Les violentes manifestations de jeudi en Côte d'Ivoire ont fait 20 morts, a déclaré à la télévision publique une porte-parole du gouvernement de Laurent Gbagbo.
"Parmi eux, 10 étaient des manifestants et 10 des membres des forces de sécurité", a déclaré Jacqueline Oblé après les heurts qui ont opposé des partisans d'Alassane Ouattara, reconnu vainqueur de l'élection présidentielle par la communauté internationale, aux forces de sécurité fidèles au président sortant, Laurent Gbagbo, déclaré réélu par le Conseil constitutionnel.
Dans un communiqué, le gouvernement de Ouattara a fait état de 14 manifestants tués par les forces de sécurité, sans avancer de bilan pour d'autres victimes.
La bataille d’Abidjan
La bataille d'Abidjan pour le contrôle de la télévision d'Etat ivoirienne a fait jeudi au moins onze morts, mais les partisans d'Alassane Ouattara, qui contestent la légitimité de Laurent Gbagbo, ont réaffirmé leur volonté de l'écarter du pouvoir.
Des milliers de personnes étaient descendues dans les rues jeudi matin à l'appel de Guillaume Soro, Premier ministre de Ouattara, pour installer un nouveau directeur à la tête de la radio-télévision RTI, pilier du régime Gbagbo.
Cette marche marquait une étape majeure dans le combat pour le pouvoir que se livrent les deux présidents proclamés à l'issue de l'élection du 28 novembre.
Mais les Forces de défense et de sécurité (FDS) fidèles à Gbagbo ont mis en échec leur tentative, en bouclant la RTI, dans le quartier chic de Cocody, avec un impressionnant dispositif de sécurité et en dispersant les manifestants à la sortie des quartiers.
Selon Amnesty International, des tirs des forces de l'ordre ont fait au moins neuf tués parmi les manifestants et 80 blessés pour la Croix-Rouge.
Le camp Ouattara a fait état "d'une trentaine de morts et de 110 blessés" et le gouvernement Gbagbo d'au moins vingt morts, dix manifestants et dix membres des FDS, sans que ces chiffres puissent être confirmés.
Le gouvernement Soro, qui prévoyait de prendre la tête de la marche sur la RTI, n'a même pas pu sortir de l'hôtel où il est retranché.
En fin de matinée, de vifs échanges de tirs ont eu lieu à proximité de l'hôtel du Golf, entre combattants de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) - dirigée par Soro et qui tient le nord du pays depuis 2002 - et forces pro-Gbagbo.
Mais les FN n'ont pu lever un barrage sur la route qui passe devant l'hôtel pour conduire à la RTI. Les anciens rebelles ont eu à déplorer "deux morts" et "un blessé" dans leurs rangs, a indiqué l'entourage de Soro.
A Washington, le département d'Etat a indiqué qu'une roquette a touché l'enceinte extérieure de l'ambassade des Etats-Unis à proximité de la zone de combat, sans faire de victime.
L'ONU a annoncé à New York que 800 Casques bleus avaient pris position autour de l'hôtel du Golf, alors que Ouattara est reconnu président légitime par la communauté internationale, Nations unies en tête.
Malgré l'échec de jeudi, Soro a annoncé la reprise vendredi de la marche sur la RTI ainsi que sur le siège du gouvernement, au risque d'un nouveau bain de sang.
"Demain nous irons à la RTI et la Primature", a juré celui qui durant la journée avait exhorté les Ivoiriens "à ne pas se laisser distraire par cette dictature des chars, et à réclamer la liberté de l'information pluraliste par les médias d'Etat".
Dans le même temps, la perspective d'un choc entre FN et FDS sur l'ancienne ligne de front de 2002-2003 se précisait.
Des échanges de tirs ont ainsi eu lieu à deux reprises jeudi à Tiébissou (centre) alors que des éléments FN faisaient mouvement, sans succès, vers le sud en direction de la capitale politique Yamoussoukro.
Tandis que la France a appelé à la retenue tout en soutenant de nouveau Ouattara, les Etats-Unis se sont montrés menaçants.
