Cinquante ans après leur indépendance, Nicolas Sarkozy reçoit mardi à sa table les chefs de treize ex-colonies de la France en Afrique et mercredi leurs soldats sur les Champs-Elysées pour un hommage contesté, témoin des ambiguïtés de la relation franco-africaine.
Comment l'ancien maître peut-il célébrer l'émancipation de ses ex-sujets sans prêter le flanc à la critique ? La Belgique a répondu à ce casse-tête diplomatique en participant aux festivités en République démocratique du Congo. Faute de pouvoir se multiplier, le président français a préféré organiser une "réunion de famille" lors des cérémonies du 14 juillet.
A la veille de la fête nationale, les chefs d'Etat de 13 pays (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Congo-Brazzaville, Côte d'Ivoire, Gabon, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad et Togo) ont donc été conviés à déjeuner à l'Elysée.
Emmenée par leur doyen camerounais Paul Biya, la quasi-totalité a répondu à l'invitation. Seul l'Ivoirien Laurent Gbagbo, en froid avec Paris pour cause de présidentielle sans cesse reportée, sera représenté par son ministre de la Défense. Autre exception, le Malgache Andry Rajoelina n'a pas été jugé assez légitime pour recevoir un carton, mais ses soldats seront là.
Six semaines après un sommet Afrique-France à Nice placé sous le signe de la rénovation, ces retrouvailles très select ont surpris.
Sur la Côte d'Azur, Nicolas Sarkozy avait assuré n'avoir "que des amis" sur le continent en mettant à l'honneur ses deux poids lourds anglophones, Nigeria et Afrique du Sud. Symboliquement, il avait même supprimé le traditionnel dîner jusque-là réservé aux seuls francophones du "pré carré".
Aujourd'hui, l'association Survie, qui milite pour une remise à plat des liens franco-africains, s'étonne de ce déjeuner entre amis. "Rien n'a changé", déplore son secrétaire général Olivier Thimonier, "la France ne veille qu'à préserver ses intérêts, sans aucune exigence démocratique".
"Notre volonté d'avoir une relation avec l'ensemble du continent n'empêche pas de conserver une relation privilégiée avec les pays dont nous avons partagé le passé", rétorque-t-on à l'Elysée, en rappelant que cette invitation répond d'abord "à l'attente des Africains eux-mêmes".
Mais plus que ce rendez-vous politique, c'est le défilé militaire du lendemain qui suscite la critique. "Il y a d'un côté le 14 juillet, fête de la liberté, de la fraternité et de l'égalité, et d'un autre côté, un défilé où il va y avoir des troupes dirigées par des criminels", accuse Patrick Farbiaz, membre du réseau Sortir du colonialisme.
"C'est faux, tous les contrôles ont été faits pour éviter que défilent des personnes qui font l'objet de poursuites", s'agace-t-on à l'Elysée, "pourquoi les armées africaines seraient les seules qu'on ne peut pas inviter ?"
"Ce défilé est avant tout un hommage aux soldats africains qui ont combattu pour la France", a insisté Jacques Toubon, en charge du cinquantenaire des indépendances africaines. "Cela doit aussi permettre d'assumer, d'expliciter et de rénover la relation entre ces pays et la France", a-t-il ajouté.
Dans son propos d'avant-table mardi, Nicolas Sarkozy doit ainsi redire sa volonté de rénover la relation de la France avec l'Afrique, ou d'aider le continent à trouver sa "juste place" dans la gouvernance mondiale.
Il en profitera aussi pour se prononcer sur une vieille revendication, l'alignement des retraites des anciens combattants des troupes coloniales et résidant à l'étranger sur celles de leurs camarades français, réclamé fin mai par le Conseil constitutionnel. – AFP