Le président sénégalais Abdoulaye Wade s'est attribué un rôle majeur dans la libération par l'Iran de la Française Clotilde Reiss mais, à Dakar, des journaux et des opposants ont dénoncé lundi un coup de "bluff".
"Le grand bluff des Wade", titrait à la Une le journal privé Le Quotidien, ironisant sur "le déploiement médiatique orchestré par le palais présidentiel", qui donne "l'impression que les Wade viennent de décrocher le prix Nobel de la paix".
Pour Seydou Guèye, un responsable de l'Alliance pour la République (APR), parti membre de Benno Sigguil Senegaal, la principale coalition de l'opposition, "il ne faut pas faire de la diplomatie sur la place publique".
"C'est bien que le Sénégal compte sur la scène internationale mais il ne faut pas faire d'excès" médiatique, ajoute-t-il à l'AFP. "Même si Dakar a joué un rôle important dans cette affaire, tout le succès ne revient pas au Sénégal", affirme-t-il.
Pour un autre opposant qui souhaite garder l'anonymat, cette affaire "n'a aucun intérêt pour le Sénégal. C'est la Françafrique et ça ne mérite pas de commentaire".
elon la présidence sénégalaise, la libération dimanche de la jeune Française, revenue en France dimanche après avoir été retenue pendant dix mois en Iran, est "consécutive" à la médiation du président Wade.
"Ce que je peux affirmer, chronologie en main, c'est que cette libération est le résultat direct de ma médiation", a de nouveau assuré lundi le président sénégalais dans un entretien au journal français Le Parisien.
Mais pour le journal privé sénégalais "Kotch", il s'agit d'une "diplomatie tout à l'égo".
"Des trois pays que le France a officiellement remerciés (Brésil, Sénégal, Syrie) pour leur implication dans la libération de Clotilde Reiss, seul le Sénégal a sorti un communiqué faisant cas de sa propre participation à cette médiation", écrit-il.
Pour le Quotidien, "ce désir irréfragable d'exister en tant que sommité politique mondiale fait du président Wade une sorte d'apprenti-sorcier dont le souci essentiel consiste à faire de (son fils) Karim Wade une pointure diplomatique internationale", ajoute-t-il.
Ministre des Transports, Karim Wade a participé à la médiation en Iran avec l'avocat Robert Bourgi, considéré par de nombreux observateurs comme un des "piliers" de la Françafrique. Ses opposants accusent Karim Wade, 41 ans, de vouloir succéder à son père, 84 ans, à la présidence de la République.
La présidence sénégalaise a indiqué dimanche soir que le président Wade avait "reçu un appel téléphonique du président Sarkozy qui l'a chaleureusement félicité pour le rôle +déterminant+ qu'il a joué dans la libération de Clotilde Reiss".
Dimanche, le président français Nicolas Sarkozy avait remercié "pour leur rôle actif" le président du Brésil, Luiz Inacio Lula da Silva, le président de Syrie Bachar al Assad, et le président Wade, sans préciser leurs rôles respectifs.
Avant lui, le ministre français des affaires étrangères Bernard Kouchner n'avait pas voulu faire de commentaire sur la médiation sénégalaise: "vous connaissez cette phrase: la victoire a beaucoup de pères, la défaite est orpheline". - AFP