Par Louis Alseny Camara
Au moment ou le peuple guinéen de par le monde et la communauté internationale regardent vers un horizon prometteur et controversé des élections présidentielles promises et prévues en Juin 2010 par la junte, l’espoir d’aboutir à l’élection d’un président soutenu par la majorité, sans jouer la carte ethnique ou régionaliste est cependant une angoissante incertitude dans le processus démocratique en guinée.
Il est plus que certain que le phénomène «AN GBANSAN LE» (ethnocentrisme) n’est pas chose nouvelle en guinée, mais il serait peut être sage de l’analyser encore une fois dans le contexte actuel, surtout en ces temps ou la formation des parties politiques en guinée ne demande que de quoi noter, une capacité de bavarder et une forte philosophie ethnique qui pompent le sang dans les cœurs des incultes. Celui qui observe et connait bien la guinée sait aussi que le Soussou est a certain niveau différent du Peuhl, le Guerzeé du Malinke, le Baga du Kognagui, le Toma du Bassari et ainsi de suite. Ces différences se manifestent généralement dans les usages linguistiques et les pratiques de certaines valeurs culturelles et religieuses souvent propres à chaque groupe. Et même si elles ne sont pas souvent des sujets de discussions publiques ou médiatiques, ces différences sont connues de tous et n’ont pas empêché la reconnaissance et la coexistence dans le respect entre ces groupes.
Il est indéniable que l’ethnocentrisme a fait son petit bout de chemin dans tous les régimes qui se sont succédé en guinée, et s’est expressément révélé avec l’introduction du multipartisme pendant les vingt cinq dernières années. Nous témoignons aujourd’hui dans tous les secteurs d’activités en guinée, et d’une manière crue de la présence des considérations ethniques qui empêchent l’évolution harmonieuse de la vie socio-économique et politique du pays. La segmentation ethnique des services d’état et de l’administration, ou encore de la fonction publique et de nos forces armées est presque un comportement délibéré qui s’est graduellement normalisé, devenant ainsi partie intégrante de nos vies communautaires. Plus que jamais dans son histoire, la guinée se retrouve dans un climat politique inquiétant qui risquerait de définir et amocher l’avenir des relations ethniques et régionales, qui auparavant reposaient sur des bases plus ou moins rassurantes.
Ce n’est un secret pour personne que depuis l’avènement du CNDD au pouvoir avec le leadership accidentel de Dadis qui s’est d’ailleurs soldé par les massacres du 28 septembre, l’ethnocentrisme a encore plus aiguisé sa lame de destruction avec le coup de pousse des parties politiques. Cette politique de soulever les ethnies les unes contre les autres a l’approche des élections n’est ni nouvelle ni étonnante en guinée, vu que le taux d’analphabétisme et de pauvreté ne permet pas a la majorité de la population de penser librement et de prendre des décisions raisonnables pour le bien de tous. Ce qui est par contre nouveau et entrain de prendre le large dans le processus démocratique en guinée, c’est l’ethnocentrisme grandissant de sa diaspora qui en effet a une énorme influence sur le reste de la nation. Pire qu’au pays, les relations politiques entre les différents groupes ethniques vivant à l’extérieur se sont extrêmement détériorées depuis les folies de Dadis ou dirait-ont depuis que les organisateurs du prochain scrutin ne figurent plus sur la liste des candidats aux présidentielles.
Ici aux états unies, et sans pour autant parler a la place de tout le monde, les comportements des uns et des autres dans cet atmosphère ethnique s’étaient largement fait savoir lors de la rencontre fracassante de la délégation du CNDD avec les communautés guinéennes des environs de Washington DC en 2009. Ceux d’entre nous qui y étaient présents s’en rappellent certainement encore aujourd’hui, mais très différemment les uns des autres.
Il faudrait dire que lorsque la délégation du CNDD recevait sa dose d’œufs dans l’amphithéâtre de l’université de Maryland, différents groupes de guinéens s’attelaient a de curieuses besognes qui démontraient clairement leur identités ethniques. Il est vrai que pendant qu’un des groupes s’acharnait à lapider la délégation, un deuxième groupe cherchait à la protéger en formant un mur devant elle, et un troisième était plutôt resté neutre dans la salle. Ces trois groupes étaient clairement identifiables à des ethnicités du pays et en fonction de leur appartenance politique. L’on pouvait exactement savoir pourquoi ceux qui lapidaient le faisaient, pourquoi certains étaient du coté du CNDD et pourquoi d’autres ont préféré garder la neutralité. Le bus rempli venu de New York dont les passagers avaient participé ou peut-être même intensifié l’affrontement était plutôt jugé d’être constitué d’un seul groupe ethnique. Il était aussi visible que ceux qui protégeaient la délégation étaient d’un seul groupe ethnique. Cette observation est peut-être une simple spéculation ou une analyse erronée pour ceux qui se camouflent derrière les ethnies pour arriver à leurs fins politiques. Il serait donc trop facile de le penser ainsi vu que d’autres comportements viennent soutenir la véracité de cette analyse.
Dans presque toutes les grandes cités américaines tel que New York City, Atlanta, Washington DC et ses environs, Columbus Ohio, Indianapolis, Houston, Detroit, Minneapolis où la communauté guinéenne est largement représentée, nous assistons a l’émergence effrénée d’organisations ou d’associations guinéennes a base absolument ethnique ou régionale. Il est très pratique par exemple d’entendre parler ou de voir l’association des ressortissants de Mamou, de Fria, de Kankan, de Labé, de Kamsar ou de Pita. Et sans toucher à la forte mouvance du tout puissant Nabaya qui a ses tentacules presque un peu partout dans le monde, nous parlons actuellement du conseil suprême de la diaspora forestière. On ne sait plus où on va! C’est la lutte des identités ethniques comme le dirait un autre. On n’est prêt à tout pour son ethnie, mais a rien pour la Guinée. C’est une situation très déplorable surtout quand on sait que ce sont les mêmes gens qui se frappent la poitrine à chaque occasion pour la démocratie en guinée.
