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La Suisse n'accepte plus l’argent des dictateurs

May 06, 2010

Après avoir été l'une des destinations favorites des potentats et satrapes du monde entier soucieux de mettre à l'abri leurs millions, la Suisse tente désormais de s'imposer comme le "leader mondial" - selon le département fédéral des affaires étrangères - en matière de confiscation et de restitution des avoirs illicites des "personnes politiquement exposées".

Le 28 avril, le conseil fédéral (gouvernement) a ainsi transmis au Parlement un projet de loi visant à compléter un dispositif basé sur l'entraide internationale qui, en quinze ans, a conduit à la restitution aux Etats spoliés de 1,7 milliard de francs suisses, détournés notamment par le dictateur philippin Ferdinand Marcos, le Nigérian Sani Abacha, ou par le frère du président mexicain Carlos Salinas.

Cette loi devrait permettre aux pays requérants dont l'appareil judiciaire est défaillant d'obtenir la confiscation et la restitution d'avoirs détournés. "Des cas comme ceux de Mobutu ou Duvalier ne devraient plus se produire", a promis Micheline Calmy-Rey, ministre des affaires étrangères.

En 2009, les héritiers de l'ex-dictateur du Zaïre, devenu République démocratique du Congo, avaient pu récupérer 7,7 millions de francs suisses (5,4 millions d'euros) gelés en Suisse depuis 1997, la justice congolaise n'ayant pas pu fournir la preuve de l'origine illicite des fonds comme le prévoit la loi sur l'entraide internationale en matière pénale. Le blocage avait été maintenu durant douze ans, en vertu d'un article d'exception de la Constitution helvétique. De même, les fonds de Jean-Claude Duvalier (quelque 7,6 millions de francs suisses), gelés depuis 2002, ont à plusieurs reprises failli revenir à sa famille, la justice haïtienne étant inapte à agir.

Les autorités de Port-au-Prince devraient être les premières à bénéficier de cette nouvelle législation. Grande nouveauté, le texte prévoit que les avoirs saisis tombent sous le coup d'une "présomption d'illicéité". Il appartiendra désormais à leurs "propriétaires" - anciens présidents, ministres ou hauts fonctionnaires - de prouver que ces fonds ont été acquis honnêtement.
 

Angolagate

Des ONG dénoncent un champ d'application trop restreint. "La nouvelle loi suppose que l'Etat défaillant soit capable de déposer une demande d'entraide judiciaire, ce qui est loin d'être toujours le cas", remarque Olivier Longchamp, de la Déclaration de Berne. Il évoque des pays dont l'appareil judiciaire est en lambeaux après la chute d'un dictateur, ou encore "les cas fréquents où l'Etat spolié ne soumet aucune demande d'entraide en Suisse, puisque les auteurs des détournements sont au pouvoir", l'impulsion ne pouvant alors venir de la société civile ou même d'un juge helvétique.

Ces dernières années, la Suisse a dû inventer, au cas par cas, des modalités de restitution, parfois dans la plus grande opacité. En 2005, un accord politique entre Berne et Luanda autour des avoirs du président angolais José Eduardo Dos Santos, bloqués dans le cadre du volet helvétique de l'Angolagate, prévoyait que 21 millions de dollars (16,2 millions d'euros) soient affectés au déminage de l'Angola. En 2008, le magazine L'Hebdo révélait que le producteur d'armement suisse RUAG avait été mandaté pour cette tâche, alors que la société civile angolaise n'avait pas été consultée.

L'accord sur la restitution des fonds du président kazakh Noursoultan Nazarbaïev (84 millions de dollars) a, lui, été conclu sous la supervision de la Banque mondiale, en faveur de programmes d'aide à l'enfance. Ce qui n'empêche pas le clan Nazarbaïev de continuer à investir en Suisse. En décembre 2009, Dinara, la fille cadette du potentat, s'est offert pour 74,7 millions de francs suisses une somptueuse propriété dans une banlieue huppée de Genève. – Le Monde

 

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