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Ouattara demande à Gbagbo d’accepter sa défaite avant de négocier

Dec 11, 2010

Le camp d'Alassane Ouattara a annoncé samedi que les discussions avec Laurent Gbagbo ne pourront débuter qu'une fois que son rival aura clairement admis qu'il a été battu lors du second tour de la présidentielle en Côte d'Ivoire.

Le chef de l'Etat sortant avait suggéré vendredi l'idée de possibles négociations afin de trouver une issue à l'impasse née du scrutin du 28 novembre qui a vu les deux candidats en lice revendiquer la victoire.

Les propos de Gbagbo, publiés dans le quotidien gouvernemental Fraternité Matin, visaient à désamorcer la tension entre les deux camps et à écarter le danger d'une nouvelle guerre civile dans le pays.

Cette proposition avait été relayée par Guillaume Soro, ancien Premier ministre de Laurent Gbagbo qui a pris la tête du gouvernement constitué par Ouattara. L'espoir a paru s'évanouir samedi.

"Nous n'avons jamais été contre le dialogue mais il faut commencer par la reconnaissance d'Alassane Ouattara comme président", a déclaré Patrick Achi, porte-parole du gouvernement Soro installé dans l'Hôtel du Golf, situé dans le quartier de la Riviera et protégé par des casques bleus de l'Onu. "Si cette condition n'est pas remplie, il ne pourra rien se passer", a-t-il ajouté.

La Commission électorale indépendante (CEI) a désigné Alassane Ouattara vainqueur de l'élection avec un peu plus de 54% des suffrages, proclamation soutenue par la mission locale des Nations unies qui disposait de sa propre copie des résultats.

GBAGBO TENTE DE SORTIR DE SON ISOLEMENT

Le Conseil constitutionnel a invalidé la décision de la CEI et a annoncé un résultat totalement opposé donnant la victoire à Gbagbo avec 51% des voix.

Plusieurs chefs d'Etat et plusieurs organisations régionales, comme la Cedeao et l'Union africaine, ont ensuite reconnu Ouattara comme le nouveau président de la Côte d'Ivoire.

L'UA a décrété la suspension du pays et menacé de prendre des sanctions comme le président sortant et contre sa famille, renforçant encore son isolement international.

"D'un point de vue tactique, la proposition de Gbagbo n'est pas une surprise", explique Gilles Yabi, analyste politique indépendant. "Il est totalement isolé. Cette proposition cherche à assouplir cet isolement."

"Je ne crois qu'il s'attend à voir Ouattara accepter sa proposition mais il cherche à donner l'impression que les choses sont en train de se normaliser et qu'il veut trouver une solution à la crise", ajoute-t-il.
Le Nigeria, qui assure la présidence tournante de la Cedeao, a également exclu l'idée d'un gouvernement d'unité nationale, prenant pour exemple les échecs du Kenya et du Zimbabwe.

"Ouattara a été reconnu comme président par tous les acteurs importants, ce qui lui offre une position diplomatique forte, même si sa position est faible sur le terrain", explique Yabi.

Pour l'instant, les forces rebelles installées dans le nord de la Côte d'Ivoire se sont rangées derrière Ouattara tandis que des officiers de l'armée sont apparus plusieurs fois à la télévision pour affirmer leur soutien au sortant.

Le blocage politique fait mal à l'économie

Le blocage politique qui perdure en Côte d'Ivoire où deux présidents proclamés se disputent le pouvoir, pèse sur les ménages comme sur les entreprises et ébranle la cruciale filière cacao du pays qui en est le premier producteur mondial.

Les grands hôtels aux couloirs quasi-déserts donnent une image du marasme actuel. "Ca fait deux-trois semaines qu'on est privé d'activité, ça commence à être lourd", dit le directeur d'un établissement renommé.

"Est-ce qu'on va s'en sortir?", soupire un grossiste d'Abidjan.

La filière cacao (40% des recettes d'exportations avec le café) est durement frappée. A San Pedro (sud-ouest), premier port d'exportation de cacao au monde, par où transite plus de 500.000 tonnes de fèves chaque année, le rythme a fortement baissé, en pleine traite cacaoyère. Seules "10.000 tonnes de fèves" ont été exportées au cours du mois écoulé, "contre 25.000 l'an dernier sur la même période", estime Samir Lakiss, important exportateur ivoiro-libanais.

Des bateaux se détournent de la Côte d'Ivoire pour rejoindre Lomé ou Accra, et si la crise dure plus d'un mois, "la situation risque d'être dramatique en raison des avaries sur la production", insiste-t-il.
Cette semaine, le patron des patrons Jean Kacou Diagou a tiré la sonnette d'alarme. Alors que le pays est en suspens depuis la présidentielle du 28 novembre, "la situation économique et financière pour de nombreuses entreprises commence à être difficile", et "risque de s'aggraver" faute d'issue dans les prochains jours, a averti le président de la Confédération générale des entreprises de Côte d'Ivoire (Cgeci).

