Abubakar Shekau a démenti dimanche avoir été tué ou remplacé à la tête du groupe islamiste Boko Haram comme l'avait laissé entendre le président tchadien, l'accusant lui et le président nigérian de mensonges.
«Toute ma gratitude à Allah car grâce à lui, je n'ai pas disparu. Je suis toujours vivant et je ne suis pas mort. Et je ne mourrai pas avant que mon heure soit arrivée, au bon vouloir d'Allah», se vante Abubakar Shekau dans un enregistrement audio diffusé dimanche sur les réseaux sociaux.
L'authenticité du message a été vérifiée par le groupe d'experts en renseignement SITE qui estime que la voix figurant dans l'enregistrement est similaire à celle qui a pu être entendue sur les précédents messages d'Abubakar Shekau.
Dans ce message de huit minutes en haoussa, la langue la plus parlée dans le nord du Nigeria, Abubakar Shekau accuse le président Idriss Deby Itno d'être un «hypocrite» et un «tyran». «On peut lire en effet partout sur les médias mondiaux des infidèles que je suis mort, ou que je suis malade et incapable d'agir et que j'ai perdu mon influence dans les affaires religieuses», s'agace-t-il, mais «on doit comprendre que c'est faux. C'est un mensonge en fait. Si c'était vrai, vous ne pourriez pas entendre ma voix au moment où je vous parle».
Mardi, le président tchadien a déclaré à N'Djamena que l'organisation islamiste était «décapitée» et que la guerre se terminerait «avant la fin de l'année». «Boko Haram va disparaître avec la mise en place de la force mixte qui sera opérationnelle dans quelques jours», a-t-il promis. Composée de 8700 hommes, cette force doit coordonner les actions des différentes armées de la région (Nigeria, Tchad, Cameroun, Niger, Bénin).
Par ailleurs, M. Deby a évoqué mardi pour la première fois Mahamat Daoud, qui aurait remplacé Shekau à la tête de Boko Haram.
L'absence, depuis plusieurs mois, de vidéos montrant Abubakar Shekau a fait dire à certains qu'il avait peut-être été tué ou blessé. Le dernier enregistrement audio remonte à son allégeance au groupe Etat islamique (EI) le 7 mars.
Dans le message diffusé dimanche, le responsable jihadiste parle pour la première fois de lui-même comme étant le «chef de la branche ouest-africaine» de l'EI et rend hommage au chef de l'EI, Abou Bakr al-Baghdadi, qu'il appelle le «calife des musulmans».
Shekau en profite pour railler le président nigérian Muhammadu Buhari, qui le 29 mai, jour de son investiture, avait promis d'éliminer Boko Haram, et qui jeudi, a sommé ses soldats de mettre fin à l'insurrection en trois mois.
«Ce prétentieux, un menteur -- Je parle de Buhari, qui a pris les armes pour nous écraser en trois mois. Toi Buhari, pourquoi n'as-tu pas plutôt dit en trois ans ?» s'amuse Shekau, ajoutant : «Avec certitude, nous te combattrons, par la grâce d'Allah, jusqu'à ce que nous ayons instauré la loi d'Allah partout sur terre.»
Les combattants de Boko Haram ont multiplié les raids meurtriers et les attentats-suicides ces dernières semaines. Cette nouvelle vague de violence a fait au moins 900 morts au Nigeria depuis le 29 mai. Boko Haram a également frappé pendant cette période le Niger, le Tchad et le Cameroun voisins.
Les conjectures sur Shekau - et même sur son identité - vont bon train depuis des années au Nigeria. Les allées et venues du chef islamiste le plus recherché du pays restent intraçables, mais jusqu'ici, il est toujours réapparu alors qu'il était déclaré mort.
Pour des experts et des responsables sécuritaires nigérians, «Shekau» n'est qu'un personnage composite, qui emprunte à plusieurs combattants au gré du temps. Selon eux, le Shekau d'origine -- le fils de paysans pauvres qui s'est radicalisé dans des écoles coraniques avant de prendre la tête de Boko Haram en 2010 -- serait mort il y a plusieurs mois, voire plusieurs années.
Pourtant, les États-Unis, ainsi que d'autres experts, mettent en doute cette théorie. «Me voilà , en vie. Je mourrai seulement le jour où Allah m'ôtera la vie», déclarait ainsi le terroriste, en chair et en os, dans une vidéo diffusée en octobre 2014. – AfricaLog avec agence