La journée de prières et de recueillement, décrétée samedi dernier par le chef de la junte militaire, pour le repos de l’âme des victimes de la sanglante répression du 28 septembre, a été boudée par les populations. Les Guinéens ont préféré vaquer à leurs occupations sans tenir compte de cet appel. Une manière, pour eux, de défier le Capitaine Moussa Dadis Camara et son armée.
Les Guinéens sont décidément très remontés contre le chef de la junte militaire, le Capitaine Moussa Dadis Camara et son armée. Près de cinq semaines après la sanglante répression du 28 septembre dernier, l’homme fort de Conakry semble enfin avoir pris conscience de la gravité de son acte. Il tente aujourd’hui de se réconcilier avec ce peuple qu’il a martyrisé et humilié. Mais, le malaise est si profond et les rancœurs tenaces que la réconciliation semble, pour l’instant, difficile à envisager. C’est du moins le constat qui se dégage du boycott, par les populations, de la journée de prières et de recueillement, décrétée samedi dernier par le chef de la junte militaire. Moussa Dadis Camara avait, en effet, appelé ses compatriotes à consacrer cette journée à des prières pour les victimes de la sanglante répression du 28 septembre. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cet appel n’a pas du tout été entendu par les Guinéens. Ces derniers ont préféré défier, une fois de plus, l’armée et son chef, en vaquant tranquillement à leurs occupations toute la journée de samedi. Cette attitude d’indifférence est perçue par nombre d’observateurs comme un véritable camouflet pour le chef de la junte militaire guinéenne qui avait déclaré, à maintes reprises, drainer du monde derrière lui. ‘La journée de prières et de recueillement, décrétée par le Capitaine Moussa Dadis Camara, n’a pas du tout était suivie à Conakry et dans les régions de l’intérieur. Les populations sont sorties très tôt le matin de leur domicile pour se rendre à leur lieu de travail comme si de rien était. C’est aussi une manière pour le peuple de défier le chef de la junte militaire et son armée’, déclare cet habitant de Conakry joint, dimanche, par téléphone. < /P> Dès les premières heures de la matinée, boutiques, magasins, bureaux et restaurants étaient, en effet, ouverts à Conakry et dans les villes et villages de l’intérieur, selon des médias guinéens. Seul le secteur public notamment les ministères et les services décentralisés de l’Etat comme les gouvernances et les préfectures mais aussi les écoles et les grandes entreprises privées étaient fermées. Cette fermeture n’était, cependant, pas liée à l’appel du Capitaine Moussa Dadis Camara. ‘Le secteur public et les grandes entreprises privées ne travaillent pas les samedis en Guinée’, précise notre source. < /P> Les Guinéens sont aujourd’hui traumatisés par l’ampleur de la répression du 28 septembre dernier. Et ils ont décidé de punir, à leur manière, les militaires qu’ils accusent d’être ‘responsables de cette barbarie’. C’est le cas notamment au niveau des transports en commun et dans les marchés. Les conducteurs de taxis refusent de plus en plus d’embarquer des militaires à bord par solidarité avec les victimes. ‘En Guinée, les taxis prennent autant de passagers qu’ils peuvent par course. Dès qu’un militaire, un policier ou un Gendarme monte dans un taxi, tous les autres passagers descendent. Il suffit aussi que les gens aperçoivent un ou plusieurs passagers portant une tenue militaire dans un taxi, pour qu’ils boycottent ce véhicule’, déclare ce gendarme sous le couvert de l’anonymat. < /P> La plupart des commerçants et autres vendeurs dans les marchés appliquent d’autres formes de représailles contre les forces de l’ordre. Ces mesures vont de l’augmentation des prix de la marchandise pour les militaires et leurs familles au refus pur et simple de leur vendre. Les familles des militaires et autres hommes de tenue se montrent également de plus en plus discrètes dans les lieux publics pour éviter d’éventuelles agressions physiques ou verbales. Parallèlement, les exactions contre les populations se poursuivent à Conakry et dans les régions de l’intérieur. Journalistes, membres d’associations de défense des droits de l’homme et responsables politiques sont particulièrement visés par ces escadrons de la mort qui sèment la terreur partout, dans le pays. Le rédacteur en chef de la Radio télévision d’Etat (Rtg) a été tabassé, il y a quelques jours, par un militaire de la garde présidentielle. Un reporter du journal en ligne, Africaguinee a aussi reçu des menaces du ministre chargé de la lutte contre la drogue et le grand banditisme. < /P> Les correspondants de la presse internationale ne sont pas non plus épargnés par ce qui s’apparente, aujourd’hui, à une chasse à l’homme contre des témoins gênants que sont les journalistes. Tout se passe comme si l’armée cherchait le moyen de perpétrer ses crimes et viols des femmes à huis clos comme cela a toujours été le cas en Guinée. Les correspondants de la Bbc et de Radio France internationale en Guinée ont reçu des menaces de mort. Amadou Djouldé Diallo et Moctar Bâ ont été contraints de quitter le pays pour se réfugier à Dakar en attendant la fin de la tempête. – Walfadjri