Jugé inutile pour lutter contre la grippe porcine, le massacre des porcs se poursuit en Egypte et avec cruauté, comme le montre une vidéo choc diffusée sur internet.
C'est par centaines que des cochons sont jetés dans des bennes, tassés à coups de barres de fer, puis tués chimiquement avant d'être enterrés dans la chaux, selon cette vidéo du quotidien indépendant Al-Masri Al-Yom. Mises en ligne ce week-end sur YouTube, ces images ont déjà été vues par 25.000 internautes, suscitant opinions horrifiées et réactions indignées de dignitaires musulmans ou coptes. Alors qu'aucun cas de grippe porcine n'a été recensé sur son territoire, l'Egypte est le seul pays au monde à avoir décrété début mai l'élimination d'un cheptel d'environ 250.000 porcs. Cette mesure n'affecte que la minorité chrétienne copte, les musulmans ne consommant pas la viande de porc jugée impure par l'Islam. Pour l'OMS, elle n'est pas scientifiquement justifiée. Des intellectuels arabes, chrétiens ou musulmans, ont accusé le régime de Hosni Moubarak d'avoir composé avec l'opposition islamiste des Frères musulmans qui faisait campagne contre les élevages de cochons "en terre d'Islam". "Les Coptes victimes de la grippe sans avoir été contaminés", a écrit l'écrivain marocain Tahar Ben Jelloun, pour qui le gouvernement égyptien a clairement agi "sous la pression des islamistes". Pour Salama Ahmad Salama, l'un des plus célèbres éditorialistes égyptiens, c'est "la stupidité humaine davantage qu'une maladie des porcs" qui explique cette décision du pouvoir en Egypte face à une crise virtuelle. A ce débat sur une mesure que le gouvernement a justifiée en invoquant le principe de précaution, alors que sévit la grippe aviaire en Egypte, s'ajoute désormais une controverse sur l'extermination cruelle des porcs. Dans la vidéo, le maire adjoint de Khassous, près du Caire, Mohamed el-Mougharbil, précise que des produits chimiques sont déversés sur les animaux entassés dans des camions, provoquant lentement leur mort. Ali Chaabane, le chef de la décharge où ils sont enfouis, le confirme. "Les cochons sont recouverts de produits chimiques, on les laisse pendant 30 à 40 minutes jusqu'à ce qu'ils meurent puis on les jette dans la fosse". Mais au ministère de l'Agriculture, on dément la mort par voie chimique. "Ce sont des désinfectants, les cochons sont égorgés avant d'être enterrés", affirme à l'AFP Saber Abdel Aziz Galal, chef du département des maladies infectieuses. Pourtant, dans la vidéo d'Al-Masri Al-Yom, les cochons jetés dans la chaux ne présentent aucune trace de sang. D'autres photos obtenues par l'AFP montrent des cochons ensanglantés, éviscérés mais non égorgés. Interrogé par l'AFP, le cheikh Salim Mohammed Salim, chef du conseil des fatwas de l'université Al-Azhar, estime que tuer ainsi un animal est "strictement interdit par l'Islam". "Quel qu'il soit, y compris un porc!". "Il faut se débarrasser des cochons de manière civilisée. L'animal a des droits, tout comme l'homme", a pour sa part affirmé le président du Parlement, Fathi Sorour. Un reportage de l'hebdomadaire Al-Ahram Hebdo dénonce la pagaille qui règne à Bassatine, le grand abattoir du Caire où les porcs doivent être mis à mort, au rythme de 1.200 par jour. "Seuls les mâles sont tués conformément aux règles", note la journaliste Heba Nasreddine, alors que "les petits porcs et les truies sont assommés avec une barre de fer et on les laisse saigner jusqu'à ce qu'ils meurent". Une pétition pour demander au gouvernement égyptien de mettre fin "à la tuerie brutale" des porcs a aussi été mise en ligne sur "Care2". - AFP