Nicolas Sarkozy, visage du «nouvel extrémisme en Europe», c’est la une de Newsweek, paru mercredi. Le chef de l’Etat français illustre la montée de l’extrême droite sur le continent européen, après l’entrée d’un parti xénophobe au parlement suédois. «Une confusion intellectuelle et politique majeure», s’étonne Pascal Perrineau, directeur du Cevipof. «C’est confondre des phénomènes politiques qui n’ont rien à voir et pratiquer l’amalgame», s’agace-t-il, pointant le «caractère approximatif» des journalistes américains qui manient des «stéréotypes sur la marée brune en Europe». Une «une» injustifiée également pour son collègue, Gérard Grunberg pour qui «on assimile à tort Sarkozy à Berlusconi. Or, on n’assiste pas en France à la même chose qu’en Italie», avec une alliance entre la droite classique et l’extrême droite.
«C’est la conséquence de la polémique autour des Roms et de ses répercussions au niveau européen», d’après Gérard Grunberg, qui juge que s’il y a eu des «maladresses côté Français», «l’attitude très violente de la Commission a répandu l’idée que la France s’était écartée des normes européennes». Et cela «s’est greffé sur l’érosion de sa crédibilité en tant que chef d’Etat au niveau international» depuis plusieurs mois.
Le «phénomène de l’homme providentiel»
«Il est légitime qu’un candidat de la droite s’adresse à tout l’électorat de la droite», extrême droite comprise, insiste Pascal Perrineau. Pourquoi tant de haine, alors? Pourquoi n’est-ce pas Slivio Berlusconi qui illustre ce papier?… La faute aux journalistes, certes, mais à l’hôte de l’Elysée lui-même? «Il polarise, c’est certain. Son côté provocateur, flamboyant, qui prétend au pilotage peut exaspérer, notamment aux Etats-Unis», analyse Pascal Perrineau. «Ce n’est pas un chef d’Etat comme les autres car il a toujours voulu se poser au centre de l’opinion publique européenne et la France, de par ses valeurs, n’est pas un pays comme les autres», résume l’historien de la politique Jean Guarrigues, assurant que ce type de campagne «contre un président français est assez unique», de Gaulle mis à part. «Il est une figure emblématique en Europe donc il est logique qu’il soit le catalyseur de ce type de raccourci», ajoute-t-il.
Pour Pascal Perrineau, il y a un autre facteur dans ce «Sarkozy bashing»: «l’antisarkozysme en France commence à diffuser à l’extérieur». «Après avoir été le chouchou de la presse française et internationale, c’est l’excès inverse», juge le politologue. Ce que Jean Guarrigues appelle «le phénomène de l’homme providentiel», qui a levé «beaucoup d’espérance» avec son élection en 2007 et qui récolte aujourd’hui le fruit de «ses échecs et son impopularité». Un syndrome symbolisé par deux unes de The Economist: celle d’avril 2007, montrant Sarkozy en Napoléon conquérant, titrant «La chance de la France», qui tranche avec celle de début septembre 2010, moquant un Sarkozy minuscule, dont seuls les pieds dépassent du bicorne napoléonien, à la botte de Carla Bruni, accompagnée de ce titre: «L’incroyable président qui rétrécit». Mais attention, «ce qu’il perd au niveau international, il fait le pari de le retrouver au niveau national en vue de 2012», assure Jean Guarrigues. - 20 minutes