L'utilisation d'armes chimiques près de Damas le 21 août est «indéniable», a assuré le secrétaire d'État John Kerry lundi, dont le pays consulte à tout-va sur une éventuelle intervention militaire contre le régime syrien, au moment où les experts de l'ONU recueillent des échantillons sur le site de l'attaque présumée.
«Des armes chimiques ont été utilisées en Syrie», a déclaré M. Kerry devant la presse lors d'une intervention à Washington, «c'est indéniable».
Le chef de la diplomatie américaine a qualifié d'«indécence morale» l'usage de ces armes, qui auraient fait plus de 1000 morts dans la Ghouta orientale le 21 août, selon l'opposition au président syrien Bachar al-Assad.
Sans désigner de coupable, John Kerry a assuré que «le président Obama pense que ceux qui ont recours aux armes les plus atroces contre les populations les plus vulnérables de la planète doivent rendre des comptes».
Mais M. Kerry n'a pas évoqué de quelconque projet de frappe contre le régime de Damas.
De même, la Maison Blanche a démenti des informations du quotidien britannique Telegraph affirmant que Washington et Londres s'apprêtaient à lancer une action militaire commune «dans les prochains jours».
Ces derniers jours, le secrétaire à la Défense Chuck Hagel a cependant déclaré que les forces américaines étaient prêtes à agir si nécessaire.
Sur le terrain, les enquêteurs de l'ONU sont finalement parvenus à se rendre à Moadamiyat al-Cham, une localité au sud-ouest de Damas tenue par les rebelles et cible mercredi, selon l'opposition, d'une attaque à l'arme chimique par le régime.
Malgré «ces circonstances très difficiles», ils ont pu «visiter deux hôpitaux et parler à des témoins, des survivants, et des médecins et ils ont pu aussi recueillir des échantillons», a déclaré le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon.
Il faudra «attendre un peu pour avoir le premier avis du Dr (Aake) Sellström», chef de l'équipe, sur ces éléments, a-t-il indiqué.
Un porte-parole de l'ONU a précisé que la collecte d'informations et d'échantillons «a été très productive» et l'équipe «semblait très satisfaite de son travail». Il a ajouté que les experts poursuivraient leur travail mardi, sans indiquer où.
Un peu plus tôt dans la journée, ils avaient dû rebrousser chemin, le premier véhicule de l'équipe ayant «été délibérément touché à plusieurs reprises par des tirs de snipers non identifiés», avait indiqué un porte-parole de l'ONU, en ne faisant état d'aucun blessé.
Alors que régime et rebelles se sont accusés mutuellement de ces tirs, M. Ban a émis une «ferme protestation» auprès des deux parties.
Répondant aux accusations sur un recours aux armes chimiques, le président Assad a estimé qu'il était «contraire au bon sens» de pointer du doigt son régime avant l'enquête. Il a aussi prévenu qu'en cas d'intervention militaire, «les États-Unis essuieraient un échec».
Ces déclarations sont intervenues en pleines tractations sur une possible action militaire étrangère.
Le chef de la diplomatie britannique William Hague a estimé qu'il était «possible» de répondre à l'usage d'armes chimiques sans l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU, tout en refusant de «détailler les options militaires» envisagées.
Redisant sa conviction que le régime avait utilisé des armes chimiques le 21 août, il a jugé qu'une intervention serait possible pour des motifs de «détresse humanitaire».
Pour le chef de la diplomatie française Laurent Fabius, les pays occidentaux décideront d'une réaction «dans les jours qui viennent», tandis que la Turquie s'est dite prête à rejoindre une coalition contre la Syrie, même sans consensus à l'ONU.
Selon des experts, les pays occidentaux pourraient mener des frappes chirurgicales contre des intérêts stratégiques, sans pour autant s'engager dans une intervention de longue durée.
L'Irak a affirmé être opposé à l'utilisation de son espace aérien ou de son territoire pour toute opération.
Mais la Russie, puissante et fidèle alliée du régime, a mis en garde contre une intervention militaire sans aval du Conseil de sécurité de l'ONU, estimant qu'elle serait «dangereuse» et constituerait «une violation illégale du droit international».
Le président Vladimir Poutine s'est entretenu lundi par téléphone avec le premier ministre britannique David Cameron, qui a écourté ses vacances, affirmant notamment qu'il n'y avait «pas de preuves ni de l'utilisation d'armes chimiques ni de qui en serait responsable».
Autre allié du régime syrien, l'Iran a prévenu les États-Unis de «dures conséquences» en cas d'intervention.
La Chine a préconisé elle la «prudence, afin d'éviter toute ingérence».
L'Allemagne a de son côté indiqué qu'elle approuverait une éventuelle «action» de la communauté internationale si l'usage d'armes chimiques était confirmé, tandis que l'Arabie saoudite exhortait le Conseil de sécurité de l'ONU à agir face aux «massacres effroyables» commis selon elle par les autorités syriennes.
Lundi, de hauts responsables militaires de pays occidentaux et de la région ont entamé une réunion de deux jours en Jordanie pour discuter «des scénarios» possibles après les «dangereux développements» en Syrie, selon Amman. Y participe notamment le général Martin Dempsey, chef d'état-major inter-armées américain. – AfricaLog avec agence