Les Ivoiriens se rendaient en masse aux urnes dimanche pour choisir un nouveau président, une élection historique après 11 années de crise politico-militaire et six reports depuis 2005.
Avant l'ouverture du scrutin à 07H00 (locales et GMT), à Abidjan comme au centre, à Bouaké, fief de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) qui tient le nord du pays depuis son putsch manqué de 2002, ils ont afflué dans le calme devant les bureaux de vote, qui doivent fermer à 17H00, ont constaté des journalistes.
«Je suis très fier d'avoir voté», a lancé Nastase Kehi, étudiant de 26 ans, après avoir glissé son bulletin dans l'urne «pour la première fois» dans le quartier de Port-Bouët (sud d'Abidjan). Une longue file s'était formée dès 05H00 devant ce bureau.
Le jeune homme n'avait pas d'«inquiétude» pour le scrutin: «les Ivoiriens sont assez sages pour éviter de s'adonner à la violence».
«Nous sommes fatigués de la situation du pays. Que le gagnant gagne et qu'on passe à autre chose», a déclaré un autre habitant du quartier, Oumarou Kouyaté, 30 ans.
Dans certains quartiers abidjanais comme Adjamé et Yopougon (nord), des bureaux ont tardé à ouvrir et certains électeurs se plaignaient de la quasi-absence de transports en commun dans leur zone.
À Bouaké, dans une file d'attente de plusieurs centaines de personnes, les discussions allaient bon train dans une atmosphère joyeuse.
«Depuis 10 ans qu'il n'y a pas d'élection, il faut qu'on prenne part pour qu'il y ait un changement, parce que les Ivoiriens souffrent, surtout nous les jeunes», a confié Mylène Kouassi, étudiante de 22 ans, venue exprès d'Abidjan pour voter sur son lieu d'inscription.
Quelque 5,7 millions d'Ivoiriens sont appelés aux urnes pour ce scrutin qui doit départager 14 candidats, dont les trois ténors de la politique ivoirienne, pour la première fois opposés: le président sortant Laurent Gbagbo, 65 ans, au pouvoir depuis 2000 malgré la fin de son mandat en 2005, l'ex-chef de l'État Henri Konan Bédié, 76 ans, et l'ancien premier ministre Alassane Ouattara, 68 ans.
L'élection est censée clore la crise ouverte par le coup d'État de 1999 et aggravée par le putsch manqué de 2002, qui a entraîné une guerre et la partition de cette ex-colonie française longtemps donnée en exemple pour sa stabilité et son «miracle» économique.
La Commission électorale indépendante (CEI) a légalement jusqu'à mercredi pour proclamer les résultats provisoires mais elle souhaite les donner «dans la journée de lundi», selon l'un de ses vice-présidents, Amadou Soumahoro.
Un éventuel deuxième tour se tiendrait théoriquement dans deux semaines.
La crainte de tensions ou de troubles était grande chez nombre d'Ivoiriens, alors que chaque camp s'est dit certain de sa victoire.
Laurent Gbagbo lui-même a dit redouter des «violences», affirmant, sûr de gagner, qu'elles «viendront de ceux qui perdront».
Chef des FN devenu premier ministre après l'accord de paix de 2007, Guillaume Soro a appelé samedi les candidats à «respecter les seuls résultats qui seront proclamés par la CEI», alors que beaucoup craignent qu'un camp ou un autre ne proclame prématurément sa «victoire».
Des brigades mixtes loyalistes/FN sont censées sécuriser le vote. Dotées d'effectifs insuffisants, elles sont aidées par les ex-rebelles au nord et police et gendarmerie au sud. L'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci, plus de 8500 hommes) et la force française Licorne (900 hommes) sont en appui.
Les forces armées loyalistes ont annoncé la fermeture des frontières terrestres jusqu'à mardi 18H00 pour empêcher les «éventuels fauteurs de troubles» de «fuir le pays après y avoir mis le feu». - AFP