Le poète sénégalaise Amadou Lamine Sall demande au président guinéen élu Alpha Condé d’agir en tournant la page des ‘’vampires inassouvis’’, des ‘’hyènes qui rodent’’, et de nourrir la vision qu’il a de son pays du ‘’meilleur des ambitions’’ de son adversaire Cellou Dalein Diallo.
‘’Monsieur le Président, les régimes politiques guinéens depuis l’indépendance ont été des exemples achevés de barbarie, de cupidité, de corruption. Avec vous, il est enfin arrivé le temps d’agir, et vite !’’, écrit M. Sall dans une lettre ouverte à Alpha Condé, vainqueur provisoire de la première présidentielle véritablement démocratique organisée en Guinée
Crédité de 52,5 pour cent des suffrages exprimés, Alpha Condé a coiffé au poteau Cellou Dalein Diallo, sorti en tête à l’issue du premier tour. Ce dernier a contesté ces résultats et déposé un recours auprès de la Cour suprême qui doit invalider ou confirmer lesdits résultats.
‘’Il existe un temps pour la lutte pour le pouvoir et un temps pour l’action. C’est le temps de l’action pour la Guinée. (…) Il ne faut pas que le prince soit l’Etat et tout l’Etat. Ne croyez-pas à ceux qui vous loueront d’avoir enfin accédé au pouvoir suprême. Dites-leur plutôt que vous accédez enfin au vrai partage et que chaque Guinéen est garant du pouvoir et comptable du développement de son pays’’, écrit le poète sénégalais s’adressant à M. Condé.
‘’Bien sûr, écoutez tout le monde, mais n’obéissez pas toujours. Rien ne sera facile pour vous, mais commencez par vos adversaires d’une élection. Que votre vision de la Guinée se nourrisse du meilleur des ambitions de Cellou Dalein Diallo et de tous les partis qui ont participé à sortir votre pays de l’impasse’’, ajoute Amadou Lamine Sall, lauréat des Grands Prix de l’Académie française.
‘’Le temps qui s’ouvre devant vous ne s’ouvre pas pour vous seul, vos amis et vos militants, sinon il se refermerait bien vite’’, écrit-il encore à l’intention de M. Condé, avant d’ajouter : ‘’La seule vitrine qui vaille est celle d’une Guinée prospère, respectueuse des droits de l’homme, ouverte sur le monde et riche de ses propres cultures’’.
‘’Vous ne pourrez pas tout faire, mais faites ce qui restera dans la mémoire de votre peuple après vous. Entre ce qui est utile et ce qui est nécessaire, choisissez ce qui est d’abord nécessaire. Posez des actes possibles, ni utopiques ni surhumains’’, insiste M. Sall, également président de la Maison africaine de la poésie internationale (MAPI).
‘’Monsieur le Président, note-t-il encore, la Guinée ne sera grande que par le respect de sa diversité culturelle. Dans la dure réalité du pouvoir, la rareté des fonds, le sacrifice dans les choix des premières priorités, gardez des places réservées et numérotées à vos écrivains, vos artistes, vos poètes’’.
‘’Si dans la marche funeste de la Guinée, une lumière s’est souvent levée quelque part pour éclairer toujours la nuit, ce fut toujours la lumière de votre musique, de vos ballets, de vos poèmes’’, lui fait-il observer.
‘’Si les ballets de Keïta Fodéba n’avaient pas existé et fasciné le monde, si l’orchestre du Bembeya Jazz national n’avait pas existé et fasciné le monde, si l’équipe de football du Syli National n’avait pas marqué l’histoire du ballon africain, si Djibril Tamsir Niane n’avait pas révélé Soundiata Keïta à l’histoire du monde, qu’aurions-nous retenu de la Guinée ?’’, s’interroge Amadou lamine Sall.
‘’Que le citoyen Guinéen jusqu’aux confins des forêts de votre pays soit à votre réveil, chaque matin, votre souci. Commencez par le pain, l’eau, l’éclairage, la santé, l’éducation. Vous le pouvez. La Guinée est un grenier faste, une femme d’abondance et de grâce exquise’’, écrit l’auteur.
‘’Monsieur le Président, tuez en vous la tentation du pouvoir absolu. Dés aujourd’hui, préparez votre sortie pendant que vous êtes fort. Il n’existe pas « un temps » pour conquérir le pouvoir et « un temps » pour le garder indéfiniment’’, conseille Sall.
‘’Aidez la démocratie à se construire, si elle est construite, consolidez-la, si elle est consolidée, renforcez-la, si elle est renforcée, protégez-là, si elle est protégée, garantissez-la, non seulement par votre propre personne mais surtout par ce qui malgré vous, contre vous et après vous, tiendra pour toujours comme force de loi’’, insiste-t-il. - APS