Par Noël Kodia*
Ayant pris le pouvoir par force après le décès de Lansana Conté depuis décembre 2008, le capitaine Moussa Dadis Camara s’est autoproclamé président de Guinée en rassurant l’opinion nationale et internationale qu’il devait opérer une transition politique pour organiser des élections libres et transparentes. Malgré quelques réticences, la Communauté internationale l’a accepté, lui priant de « faire vite » afin que le cadre constitutionnel revienne au pays. Un nouveau défi pour la Communauté internationale et l’Union Africaine (UA).
Moussa Dadis pense réhabiliter la Guinée après plusieurs décennies de dictature. Des élections organisées par son prédécesseur ont pérennisé celui-ci au pouvoir. Dès sa prise du pouvoir, Moussa a été rappelé à l’ordre par la France, les Etats Unis et l’UA inquiétés par l’illégalité et l’illégitimité politique du pays. Les partis politiques suspendus par le Conseil National pour la Démocratie et le Développement pendant un certain moment, ont repris leurs activités. Au lieu d’aider les Guinéens à résoudre leurs problèmes sociopolitiques et économiques qui datent depuis 1958, l’ONU et l’UA les pressent d’aller aux élections plus tôt que prévu. Or, il demeure des questions à régler comme le recensement de la population pendant la transition.
Pourtant la Communauté internationale connaît bien les difficultés des pays africains dans leur marche vers la démocratie pluraliste. Pour la Guinée, on sait qu’elle a subi les dictatures de Sékou Touré et Lansana Conté. Soutenant parfois des dictateurs, la Communauté internationale s’est contentée de préserver la sécurité de l’exploitation des richesses de ce pays comme la bauxite. On sait que les élections imposées par la Communauté internationale ont souvent été source de mésententes en Afrique car les perdants n’acceptent jamais la victoire de ceux qui les organisent après l’aide de cette même Communauté internationale. Généralement en Afrique, on organise les élections pour les gagner comme on l’a remarqué en Angola, en République démocratique du Congo.
Avant donc de parler élections, la Communauté internationale devrait aider les Africains en exigeant de leur part des institutions de bonne gouvernance politique et économique, facteurs primordiaux pour le bien être social. Pour cela, elle doit faire pression sur les dirigeants politiques et économiques sous peine de sanctions sévères comme l’exclusion de l’UA. Mitterrand avait tapé sur la table à la Baule pour l’acceptation du multipartisme, nouvelle condition pour l’aide au développement. Mais l’on constate que des Occidentaux, à côté de Chinois, exploitent toujours le continent africain avec la complicité de certains dirigeants qui n’ont de compte à rendre à personne. Paradoxe de l’Afrique, où les richesses ne profitent pas aux populations pauvres. Les pays pétroliers comme l’Angola, le Gabon et le Congo où 70% de la population vivent au seuil de la pauvreté avec moins d’un dollar par jour sont des cas qui devraient interpeller la Communauté internationale.
Aujourd’hui, la Banque mondiale et le FMI devraient aider les Guinéens à assainir leur économie et s’impliquer ensuite dans l’organisation des élections pour éviter les fraudes et les contestations. Ils ont commencé à lutter contre la drogue et les détournements de deniers publics. La Guinée est d’ailleurs un bon exemple, avec l’assainissement de ses finances. C’est la bonne santé économique d’un pays qui permet au peuple d’avoir le minimum vital sanitaire et éducationnel.
Malgré l’implantation de la démocratie pluraliste sur le continent, le pouvoir semble toujours attirer les militaires, même si le sang ne coule plus comme auparavant. La Mauritanie et dernièrement la Guinée ont subi des coups d’Etat pacifiques. Et l’UA, dans ces cas, et même après les coups d’Etat constitutionnels, se contente de les condamner sans pour autant proposer des solutions pour une véritable alternance qui effacerait la dictature sur le continent. S’il y a eu alternance et élections transparentes et libres au Bénin, au Sénégal, au Mali et au Ghana, avec respect scrupuleux des Constitutions, c’est que cela pourrait être aussi possible dans les autres pays où certains dirigeants au pouvoir depuis plusieurs décennies se sont transformés en présidents monarchiques.
L’UA doit accepter l’idée d’Alpha Konaré qui s’insurgeait contre les coups d’Etat constitutionnels quand certains présidents commençaient à modifier leur Constitution pour se représenter aux élections après deux mandats consécutifs, hypothéquant ainsi l’alternance. Avec ces coups d’Etat constitutionnels, il y a eu retour du pouvoir autocratique dans un multipartisme aléatoire où l’opposition s’avère éternelle et serait tentée de pratiquer l’alternance par force. Une Constitution interafricaine qui imposerait la limitation stricte des mandats présidentiels serait un leitmotiv louable pour la bonne gouvernance politique et économique. Des sanctions comme l’exclusion des Nations Unies et de l’UA pourraient dissuader les dictateurs. Mais l’UA se confronterait à certains pays comme … la Libye où la relative bonne gouvernance économique ne rime pas avec l’alternance au pouvoir.
La Communauté internationale peut aider les peuples africains en ne caressant plus les dictateurs dans le sens du poil à cause des intérêts occidentaux et chinois sur le continent. L’UA peut imposer le respect strict de la limitation des mandats au pouvoir, et tout ce qui s’est passé au Kenya et au Zimbabwe ne serait plus que des tristes souvenirs. Les Africains, dont on exploite les ressources sans résoudre leurs problèmes sociaux alors que leur continent est riche, pourraient se révéler être des bombes à retardement. La Communauté internationale et l’UA doivent donc y apporter des solutions avant qu’il ne soit trop tard.
*Noël Kodia est essayiste et critique littéraire d’origine congolaise. Publié en collaboration avec UnMondeLibre.org.