Donald Trump et ses alliés français et britannique ont vanté samedi le succès de leurs bombardements contre le régime de Damas, une opération ponctuelle destinée à punir Bachar al-Assad pour son usage allégué d'armes chimiques, et brandi la menace de nouvelles frappes s'il franchissait encore cette "ligne rouge".
La Russie, soutien politique et militaire du pouvoir syrien, a répliqué sur le terrain diplomatique. Aux Nations unies, elle a demandé une réunion d'urgence du Conseil de sécurité mais échoué à faire voter sa résolution condamnant "l'agression" armée contre Damas, son représentant Vassily Nebenzia fustigeant "le néo-colonialisme" américain.
C'est dans cette enceinte de l'ONU que l'ambassadrice américaine Nikki Haley est montée au créneau pour maintenir la pression sur Bachar Al-Assad mais aussi sur ses alliés russes et iraniens.
"J'ai parlé au président (Trump) ce matin, il a dit que si le régime syrien continue d'utiliser ce gaz toxique, les Etats-Unis sont prêts à dégainer de nouveau", a-t-elle affirmé dans une nouvelle joute entre Washington et Moscou qui symbolise l'extrême tension entre les deux anciens ennemis de la Guerre froide.
Emmanuel Macron a pour sa part estimé qu'après les frappes, c'était maintenant au Conseil de sécurité de "reprendre, dans l'unité, l'initiative sur les plans politique, chimique et humanitaire".
Le président français s'est une nouvelle fois entretenu samedi après les frappes avec son homologue américain et la Première ministre britannique Theresa May.
Les raids, dont la menace planait depuis plusieurs jours et qui ont donné lieu à une intense coordination entre les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni, ont été lancés dans la nuit de vendredi à samedi en riposte à l'attaque chimique du 7 avril à Douma imputée au régime Assad.
Une responsable de l'administration américaine a indiqué samedi à la presse que Washington pensait que du chlore et du gaz sarin avaient été utilisés par le régime lors de cette attaque.
Les frappes ont visé trois sites liés au programme d'armement chimique syrien près de la capitale et dans le centre du pays.
Cette opération semble avoir été ciblée pour éviter une escalade de la guerre en Syrie, plus complexe que jamais après sept années de conflit et la présence sur le terrain de plusieurs forces étrangères, dont les armées américaine, russe et iranienne.
Trop peu trop tard, pour les évacués de Douma, rencontrés à 400 kilomètres de chez eux, dans un camp de déplacés.
"Nous sommes contents de voir que quelqu'un a enfin senti qu'on existait", a déclaré Nadia Sidaoui. Mais, ajoute-t-elle, "les frappes menées n'ont pas eu vraiment d'impact" sur Bachar al-Assad.
De fait, il s'est agi d'une opération très limitée dans le temps et par son ampleur. Elle est terminée, a confirmé samedi le Pentagone.
Les experts estiment que ces frappes n'auront pas d'impact sur le conflit syrien, dont le président Assad semble en passe de sortir victorieux. Son armée a annoncé samedi la reprise intégrale de l'enclave rebelle dans la Ghouta orientale, la région proche de Damas dans laquelle se trouve la ville de Douma.
Les raids occidentaux n'ont fait "aucune victime au sein de la population civile ou de l'armée syrienne", d'après l'armée russe, dont les installations sur place ont été soigneusement évitées.
Le président américain a salué d'un tweet matinal une frappe "parfaitement exécutée" dont "le résultat n'aurait pu être meilleur". "Mission accomplie!", a lancé Donald Trump -- comme son prédécesseur George W. Bush en 2003, annonçant, de manière prématurée, la fin de la guerre en Irak.
Le Pentagone a réfuté une déclaration de l'armée russe selon laquelle la défense antiaérienne syrienne a intercepté 71 missiles de croisière sur 103.
"La campagne de désinformation russe a déjà commencé", a dit sa porte-parole Dana White.
"Nous avons frappé avec succès chaque cible", a martelé le Pentagone. Il estime que le programme chimique syrien "mettra des années à s'en remettre" mais sans pouvoir garantir que le régime Assad "ne sera pas en mesure de le reconstituer".
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a aussi estimé qu'une "bonne partie de l'arsenal chimique" avait été "détruite".
La porte-parole du ministère américain de la Défense Dana White a réaffirmé que les Etats-Unis ne cherchaient "pas à intervenir" dans la guerre civile syrienne.
La seule mission de l'armée américaine en Syrie reste le combat contre le groupe Etat islamique (EI), considérablement affaibli, et Donald Trump plaide désormais pour un désengagement le plus rapide possible.
Il était 04H00 à Damas (01H00 GMT) samedi matin quand le président américain annonçait, depuis la Maison Blanche, le lancement de "frappes de précision" près d'une semaine après l'attaque chimique attribuée par les Occidentaux au régime syrien.
Au même moment, de lourdes détonations résonnaient dans la capitale syrienne et des colonnes de fumée émergeaient depuis le nord-est de la ville, selon une journaliste. Les frappes ont duré environ 45 minutes.
Le président Assad a dénoncé une "agression" qui ne fait que "renforcer" sa "détermination à continuer de lutter et d'écraser le terrorisme", terme par lequel il désigne les rebelles.
Moscou a évoqué une "insulte" au président Vladimir Poutine, tandis qu'en Iran, le guide suprême Ali Khamenei a qualifié les dirigeants américain, français et britannique de "criminels".
A Damas, les frappes ont galvanisé les partisans du régime. Au lever du soleil, plusieurs dizaines d'entre eux se sont rassemblés sur l'emblématique place des Omeyyades, au son de klaxons et de musiques patriotiques, arborant des drapeaux syriens, chantant et dansant à la gloire de Bachar al-Assad.
Dans la journée, l'armée a annoncé la reprise totale de la Ghouta orientale.
Une mission de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) devait entamer samedi son enquête sur l'attaque chimique présumée, qui a fait au moins 40 morts dans la ville de Douma, selon des secouristes sur place mais a été qualifiée de "fabrication" des rebelles par le régime et son allié russe. - AfricaLog avec agence