Ce 9 février, le ministre d’Etat chargé de l’Energie et de l’Environnement, Papa Koly Kourouma flanqué des cadres du ministère a animé une conférence de presse pour faire l’état des lieux du secteur de l’électricité en Guinée.
En guise d’introduction, le ministre a annoncé : «Le changement attendu dans l’électricité passera nécessairement par une restructuration de EDG, la réhabilitation de l’existant en vue d’optimiser la productivité, la lutte contre la fraude sous toutes ses formes, la qualification des prestations, l’accroissement des investissements dans le secteur et l’engagement citoyen ».
Après quoi, il s’est livré à faire l’état des lieux des centrales thermiques de Tombo, du système Samou, des barrages hydroélectriques de Garafiri à Kindia et de celui de Kinkon à Pita.
Les centrales de Tombo comptent des équipements de production thermique nommés Tombo I, Tombo II, Tombo III, Tombo IV et Tombo V. Toutes seraient dans une situation catastrophique, à en croire le ministre Papa Koly.
Tombo I construite entre 1953 et 1954 avec une puissance de 30 MW est hors service depuis le 20 mai 1997 et est déclassée. Tombo II d’une puissance installée de 24 MW est construite en 1990, se trouve à l’arrêt depuis novembre 1996. Tombo II est également déclassée. Tombo III construite en 1997, avec une puissance de 46,08 MW, s’est arrêté le 6 novembre 2010, suite à l’utilisation d’un mazout non autorisé par le constructeur et déconseillé par les techniciens.
Tombo IV construite en 1997 avec une puissance installée de 24 MW ne fonctionne pas depuis mai 2004. Elle est aussi déclassée.
Tombo V construite entre 2003-2005 comprend trois groupes de 11 MW chacun. Deux d’entre eux sont à l’arrêt depuis novembre dernier, suite à l’utilisation du carburant inapproprié. Mais ses groupes viennent d’être remis en marche. Les centrales de Tombo sont «obsolètes ou fortement endommagées», a résumé le ministre d’Etat chargé de l’environnement et de l’Energie. Qui, dans sa description de l’état des lieux des infrastructures électriques en Guinée, a dit que la centrale hydroélectrique des Grandes chutes présente des fuites d’eau au niveau des jonctions.
L’évacuateur de crues, défectueux ainsi que les roues motrices des groupes, des pannes au niveau des alternateurs. Cette centrale de l’époque coloniale, précisément en1953, a une puissance disponible actuelle de 22 MW après les extensions opérées en 1976 et 1986.
La centrale hydroélectrique de Donkéa de 11MW, construite entre 1962 et 1963, dispose des appareils de contrôle de la prise d’eau en hors service. Elle présente des fuites le long du canal d’amenée et de la conduite forcée. Il y a également la chute des pylônes de la ligne de 110 KV entre Donkéa et les grandes chutes qui a créé les problèmes d’évacuation de l’énergie.
La centrale hydroélectrique de Baneah de 5 MW construite, il y a environ 16 ans, n’est plus fonctionnelle depuis le 27 avril 2010, faute de pièces de rechange. Celle de Garafiri mise en marche en 1999 avec une puissance installée de 80,4 MW pour une puissance disponible de 75 MW, présente de nombreuses inquiétudes: manque d’entretien régulier, transmetteur de niveau hors service, compresseur de mesure de niveau défectueux. La liste n’est pas exhaustive.
Le barrage hydroélectrique de Kinkon (3,2 MW) est limité dans sa production par manque de pièces de rechange et de l’étiage.
Papa Koly a indiqué que toutes les centrales n’ont que 200MW de capacité totale installée, mais ce sont 48 MW qui sont produites actuellement. « Alors que le besoin énergétique, rien que pour la ville de Conakry est de l’ordre de 200 MW», a-t-il indiqué. Selon lui, le manque d’électricité dépend de plusieurs facteurs: négligence et mauvais management de certains responsables de EDG, manque d’entretien et de maintenance des équipements, faible niveau de certains techniciens, insuffisance d’investissement et mauvaise gestion.
