Alors que le nombre des officiers interpellés ne faisait qu’augmenter du vendredi au lundi, des informations ont aussitôt commencé à filtrer du côté du camp "Almamy Samory Touré", siège de l’état-major général des forces armées guinéennes, maître d’œuvre de toutes les arrestations opérées. A la liste que nous avons publiée dans notre précédente mise on line, s’ajoute depuis dimanche, l’interpellation du colonel Mamadou Aliou Sow et du chef d’état-major adjoint de la gendarmerie nationale, lieutenant-colonel François Béavogui. Ce qui fait un total de 9 officiers supérieurs récemment limogés de leurs fonctions et mis aux arrêts. Le colonel Sow était, faut-il le signaler, le coordinateur général de toutes les commissions de travail du CNDD sous la présidence active du capitaine Moussa Dadis Camara.
Mais dès les premières heures, du lundi, le chef d’état major général des forces armées, colonel Nouhou Thiam s'est vu surpris de recevoir des messages (sms) sur son téléphone portable. Messages de menace. D’autres militaires également. Des messages envoyés par des soldats qui n’ont pas hésité à signifier, selon nos sources, leur mécontentement en écrivant « qu’ils n’accepteront pas que des officiers qui ont servi loyalement la nation soient séquestrés de la manière sans motif avant d’ajouter, en menaçant, que s’ils ne sont pas libérés aujourd’hui [ndlr : lundi, 14 juin] qu’ils descendront dans la rue demain matin [ndlr : mardi, 15 juin] ».
L’argument du sabotage du processus électoral a été aussitôt écarté par l’actuelle hiérarchie militaire. Car, ces menaces sont parvenues au Ministre de la défense et Président de la transition.
Des informations de dernière minute font état de « démarches entreprises par le Ministre secrétaire général de la Présidence, Tibou Kamara auprès du Président de la transition afin d’accepter la libération des détenus et laisser la procédure suivre son cours normal » Le général Sékouba Konaté aurait accédé à cette demande. Il aurait annoncé sa « prochaine rencontre avec le chef d’état-major général des armées afin d’examiner le cas des militaires détenus» de ces officiers interpellés dont la libération ne devenait de plus en plus imminente au regard des coups de gueule de la troupe. Et dont les échos parvenaient au général Sékouba Konaté.
Ainsi percevant la tournure que les choses pourraient prendre, le Président Sékouba Konaté qui voudrait quitter son poste avec des lauriers a convoqué le colonel Nouhou Thiam pour le sommer de réparer ce qu’il qualifiera de « gaffe ». Selon des témoins, le Président de la transition et ministre de la défense nationale l’aurait rappelé à l’ordre en disant qu’ «il lui a simplement demandé de les convoqués pour explication sur leur gestion et non de les mettre au gnouf »
Peu de temps après, la presse apprenait une tournée d’information entreprise par le chef d’état major général des armées dans certaines casernes. Notamment pour éclairer la lanterne des hommes en uniforme au sujet de l’interpellation de la dizaine d’officiers supérieurs de l’armée nationale.
Le colonel Nouhou Thiam se rendra ainsi successivement au camp "Alpha Yaya Diallo", à l’aviation militaire et au génie militaire pour ce lundi. Il dira à chacune de ces étapes que « cette interpellation n’a aucune connotation politique encore moins, d’un règlement de compte ».
Pour lui, elle procède plutôt d’un contrôle de gestion durant leur séjour à la tête des différents postes de commandement militaire. Le colonel Thiam précisera également qu’à l’issue des vérifications, ceux qui ne seront pas impliqués dans des malversations, seront purement et simplement libérés.
C’est une question de transparence au sein des forces armées guinéennes : « ces gens qui ont été interpellés, ça n’a rien de politique ni de règlement de compte. Ils ont commandé l’armée à un moment donné. Maintenant celui qui n’a rien comme charge contre lui, il ira vaquer à ses affaires. Mais, désormais, tout sera clair. Il faut que l’on sache comment les biens de la troupe sont gérés. Ceux qui ont détourné les biens de l’armée, il faut que ça soit clair. Quiconque tentera désormais de détourner les biens de ses subordonnés, répondra de ses actes. »
Ainsi qu’on le voit, le motif avancé pour expliquer l’arrestation de ces officiers, qui n’ont de caractéristiques que leur liaison affichée au Président Dadis, a vite changé de camp. De la tentative de sabotage du processus électoral, le chef d’état-major général des forces armées sauve la face en brandissant l’argument de « la mauvaise gestion des fonds publics mis à leur disposition pour le compte des différentes unités pendant qu’ils étaient aux affaires. » Donc, avant leur limogeage, il y a deux mois.
Comme pour conforter la thèse de détournement de fonds, des sources proches du BQG (bataillon du quartier général, entendez le camp Samory) rappellent les audits engagés au moment où l’actuel chef d’état-major général des armées, Nouhou Thiam, était l’Inspecteur général des forces armées. Au même moment, se souvient-on, le Président Moussa Dadis Camara avait instruit la conduite d’autres audits dans les services de l’administration civile. L’objectif visé était l’assainissement de la gestion des finances aussi bien au niveau de l’administration qu’au niveau des forces armées.
Pour nombre d’observateurs, c’est le retour de manivelle qu’a voulu faire subir le colonel Nouhou Thiam à ces officiers interpellés. Et pour cause. Le lieutenant-colonel [à l’époque] Nouhou Thiam, « n’avait pas bénéficié du soutien de sa hiérarchie à la remise des résultats des audits. » Ironie du sort, c’est cette hiérarchie qui se trouve aujourd’hui « épinglée pour gabegie. » Certains pointent un doigt accusateur sur le colonel Oumar Sanoh, ancien chef d’état-major général des armées, d’avoir piétiné les conclusions des auditeurs.
Les prochaines étapes de la tournée d’explication du chef d’état major général des armées seront le camp camayenne (ex-camp "Boiro"), la marine nationale et la gendarmerie nationale - AfricaLog