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Mettre fin aux résistances à l’alternance démocratique

Feb 27, 2009

Des dysfonctionnements sont enregistrés depuis quelques années sur le continent africain en matière d’alternance démocratique, se traduisant souvent par une révision opportuniste de la constitution en vue de se maintenir au pouvoir.

Par ailleurs, la contestation des résultats des urnes s’érige de plus en plus en règle, mettant gravement en cause la démocratie dans ses fondements. Des juristes et autres experts en matière électorale se sont réunis cette semaine à Cotonou, au Bénin, et ont fait des recommandations pour relever les défis de l’alternance démocratique en Afrique.

La conférence régionale, réunie sur le thème ‘’Les défis de l’alternance démocratique en Afrique’’, organisée par l’Institut des droits de l’Homme et de la démocratie (IDH) avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la démocratie (FNUD), s’est déroulée dans la capitale économique du Bénin du 23 au 25 février. Elle répond aux préoccupations de la Communauté internationale dans la recherche de des voies et moyens de promouvoir et d’enraciner la démocratie sur le continent.

La réunion intervient dans un contexte africain caractérisé par la résurgence de nouvelles formes de résistance à l’alternance démocratique que constituent notamment la pratique de la succession dynastique au pouvoir et la technique de modifications constitutionnelles.

‘’Il s’agissait pour les participants venus de divers pays africains et de France de faire le point sur les défis qui se posent en matière d’alternance démocratique’’, a indiqué à IPS, Stéphane Bollé, un constitutionnaliste français, faisant un bilan de la rencontre.

‘’Il a été fait un diagnostic général sur les handicaps de natures diverses, que ce soit juridique, politique ou socioculturel, qui sont susceptibles d’empêcher l’alternance démocratique en Afrique’’, a déclaré Bollé. ‘’Le point qui est revenu très souvent est que les décideurs et les gouvernants n’ont pas assez de sens éthique et il faudrait envisager une forme de déontologie de l’exercice du pouvoir’’, a-t-il préconisé.

‘’Dès lors qu’il y a un président autoritaire, eh bien tout est possible, parce que le droit ne canalise plus suffisamment ce type de comportement dangereux’’, a-t-il expliqué à IPS.

Selon Maurice Ahanhanzo Glèlè, le coordonnateur de l’IDH, les dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et du Pacte international sur les droits civils et politiques recommandent qu’un Etat démocratique assure à chaque citoyen les libertés publiques et la participation à des élections honnêtes et libres. ‘’L’alternance au pouvoir est une nécessité dans la consolidation d’un Etat de droit et pour contrer toute velléité monarchique, source de conflits sanglants’’, a-t-il ajouté.

Pour la représentante de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) Christine Dessouches, il faut une consolidation de l’Etat de droit à travers l’éducation et la culture permanente de la démocratie, avec notamment un diagnostic des véritables causes des résistances et des blocages.

‘’Sans élections libres et transparentes, pas de démocratie’’, a souligné à IPS, Anne Sophie Le Beux, la représentante du FNUD.

Le ministre des Affaires étrangères du Bénin, Jean Marie Ehouzou, a déclaré qu’il faudrait instaurer un véritable débat sur les questions de paix et d’alternance démocratique pour réduire les risques de dérapages qui caractérisent souvent les élections. ‘’L’une des solutions à la résistance à l’alternance réside dans l’amélioration de la situation matérielle et sociale de ceux qui ont occupé de hautes fonctions afin qu’ils ne pensent pas que lâcher le pouvoir, c’est descendre aux enfers’’, a-t-il ajouté.

‘’L’alternance est souvent difficile parce que les Africains font du pouvoir un patrimoine personnel’’, a expliqué à IPS, Ousmane Batoko, un ancien ministre sous le régime de l’ex-président béninois, le général Mathieu Kérékou.

‘’Il serait intéressant d’envisager la possibilité de prolonger au-delà des trois mois prévus par les textes, la possibilité pour les anciens présidents de bénéficier d’une période de sevrage de six mois à un an’’, a préconisé Batoko. ‘’Pendant cette période, ils conservent les avantages qu’il avaient eus pendant leur mandat’’. Il a également souligné la nécessité d’adapter ‘’nos textes, nos lois, nos constitutions et nos pratiques politiques aux réalités africaines afin de mettre en place des sortes de traditions établies’’.

Pour Mathias Hounkpè, politologue à la Cellule d’analyse des politiques de développement de l’Assemblée nationale du Bénin, le constat a été confirmé que l’alternance continue d’être une difficulté pour les jeunes démocraties africaines. ‘’Nous avons toujours de la difficulté à obtenir des acteurs politiques qui dirigent nos pays de passer le témoin dans des délais raisonnables selon les dispositions de leur constitution’’, a confié Hounkpè à IPS.

‘’En 1990, la plupart des constitutions contenaient des dispositions limitant le nombre de mandats. Mais avec le temps, ces dispositions ont été supprimées dans la plupart des pays ou amendées de manière à permettre aux acteurs de rester au pouvoir pendant 20 ou 30 ans’’, a-t-il déploré.

Selon Hounkpè, l’alternance a lieu parfois, mais la fin du mandat du président sortant est marquée par des comportements qui rendent difficile la continuité du pouvoir à celui qui gagne les élections. ‘’Il y a alternance, mais la gestion du pouvoir devient difficile... parce qu’on a fait des nominations fantaisistes. On aménage les institutions pour garantir des conditions au fils..., aux membres de la famille ou du parti’’, explique-t-il.

Le Sénégal, qui était l’un des modèles de démocratie en Afrique, connaît aussi des problèmes d’alternance.

‘’En 2000, nous avons connu une alternance remarquable classant le Sénégal pratiquement dans le peloton de tête des pays africains les plus démocratiques et les plus libres. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus difficile à dire parce que, à partir de 2004-2005, nous avons constaté beaucoup de dérives de la part du pouvoir d’Etat’’, a déclaré à IPS, Alioune Tine, président de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (RADDHO), une organisation non gouvernementale basée à Dakar.

‘’Aujourd’hui, la pire des choses qui nous arrive au Sénégal est le projet de succession monarchique parce qu'il y a des indications qui montrent que (Abdoulaye) Wade a l'intention de mettre son fils au pouvoir’’, déplore Tine.

La réunion de Cotonou vient après celle sur les stratégies pour la promotion de la démocratie, organisée par le FNUD au siège des Nations Unies à New York, en juillet 2006, et celle sur les transitions démocratiques, organisée par le Centre international pour la transition démocratique (ICTD) en partenariat avec le FNUD à Budapest (Hongrie), en avril 2007. - IPS

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