Opinion de BAYO Abidine
Après des années de matraquage et d’endoctrinement idéologiques, de répressions politique et militaire, de régressions économique et sociale et malgré les multiples guets-apens dressés sur les chemins de la liberté, les guinéens ont l’impression d’avoir décidé cette fois-ci, de s’affranchir des pesanteurs d’un passé lourd en sacrifices humains et matériels, car pour la première fois de l’histoire chaotique du pays, ils s’apprêtent à parachever le 19 septembre prochain, sauf bien évidement, des revirements de dernière minute, le processus électoral devant doter le pays d’un Président démocratiquement élu.
Cependant, des inquiétudes planent quant à la recrudescence des problèmes, du fait d’impondérables liés à la non maîtrise des paramètres spécifiquement techniques et matériels, phénomène constaté lors du premier tour du scrutin et ayant mis en lumière les failles du système d’organisation de ces consultations.
Il faut néanmoins se rendre à l’évidence que ces imperfections sont principalement dues à l’inexpérience de la CENI en la matière, même si des voix s’élèvent pour dénoncer une volonté délibérée de fraude et de manipulation, alors que des dispositions auraient été prises pour conférer au processus un caractère des plus sérieux, en raison de son importance en tant que déterminant essentiel pour l’avenir d’un pays aux aguets, qui continue avec regret, de cultiver le paradoxe de terre providentielle, avantageusement dotée par la nature, mais où la population continue à vivre dans un dénuement psychologique et matérielle des plus infâmes.
L’enjeu aujourd’hui est de pouvoir enfin créer les conditions d’un système de gouvernance fiable et efficace, qui suppose nécessairement, la mise en place d’institutions républicaines pérennes à même d’insuffler une dynamique nouvelle, permettant une pleine réalisation des objectifs de développement économique et social profitable à tous, à travers la promotion de compétences diverses et variées ayant pour leitmotiv, le respect scrupuleux des règles et procédures administratives. Mais, faudrait-il pour cela que l’autorité de l’Etat soit restaurée et à propos Voltaire disait qu’il faut pour qu’un Etat soit puissant ou que le peuple ait une liberté fondée sur les lois, que l’autorité souveraine soit raffermie sans contradiction. C’est en cela qu’il s’avère primordial, que tous les acteurs impliqués de près ou de loin dans le processus en cours, fassent œuvre utile, en agissant dans le sens de la création des conditions de transparence et de crédibilité, à travers surtout, une stricte neutralité de l’administration, pour qu’en définitive, les résultats de ce deuxième tour ne souffrent d’aucune contestation, car c’est la seule voie de légalisation et de légitimation du pouvoir qui découlera du verdict des urnes, en tant que reflet fidèle du libre choix des électeurs, contrairement au premier tour qui a frisé le scandale et dont le bâclage ne doit ni plus, ni moins qu’être considéré comme un doigt d’honneur à la démocratie naissante.
Les irrégularités dénoncées ça et là, ont contribué ces derniers temps, à créer un climat de tension et de suspicion entre les partisans des deux candidats rescapés et ce qui paraît regrettable, c’est encore et toujours, la prééminence chez les guinéens, de la tendance communautariste, qui les place dans une logique perpétuelle de confrontation fait d’animosité primitive et de rejet systématique de l’autre, signe éminemment manifeste de troubles psycho-sociologiques, dont les causes profondes sont à voir comme conséquences de l’anachronisme des systèmes de gestion étatiques passés, qui ont favorisé le relâchement des mœurs et le foisonnement des travers sociaux, cultivant et entretenant ainsi, la haine et la défiance, dans le tréfonds même de l’inconscience collective.
