C'est l'affiche inédite qui semble se dessiner après le scrutin très suivi de dimanche. Résultats officiels d'ici mercredi. Laurent Gbagbo contre Alassane Dramane Ouattara (dit «Ado»): à moins d'un coup de théâtre de dernière minute, la présidentielle en Côte d'Ivoire devrait se jouer, fin novembre, entre ces deux hommes. Malgré le silence pesant de la Commission électorale indépendante (CEI), des sources concordantes évoquaient toutes, ces dernières heures à Abidjan, cette affiche inédite pour un second tour prévu à la fin du mois. Lundi matin, le représentant de l'Onu sur place, Youn Jin Choi, a appelé les candidats à respecter le verdict des urnes, se félicitant de la bonne tenue du scrutin de la veille et d'un taux de participation exceptionnel: autour de 80%.
S'il se confirme, le coup serait rude pour le troisième homme, Henri Konan Bédié, qui se voyait déjà revenir au palais présidentiel, dont il a été chassé, à Noël 1999, par un groupe de sous-officiers. Malgré la machinerie de l'ancien parti unique – le PDCI (Parti démocratique de Côte d'Ivoire) et son appartenance au principal groupe ethnique de Côte d'Ivoire (les Akans), il serait éliminé au terme d'une campagne menée sans conviction. Au sein du vieux parti d'Houphouët-Boigny, les règlements de compte ne vont pas tarder. Mais celui qu'on surnomme le «sphynx de Daoukro» (du nom de son village natal, ndlr) n'a pas encore dit son dernier mot dans cette campagne.
«Le boulanger»
Bédié, et son parti, détiendront en effet les clés du second tour. Selon toute vraisemblance, l'ex-président devrait appeler ses partisans à voter pour «Ado», dont il est l'allié au sein du Rassemblement des Houphouétistes depuis 2005. Mais sera-t-il suivi? Durant des années, Ouattara a été stigmatisé comme étant un «étranger», un imposteur voulant s'emparer de la Côte d'Ivoire et de ses richesses. Or, cette diabolisation n'est pas l'apanage du clan Gbagbo, loin de là, l'idéologie de l'ivoirité ayant d'abord émergé des rangs du PDCI.
La présence de Ouattara au second tour de la présidentielle sera déjà un véritable séisme à l'échelle de l'ancienne colonie française. En 2000, cet ancien Premier ministre d'Houphouët avait été écarté de la présidentielle pour cause de «nationalité douteuse» et ce n'est que sous une forte pression internationale que le pouvoir d'Abidjan l'a autorisé à concourir cette fois-ci. Va-t-il s'en mordre les doigts?
Certains observateurs affirment que Ouattara pourrait virer en tête à l'issue de ce premier tour. Porté par un parti très organisé et une campagne bien ciblée sur les enjeux socio-économiques, «Ado» fera face à un homme qu'on ne surnomme pas pour rien «le boulanger»: sa capacité à rouler dans la farine ses concurrents a permis, plusieurs fois, à Laurent Gbagbo de redresser des situations a priori très compromises. – Libération