Dans un message aux deux rivaux, le sortant Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, reconnu chef de l'Etat légitime par la communauté internationale, Jean Kacou Diagou a souligné que des sociétés ne pourront bientôt plus honorer leurs engagements fiscaux.

Installé dans le pays depuis deux ans, un jeune entrepreneur français craint de devoir mettre la clé sous la porte. Ce sont alors ses 19 salariés ivoiriens et leurs familles, soit "une centaine de personnes qui souffriront".

En déclin depuis 20 ans et éprouvée par une décennie de crises politico-militaires, l'économie ivoirienne qui avait amorcé sa reprise avec une croissance à la hausse (passée de 2,3 à 3,6% entre 2008 et 2009), espérait pourtant connaître un vrai rebond après l'élection.

Le couvre-feu nocturne décrété il y a deux semaines par Laurent Gbagbo est une contrainte de plus pour nombre d'entreprises, qui ferment en milieu d'après-midi pour permettre à leurs employés de rentrer chez eux sans encombre.

Les perspectives à plus long terme s'assombrissent aussi. Les programmes d'allègement de la dette extérieure, que le pays pouvait espérer décrocher en 2011, sont pour l'heure gelés.

Dans l'immédiat, les ménages sont les premiers à pâtir de l'impasse politique, alors que près de la moitié des quelque 20 millions d'habitants vit dans la pauvreté.

Sur les marchés, chacun se plaint de la hausse des prix. Deux ou trois bananes, qui s'achetaient 200 francs CFA (0,3 euro) peuvent atteindre 1.000 FCFA (1,5 euro). La bouteille de gaz butane, à 3.500 FCFA (plus de 5 euros) auparavant, coûte à présent le double.

"C'est exorbitant", se lamente Marina Amoussou en faisant ses courses samedi matin dans le quartier populaire d'Adjamé. Pour cette employée de banque, les autorités devraient "aller faire un tour sur les marchés".

La presse sud-africaine s'interroge sur le rôle de l'Afrique du Sud

La presse sud-africaine est largement revenue sur les initiatives plus ou moins heureuses du Congrès national africain (ANC) au pouvoir et du Médiateur de l'Union africaine, Thabo Mbeki, dans leur soutien aux réformes démocratiques en Afrique. Ainsi, il est considéré que la tentative de l'ex-président Mbeki de sortir la Côte d'Ivoire de l'impasse, suite aux élections ratées dans ce pays, a abouti à un échec.

Le week-end dernier, M. Mbeki s'est rendu à Abuja pour tenter de résoudre le différend entre le candidat de l'opposition, Alassane Ouattara, et le président sortant, Laurent Gbagbo, qui se réclament tous deux présidents de ce pays d'Afrique de l'Ouest.

M. Mbeki, en tant que Médiateur de l'Union africaine (UA) avait espéré désamorcer la lutte pour le pouvoir qui prévaut dans ce pays depuis le deuxième tour de l'élection présidentielle du 28 novembre, qui, selon la Commission électorale et les observateurs internationaux, a été remporté par M. Ouattara. Cependant, le Conseil constitutionnel a annulé la victoire de M. Ouattara qu'il a attribuée à M. Gbagbo. Les deux hommes ont prêté serment au cours de cérémonies séparées samedi.
Ainsi le journal Business Day a noté que les résultats "en dents de scie" du soutien de l'Afrique du Sud aux réformes démocratiques sur le continent africain ont à nouveau fait froncer les sourcils, Pretoria ayant brillé par son silence tandis que la lutte pour le pouvoir se poursuit en Côte d'Ivoire.

"Au lieu de prendre clairement position et d'exprimer son soutien au candidat de l'opposition, Alassane Ouattara, qui a été presque reconnu par tout le monde comme le vainqueur de l'élection ivoirienne, l'Afrique du Sud et le Congrès national africain (ANC) semblent encore une fois en quête d'un règlement négocié. "A ce titre, M. Mbeki se retrouve dans le rôle qui lui est familier de médiateur entre des parties qui se sont brouillées", écrit le journal dans un éditorial. Il ajoute que M. Mbeki semble avoir échoué puisque les deux camps ont formé des gouvernements séparés.

Par ailleurs, le Mail & Guardian soulignait que M. Mbeki avait remis mardi un rapport préliminaire sur sa mission d'urgence en Côte d'Ivoire au président de la Commission de l'Union africaine. Il ajoutait qu'en examinant ce rapport, l'UA devrait se demander ce qu'elle pourrait faire pour aider la Côte d'Ivoire à parvenir à la paix et à la stabilité. [L'organisation a finalement décidé de suspendre la Côte d'Ivoire et de reconnaître Alassane Ouattara comme président, tandis que l'Afrique du Sud a suivi la position de l'Union Africaine]. – AfricaLog avec agence

 

 

 

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