«Si rien n’est fait pour la satisfaction de nos revendications, nous nous retirerons du processus», menacent les magistrats. «Toutes vos revendications sont légitimes», reconnaît le Chef de l’Etat qui estime toutefois que «la plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu’elle a».
Les magistrats guinéens entendent déclencher une grève de boycott des élections législatives du 24 septembre si d’ici le 20 septembre leurs exigences ne sont pas satisfaites. Décision prise à la suite d’une assemblée générale qui a regroupé aussi bien les magistrats des tribunaux de Conakry que des 33 autres préfectures de la Guinée.
Selon le Président du Conseil d’Administration de leur association, leur revendication porte sur de meilleures conditions de vie et de travail conformément aux dispositions juridiques et réglementaires contenues dans le Statut particulier des magistrats guinéens. D’ailleurs, dit-il, «on ne comprend pas que rien n’ait été fait depuis que le Président de la République a annoncé que l’année 2013 sera l’année de la Justice». Kèlèfa Sall de se demander: «depuis cette annonce, qu’est-ce qu’il a fait pour la Justice ?».
Pour lui, en tout cas, «rien n’a été constaté sur le terrain» avant d’ajouter «même le processus électoral qui est en cours, nous nous sentons marginalisés» et de marteler: «si rien n’est fait pour la satisfaction de nos revendications, nous nous retirerons du processus».
Expliquant la façon de boycotter le processus, M. Sall lâche: «l’assemblée générale a décidé à l’unanimité de lier notre participation à une quelconque consultation populaire maintenant dans notre pays, à la satisfaction de certaines conditions pour garantir l'indépendance de la magistrature».
La conséquence de cet acte sera la non validation des votes. Alors que, selon le Code électoral, les magistrats sont les Présidents des Commissions administratives chargées de la centralisation des votes.
Prenant la mesure de la menace des magistrats, le Président de la République les a aussitôt invités, à travers leur Conseil d’Administration, au Palais Sèkhutureya afin de désamorcer la crise.
Le Président du Conseil d’administration, Kèlèfa Sall aura ainsi l’occasion de dérouler la plate-forme revendicative de l’association au Premier magistrat du pays:
«- la mise en effectivité de toutes les dispositions des lois 054 et 055 du 17 mai 2013 renvoyées aux décrets d’application;
- la prise en compte concrète de toutes les mesures liées à la rémunération avec, au besoin, effet rétroactif à compter du début de l’année 2013 que vous avez proclamez solennellement "année de la justice" ;
- l’installation du Conseil supérieur de la Magistrature dans ses fonctions ;
- la dotation des Chefs de juridiction et de parquet en moyens de transport ;
- la mise en œuvre des mesures concrètes de détachement du budget des juridictions de celui du Ministère de la Justice».
Le Président de la République a dit prendre bonne note des doléances ainsi avancées. En sa qualité de Président du Conseil supérieur de la Magistrature, Pr. Alpha Condé s’est dit disposé à «un dialogue constructif et constant» avec les magistrats tout en soutenant que «la justice et la sécurité sont les premiers piliers d’un Etat de droit» avant de déclarer : «toutes vos revendications sont légitimes. Là, je suis le premier convaincu Mais je n’ai pas d’argent pour le moment. Le budget accuse un déficit de 30%». Il dira toutefois qu’il est prêt à signer les décrets portant application des deux lois s’ils lui sont soumis: «Mais, la plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu’elle a. Il y a des choses que l’on peut faire : la mise en place du Conseil supérieur de la Magistrature, je pense qu’on va essayer d’ici à fin octobre, de le faire. Concernant les lois, mais, je vais vous demander à vous-mêmes, de me préparer les décrets [d’application, NDLR] parce que, vous êtes les premiers concernés, je vais voir ce que vous proposer» car, a-t-il insisté, «il ne sert à rien de signer les textes s’il n’y a pas où trouver les ressources pour les appliquer».
Selon les témoins, les magistrats qui étaient arrivés sur les lieux avec l’air tendu, en sont finalement partis «édifiés et rassurés». Ils auraient obtenus un premier gain de cause à une de leurs doléances du jour, avec l’appui du Chef de l’Etat à la tenue rapide d’un cycle de formation des jeunes magistrats. Un séminaire relatif à la tenue des élections législatives.
L’association s’est réunie vendredi à la Cour d’Appel de Conakry en Assemblée générale extraordinaire. Après le compte-rendu de la rencontre avec le Président de la République, les discussions ont évolué sur le sujet de boycott ou non des élections législatives. Il est ressorti des échanges, que les magistrats sont finalement divisés sur cette question.
Leur revendication se limiterait dorénavant, selon le Président du Conseil d’administration, Kèlèfa Sall, à la mise en application des lois relatives au Statut des magistrats et au Conseil supérieur de la Magistrature.
L’Avocat général, William Fernandez, a conseillé ses pairs de ne pas engager de bras de fer avec le pouvoir car, ils n’en sortiraient pas vainqueurs. Il les a invités à revoir à la baisse leurs prétentions.
Un autre de suggérer un nouveau déplacement pour Sèkhutureya: «il faut retourner voir le Président de la République avec des propositions concrètes. Ainsi, à l’issue de cette rencontre avec le Chef de l’Etat, on pourrait apprécier».
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