Il est vrai qu’en démocratie les critères d’adhésion à une mouvance politique sont aussi divers que variés, mais l’aberration dans notre chère Guinée, est que d’opportunistes et pédants politiciens en manque de reconnaissance, continuent sans scrupule d’instrumentaliser et d’exacerber les divisions, à travers leurs discours populistes, qui ramènent le débat politique à un niveau de bassesse inouïe, conditionnant de façon irresponsable, le choix d’électeurs aveuglément suivistes et non avertis, ce qui contribue davantage à mettre en péril la cohésion sociale déjà durement éprouvée. Le nomadisme et la transhumance sont aussi des pratiques politiques et à ce titre, il n’ya aucun mal à changer de camp en cas de désaccord profond, seulement la logique voudrait qu’il y’ait chez un politicien, une certaine constance dans l’approche idéologique, qui lui commanderait de ne point renier ses principes, surtout pour des repositionnements se disant stratégiques, mais qui ne privilégient en aucun cas l’intérêt supérieur de la nation. Qu’il y’ait donc des rapprochements entre partis politiques ayant avant le premier tour, scellé des accords de partenariat et de projet de gouvernance, sur la base de la concordance de leurs idées dans leurs grandes lignes, pour le partage de responsabilités dans le cadre de l’exercice du pouvoir, quoi de plus normal, mais que des groupuscules d’intérêts disparates n’ayant aucune vision commune, s’associent pour de malsaines considérations d’ordre subjectif, c’est là où il y’a anguille sous roche.
Par ailleurs, la tentative de modification du code électoral que l’on prête à tort ou à raison au Premier Ministre Jean-Marie Doré, qui se défend par ailleurs de simplement vouloir définir de façon claire et précise, les prérogatives du MATAP dans sa mission d’assistance technique à la CENI, suscite la polémique et il y’a vraiment lieu de s’en inquiéter, car le risque est que le statut de co-gestionnaire des élections que son projet de décret cherche à accorder au MATAP, synonyme de multiplicité des centres de décision, ne crée un conflit de compétences et de mélange des genres. Là-dessus, la Présidente par intérim de la CENI a tenu à rappeler les dispositions de code électoral, qui stipule que son institution est la seule chargée de l’organisation de toutes les élections et du référendum en République de Guinée et qu’à ce titre, c’est à elle de déterminer la nature et l’importance de l’aide à lui apporter et que c’est donc à elle qu’appartient de formaliser les modalités de l’aide avec tout département ou institution qu’elle juge apte à lui apporter de la plus-value dans l’organisation de l’élection présidentielle. Ce ne saurait donc en aucun cas être une imposition. Que le Premier veuille contribuer à la correction des imperfections constatées lors du premier tour, quoi de plus noble, à condition de rester dans l’esprit des lois pour éviter toute confusion.
A la faveur de ce deuxième tour de l’élection présidentielle, la possibilité de nous est offerte de faire librement le choix entre les deux candidats en lice. Ce choix doit être guidé par la raison et la force de la conviction et non par le dictat d’instincts primitifs nourris de préjugés et d’appréhensions sans fondements, pour que la confrontation pacifique s’impose comme une alternative crédible à la violence endémique.
Comprenons enfin, qu’en cette phase ultime de reconfiguration et de réorientation politique dans notre pays, quelque soit le vainqueur de cette élection, ce sera avant tout, la victoire du peuple de guinée qui aura fait preuve de maturité politique et de responsabilité et le vœu à formuler en ces instants de cafouillis et d’incertitudes, est que le futur Président s’applique à intégrer dans son projet de société, tous les enfants de guinée dans la richesse de leurs différences, pour ne pas se laisser enivrer de pouvoir, par les agissements saugrenus d’éternels laudateurs, qui n’ont de cesse de graviter autour du chef, en quête perpétuelle de pitance, au risque de tomber dans le piège des antagonismes.
Plus que jamais, la rééducation civique de la populace et la réhabilitation des réalités historiques identitaires et culturelles s’imposent comme une nécessité, qui permettrait aux guinéens de s’approprier pleinement les valeurs qu’incarne la devise de la République, à savoir Travail-Justice-Solidarité.
Nous sommes un peuple, une nation et nous avons en commun notre destin.
Que Dieu préserve notre patrie !
BAYO Abidine