Par Thomas Hofnung
Le président du Niger a annoncé aujourd'hui la dissolution du parlement, au risque d'une confrontation violente avec l'opposition.
La scène se passait fin mars, dans un grand hôtel de Niamey, la capitale du Niger. Aux côtés de Nicolas Sarkozy, en visite expresse dans cette ancienne colonie française, le président Mamadou Tandja assurait publiquement qu'il ne se représenterait pas pour un troisième mandat. Au pouvoir depuis 1999, réélu en 2004, cet ancien colonel est censé quitter le pouvoir en décembre prochain, la Constitution interdisant plus de deux mandats.
Mais, depuis le passage de son homologue français, venu célébrer l'octroi d'une mine géante d'uranium à Areva, Tandja a changé d'avis. Le 5 mai, lors d'un entretien exclusif accordé à Libération, il évoquait la tenue d'un référendum sur son maintien au pouvoir, suscitant une levée de boucliers à Niamey.
Risques de confrontation violente
Au sein même de son parti, des voix se sont alors élevées pour tenter de le dissuader de passer à l'acte. Le week-end dernier, une vingtaine de partis politiques, syndicats et associations se regroupaient au sein d'un Front de défense de la démocratie. Enfin, hier, la Cour constitutionnelle le désavouait, affirmant que le chef de l'Etat ne peut pas convoquer un référendum sur ce sujet.
Mais Tandja a décidé de passer outre et, en prime, il vient d'annoncer la dissolution du Parlement. Tout semble se mettre en place pour une confrontation violente à Niamey. «Ce qui est inquiétant, confie un bon connaisseur du dossier, c'est que Tandja n'en démord pas et que ses adversaires veulent tout faire pour empêcher la tenue d'un référendum . Après tout, ils pourraient se dire qu'ils vont le gagner...»
Crises à répétition en Afrique de l'Ouest
Ce qui ressemble à une fuite en avant de la part du vieux président (70 ans) intervient alors qu'il vient de remporter la victoire sur les rebelles touaregs. Ces derniers avaient pris les armes contre lui, début 2007, dans le nord du pays. Un temps houleuses, les relations entre Tandja et Paris sont désormais au beau fixe: le 4 mai dernier, le ministre français de la Coopération, Alain Joyandet, a assisté à la cérémonie de la pose de la première pierre de la future mine d'uranium d'Imouraren, confiée à Areva.
La volonté de Tandja de s'accrocher au pouvoir coûte que coûte est une mauvaise nouvelle pour l'Afrique de l'Ouest, déjà aux prises avec une série inquiétante de crises. En Mauritanie, le général Mohamed Ould Abdel Aziz, qui a déposé le président élu l'été dernier, se présente à la présidentielle du 6 juin, malgré les pressions internationales.
La Guinée vit une transition difficile suite à la mort de Lansana Conté en décembre dernier et la prise du pouvoir consécutive par les militaires, tandis que le président Vieira a été sauvagement assassiné en mars dernier en Guinée Bissau. Avec le coup de force de Mamadou Tandja, le Niger risque bien rejoindre le club de plus en plus étendu des pays en voie de déstabilisation. - Libération