L’histoire ressente de la vie sociopolitique africaine nous enseigne l’imminent apport des différentes diasporas a la lutte pour la démocratisation de leurs nations après les indépendances, a la mise sur pied des processus de réconciliations nationales, a la défense des droits de l’homme, a la construction des états de droit et encore plus. Avec leurs expériences internationales, ces différentes diasporas ont souvent suscité le sens de l’unité et du travail bien fait dans leurs pays respectifs. Il est bien clair que si tel est le rôle d’une diaspora, celle de la guinée vient de lâcher le chemin. Il faudrait peut-être se demander a quoi est bonne cette diaspora guinéenne si ce n’est de manipuler et d’encourager nos pauvres populations à se haïr au pays.
Pour ces prochaines élections qui se montrent autant prometteuses qu’on ne le pensait il y a cinq mois, il est visible que presque chacun s’est rallié derrière le ou les candidats de son ethnie ou de sa région, et cela sans avoir la moindre idée du programme de travail de ces derniers. C’est pitoyable qu’enivré par la haine de l’autre et, voulant vaille que vaille son frère de même ethnie ou de région dans le fauteuil présidentiel même si ce dernier est vide de toute conscience et de connaissance, beaucoup parmi nous ont déjà oublié pourquoi une bonne partie de la population avait à peine un repas le jour, tandis que les mêmes leaders politiques pour lesquels ils veulent bruler la guinée, étaient dans l’embarras du choix devant la Lexus, la Laguna, ou la Lincoln pour rendre au travail. Et devinez avec quel argent!
Le moment est donc opportun de rappeler a certains d’entre nous et éventuellement enseigner d’autres, que la démocratie n’est ni une loi qui se vote au palais du peuple, ni une femme qu’on épouse a la mairie de Ratoma ; mais plutôt une manière de vivre, un comportement de reconnaissance et de respect vis-à-vis de l’existence de l’autre. C’est une attitude qu’on adopte et adapte a nos vies de tous les jours, une perpétuelle quête de perfection de soit et de son voisinage en vu d’aboutir a une société beaucoup plus juste.
Mais il est clair qu’aveuglés par leur conquête effrénée du pouvoir et se moquant éperdument des vrais problèmes du pays, les grands baroudeurs politiques de la guinée négligent profondément de sensibiliser leurs partisans sur les valeurs et principes fondamentales de la démocratie qui est d’ailleurs dangereusement définie et réduite aux élections par ces derniers. La diaspora quant- a elle, continue d’infliger sa malicieuse et hypocrite domination « intellectuelle » sur une bonne partie de la population en lui faisant croire a une démocratie et une vie de Vénice qui lui tomberont du ciel après les élections.
Ce que la diaspora et ceux qui vivent au pays a leur dépend ne disent pas à la guinée et à sa grande majorité d’analphabètes, est qu’aucune des démocraties modernes jugée de réussi ou d’exemplaire ne s’est construite en un siècle. Aucune d’elles ne s’estime parfaite, car elles sont en perpétuelle construction et en quête de perfection. Mais les ethno-politiciens trouvent lucide de bourrer les pauvres populations d’espoir aveugle d’une démocratie immédiate avec des résultats immédiats sensés de charger leur vie en un clique. Et la machine de cette entreprise est évidement connue de tous, vue que de l’extérieur, une bonne partie de cette diaspora n’hésite pas à influencer les populations locales de sorte a ce que les prochaines élections soient taillées sur le roc régional et construites au suffrage ethnique.
Il est peut-être temps et fondamental que ces esprits maléfiques et antidémocratiques de la diaspora réalisent que dans le processus démocratique en guinée, la carte de l’ethnie est un jeu qui est perdue avant même d’être joué. Autant Dadis n’a guère compris comment il a été effacé de la scène politique du pays, autant les ethno-politiciens ne sauront comment ils perdront le gouvernail de leur navire. Il est de leur intérêt d’ouvrir les yeux sur la complexité démographique et les positions politiques du peuple guinéen, et comprendre qu’aucun groupe ethnique n’est proche des cinquante pourcent de la population en Guinée. En d’autres mots, aucun group ethnique ne peut élire un président à lui seul en guinée puisque le suffrage électoral vient de la majorité. Ceux dont la guinée a actuellement besoin de sa diaspora, c’est plutôt une forte politique de réconciliation nationale et d’unité qui ressusciterait le patriotisme et l’estime de soit de son peuple, et non pas des discours et des commentaires incendiaires venant de vulgaires et de novices dispo-politiciens.
C’est donc le parfait moment pour les guinéens de prouver leur volonté de vivre ensemble dans la diversité, d’établir un état de droit sur des bases démocratiques et enfin, de remettre sur pieds l’évolution harmonieuse de l’économie du pays. Les élections présidentielles de juin seront certes un départ dans l’établissement d’un état de droit en guinée, mais faudrait-il dire qu’elles n’amèneront pas la démocratie sur un plat. La démocratie à laquelle nous aspirons tous en tant que guinéens ne viendra jamais sans la participation et la douceur d’esprit de tous.
La guinée c’est pour nous tous, a nous de la construire ou de la détruire. Mais je crois qu’il est préférable de la construire….que préférez-vous?
On est ensemble “Won –Tanara”
Louis Alseny Camara
louisalsenyc@yahoo.fr
(612)735-6800