Gbagbo dispose d'un "temps limité" pour céder le pouvoir et il en est conscient, a affirmé jeudi un haut responsable américain.
La Côte d'Ivoire est plongée de nouveau dans la tourmente depuis le scrutin qui était censé pourtant clore une décennie de crises politico-militaires.
Ouattara a été désigné vainqueur de la présidentielle par la commission électorale, mais le Conseil constitutionnel, acquis au sortant, a invalidé ces résultats et proclamé la victoire de Gbagbo.
Paris hésite à inclure Gbagbo sur la liste de sanctions UE
La France hésite à inclure Laurent Gbagbo sur la liste de responsables ivoiriens passibles d'interdiction de visas et de gel de leurs avoirs en cours de constitution à Bruxelles, ont indiqué jeudi plusieurs sources diplomatiques européennes au fait du dossier.
Paris souhaite conserver une carte dans son jeu pour faire face à une dégradation de la situation mais une très large majorité des Vingt-Sept sont d'avis de viser sans attendre le président ivoirien sortant, ont précisé ces sources.
"La France veut garder la possibilité de durcir sa position si les choses empirent dans les jours qui viennent", a expliqué l'une d'entre elles, qui a précisé qu'une liste existait déjà avec 19 noms, dont celui de Laurent Gbagbo, mais entre crochets.
L'Allemagne, la Grande-Bretagne ou encore la Pologne poussent pour que cette liste soit confirmée en l'état lundi prochain, lors d'une réunion technique à Bruxelles.
"Rien ne sera décidé aujourd'hui. Une décision devrait intervenir lundi, mercredi au plus tard", a confirmé l'une des sources diplomatiques.
Contacté par Reuters, le ministère français des Affaires étrangères n'a fermé la porte à aucune option.
"Les discussions se poursuivent à Bruxelles. La liste pourrait être adoptée la semaine prochaine. Nous souhaitons dans tous les cas qu'elle le soit rapidement", a expliqué Christine Fages, porte-parole adjointe du Quai d'Orsay.
"Le contenu en sera déterminé en fonction de l'évolution de la situation sur le terrain et des responsabilités de chacun", a-t-elle ajouté.
Banque Centrale Ivoirienne
L'UE a décidé lundi d'imposer des sanctions ciblées contre le président de la Côte d'Ivoire sortant, Laurent Gbagbo, qui conteste à son adversaire Alassane Ouattara la victoire à l'élection présidentielle du 28 novembre.
Les ministres des Affaires étrangères des Vingt-sept, réunis à Bruxelles, ont décidé d'entamer sans délai le processus visant à geler les avoirs et à interdire de visa vers l'Europe toutes les personnes qui "font obstruction aux processus de paix et de réconciliation nationale et en particulier menacent le bon aboutissement du processus électoral".
Les sources diplomatiques consultées ont également précisé que la France agissait en coulisses pour qu'Alassane Ouattara prenne le contrôle de la Banque centrale ivoirienne.
"Alassane Ouattara doit pouvoir exercer l'ensemble de ses responsabilités", dit-on au Quai d'Orsay.
Quatre personnes au moins ont trouvé la mort jeudi à Abidjan lors d'accrochages entre les forces de sécurité fidèles au président sortant Laurent Gbagbo et des partisans d'Alassane Ouattara, reconnu sur un plan international comme président élu, ont rapporté des témoins.
Coups de feu et tirs d'armes lourdes ont retenti près de l'hôtel du Golf, quartier général d'Ouattara dans la capitale économique ivoirienne, dans le cadre d'une journée où ses alliés avaient l'intention d'essayer de prendre le contrôle du bâtiment de la Radio-Télévision ivoirienne (RTI).
La victoire d'Alassane Ouattara au second tour de l'élection présidentielle, le 28 novembre, est reconnue par l'Onu, les Etats-Unis, les Etats africains et la France, mais Laurent Gbagbo et le Conseil constitutionnel la contestent en faisant état d'une fraude électorale massive dans le nord du pays. - AfricaLog avec agence