Papa Koly précise que la société EDG est dans le gouffre d’un endettement hors norme. Elle doit : 100 milliards de francs guinéens à l’administration fiscale, 17 milliards de francs guinéens à la CNSS (Caisse nationale de sécurité sociale), 34 milliards de francs guinéens à la douane et plus de 80 millions de dollars de prêts à rembourser aux bailleurs. Une situation qui aurait résulté de la mauvaise gestion, de la fraude et le non paiement des factures.
Le ministre a indiqué que le KW/h devant être à 700 francs, n’est facturé qu’à 90 francs actuellement. Papa Koly a affirmé que le gouvernement est en train de faire tout le nécessaire pour améliorer la desserte en électricité. Mais il a averti qu’il «n’y aura donc pas d’électricité pour tous sans des mesures énergiques et des actions vigoureuses menées par tous.»
Récemment, il a suspendu tous les directeurs de EDG. Le sujet est revenu sur la table autour de leur éventuel retour. Mais, pour le ministre ce retour n’est pas pour demain. Le directeur général de EDG aura été au préalable désigné par l’assemblé du Conseil d’administration avant d’être nommé par décret. Les autres directeurs sont nommés par le DG qui délègue une partie de ses pouvoirs. « Donc, s’il y a faute et qu’il faille sanctionner le directeur général, comment on peut le sanctionner et laisser les gens qu’il a nommés. La direction est unique, la faute est collective. La responsabilité sera située, les parts seront faites et les gens seront sanctionnés,» a-t-il dit.
Aviez-vous rencontré les responsables de EDG avant de les suspendre? Comment avez-vous fait l’état des lieux en si peu de temps?
Papa Koly a raconté: «Je savais déjà que la qualité de la desserte de Conakry était détériorée par le fait d’utilisation du mazout de mauvaise qualité. Le cabinet a écrit au DG d’EDG qui a répondu par un mémo dans lequel il incriminait la société Rusal. Pour dire que deux lettres adressées à Rusal, sont restées sans suite. Après le courrier que nous avions adressé à la société Rusal, elle indiquait dans sa réponse son étonnement d’être incriminé par EDG dans l’arrêt des groupes de Tombo. La fourniture du carburant à EDG par Rusal était subordonnée à la fourniture des caractéristiques du mazout avant même la livraison. Et qu’il ne se sent pas concerné par l’arrêt des machines de Tombo. Et c’est quand les machines étaient en arrêt par suite de l’utilisation des mazouts de mauvaise qualité, fournis entre les 5 et 7 octobre 2010. C’est le 21 octobre que le directeur général prend un courrier pour demander à Rusal de lui fournir les caractéristiques du mazout. Ce qui est inacceptable ! Parce que cela devait se passer avant la réception du carburant à plus forte raison son utilisation. La faute est donc grave». Le ministre s’est dit favorable à une restructuration d’EDG que sa liquidation.
S’agissant des centrales de Kipé et Entag (Conakry), construites par la junte du CNDD, Papa Koly a dit qu’il n’a pas «parlé de ces centrales, parce qu’on n’a pas encore fait cérémonie inaugurale. Il y a une réception provisoire qui a fait assez de réserves sur le fonctionnement de ces centrales. Il a été question de l’installation de 30 MW dont 15 à Kipé et 15 à Enta-nord qui devait fonctionner en îlots. Lors de la réception provisoire, elles ne fonctionnaient pas correctement. La centrale de Kipé ne développe que 8,5 MW et celle d’Enta 7,5 MW.»
C’est tout dire. Les habitants du pays dit «château de l’Afrique occidentale» devront encore user davantage de patience pour être gratifiés en eau et en électricité. Comme dans les gouvernements précédents, jugés incapables de satisfaire aux besoins de la population guinéenne.
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