés par d’autres médias sur cette "tradition", ont conclu que celle-ci "a bon dos". "Dans le registre des sociétés africaines traditionnelles, lorsqu’on donne un cadeau, c’est pour raffermir les relations sociales", a souligné le sociologue Djiby Diakhate. Il a estimé que l’argent offert à l’agent du FMI visait plutôt à "l’amener à avoir une position favorable au Sénégal" et constituait une "pratique corruptive". A Dakar, les langues se délient pour évoquer les présents remis, au Palais, à diverses personnalités, syndicales, politiques, religieuses, etc. "La présidence appelle des syndicalistes, nuitamment, pour leur donner des enveloppes" a ainsi déclaré à l’AFP le secrétaire général de la fédération générale des travailleurs du Sénégal (FGTS), Sidya Ndiaye. "Des subsides et des véhicules 4x4 ont aussi été donnés pour diviser le mouvement social enseignant", a-t-il assuré. Pour le coordonnateur du Forum civil (branche sénégalaise de Transparency International), Mouhamadou Mbodj, interrogé par l’AFP, le président s’est "disqualifié" pour "gérer les ressources publiques dans un pays où la majorité des ménages vivent en-dessous du seuil de la pauvreté". "Dès que M. Wade évoquera la bonne gouvernance, les gens souriront", dit-il. Il y a un mois, M. Wade avait déjà dû défendre la gestion d’une agence nationale dirigée par son fils, Karim, très critiquée dans le livre d’un journaliste sénégalais ( Abdou Latif Coulibaly, "Comptes et mécomptes de l’Anoci"). Le Parti socialiste (opposition) a accusé le président d’avoir installé "un système fait de népotisme et de clientélisme" et demandé au FMI et aux partenaires du Sénégal de "sévir" à son encontre. - L’international magazine