Depuis le 18 février 2010, le Niger vit son 4e coup d’Etat : 1974 avec le général Seni Kountché, 1996 avec le général Ibrahim Baré Maïnassara, 1999 avec le commandant Daouda Malam Wanké, et le dernier en date avec le commandant Salou Djibo, qui est l’homme fort du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD), l’organe qui exerce le pouvoir d’Etat.
Ce putsch intervient après des mois de tensions consécutives au refus d’un homme de se plier aux lois de son pays : Mamadou Tandja. Celui-là même que ses compatriotes appelaient le « militaire civilisé » a été élu en novembre 1999 puis réélu en décembre 2004.
Après avoir promis à Sarkozy, le 22 mars 2009, de ne pas rempiler au terme de son mandat (décembre 2009), cela rappelle une autre promesse faite par Eyadema à Chirac en 2003, le colonel Tandja se parjurera par un référendum le 4 août 2009 et commettra d’autres forfaitures pour s’accrocher au trône. En mettant fin à cette ambition de présidence à vie, le commandant Salou Djibo et ses compagnons d’armes ont fait œuvre de salubrité politique comme nous l’écrivons dans notre éditorial du 19 février 2010. (Lire A la loupe de l’Obs.)
Au lendemain de ce pronunciamiento, force est de reconnaître que le CSRD jouit d’un préjugé favorable et bénéficie d’un délai de grâce de la part des Nigériens excédés par les foucades politiques de l’enfant terrible de Difa. En témoignent les marches de soutien des populations dès le lendemain de l’avènement de la junte.
Certes l’UA, la CEDEAO et la communauté internationale ont condamné ce contre-coup d’Etat, mais c’est plus par principe, car le pouvoir déchu était hors-jeu au regard de la légalité. D’ailleurs, diplomates et analystes politiques estiment que cette transition militaire pourrait ouvrir rapidement la voie à des élections, reportées par l’impopulaire réforme constitutionnelle de Tandja. En tout cas les putschistes l’ont promis deux jours après leur arrivée au pouvoir.
Donnons-leur un peu de temps tout en égrenant une petite liste, non exhaustive, des pays qui ont reprofilé leur constitution au gré de la volonté de leur dirigent :
au Gabon, au Togo et au Tchad, les défunts Omar Bongo Ondimba, Eyadéma et le président Idriss Déby ont promis plusieurs fois de s’effacer, mais seule la grande faucheuse a arrêté les deux premiers, tandis que le 3e, lui, est toujours aux commandes du Tchad ;
en Côte d’Ivoire, Robert Guei, en sauveur de Noël en 1999 a fini de balayer la maison ivoirienne et a voulu s’y installer définitivement ;
en Guinée Dadis Camara, après moult promesses de ne pas s’éterniser au camp Alpha-Yaya, a finalement été frappé d’amnésie, et n’eût été la balle de son aide de camp, il se serait incrusté au pouvoir ad vitam aeternam ;
au Burkina Faso, Blaise Compaoré aurait dû quitter son fauteuil en 2005 au terme d’un double septennat. Mais voilà qu’en 1997, la limitation à deux mandats a été effacée de l’article 37.
Trois ans après, le même article a été de nouveau remodelé, et désormais le président du Faso a été élu pour 5 ans et rééligible une fois. L’enfant terrible de Ziniaré peut donc prolonger son bail à Kosyam jusqu’en 2015. Et après ? Normalement, il ne le peut plus après cette date. A moins que... On entend déjà de nombreux zélateurs prêts à charcuter à la hache ou au scalpel notre Loi fondamentale sous le prétexte que nos « Etats sont jeunes et nos démocraties encore fragiles... » ; argument spécieux s’il en est, car renforcement de l’Etat de droit et de la démocratie ne signifie aucunement immobilisme politique.
Celui qui est considéré historiquement comme l’ancêtre des constitutionnalistes, à savoir Solon(1), à qui des citoyens demandèrent un jour : « Dites-nous quelle est la meilleure constitution ? », répondit : « Dites-moi pour quel peuple et à quelle époque ». Plus tard, Aristote disait que « les gouvernants doivent se donner une Loi pour ne pas tyranniser les gouvernés, car ils sont appelés, eux aussi, à ...obéir un jour » (2).
Notre contemporain Maurice Glélé, (3) professeur de droit à Paris I Panthéon Sorbonne, lors d’une conférence à Cotonou sur le thème « Une constitution pourquoi faire ? », a souligné le peu de respect qu’ont les dirigeants africains pour les constitutions et les conséquences qui en découlaient.
Cet énième coup d’Etat sonne donc comme un avis de grosse tempête sur les tripatouilleurs professionnels. Lorsqu’une population est « ras-le-bolisée » par l’impéritie et les pirouettes politiques des dirigeants, lorsque les opposants et les syndicats battent le macadam jusqu’à user les semelles et même jusqu’à avoir des cors aux pieds sans être entendus, seuls les bruits de bottes peuvent sortir ces dirigeants de leur surdité. Hélas le fusil étant plus bruyant et dissuasif que l’urne en Afrique.
Une Constitution qui circonscrit toute destinée présidentielle à 2 ou 3 mandats doit être ABSOLUMENT respectée quand bien même on aurait mille chantiers à terminer, car on sait que, passé un certain temps au pouvoir, la sclérose s’installe. Mais comme l’histoire n’a jamais servi de leçon aux hommes...; L’observateur Paalga
Notes (1) Solon, sage et philosophe de l’antiquité grecque, a été chargé de rédiger la première constitution grecque
(2) Aristote in Politique, Livre III
(3) Maurice Glélé, président de la commission constitutionnelle du Bénin