Catherine Philp
Désinvolte – pour les plus aimables –, égocentrique, jaloux, Iago pour les plus sévères : les qualificatifs peu amènes pleuvent sur le président français en écho aux propos qu'il peut tenir sur les grands de ce monde. Tous ceux qui pensent que seuls les filles et les homos peuvent être vaches auraient dû être à mon école quand le nouveau est arrivé. Il était grand, beau, intelligent et sportif ; les garçons se hérissèrent aussi vite que les filles fondirent. "Il n'est pas si beau que ça", cracha un ancien caïd. Certains garçons ne grandissent jamais. Et ils se lancent dans la politique. Nul ne devrait s'étonner quand Damian McBride et Derek Draper* jouent les "garces" : ce sont des langues de vipère professionnelles qui parviennent à leurs fins, faire chuter un rival par exemple, en salissant et en critiquant – tout en faisant de l'autodérision sur leur propre comportement d'écolier. Nicolas Sarkozy n'a pas cette excuse. Ce n'est pas un sous-fifre quelconque, c'est un chef d'Etat. Il est censé diriger un pays. Ça ne l'a pas empêché de se transformer en une espèce de sale petite princesse quand un nouveau président plus grand, plus beau et plus populaire est apparu sur la scène. Barack Obama ? "Pas à la hauteur en matière de décision et d'efficacité", murmure le président Sarkozy. "N'a jamais dirigé un ministère." Ce serait drôle si ce n'était pas aussi évident : M. Sarkozy a décidé de rabaisser un peu le nouveau. Et quelques autres aussi, apparemment. José Luis RodrÃguez Zapatero d'Espagne ? "Pas très intelligent." José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne ? "Totalement absent." Même la loyauté politique ne compte plus. Angela Merkel, qui a demandé comme lui un renforcement de la réglementation de la finance mondiale au sommet du G20 ? Tournée en ridicule, elle aussi, pour avoir, selon Sarko, pris le train français en marche une fois qu'elle eut compris l'état alarmant dans lequel était l'industrie allemande. Sarkozy est un traître, il vous sourit et vous fait des grâces tout en dissimulant un poignard qu'il est prêt à vous plonger dans le dos à la moindre occasion. Il y a un dirigeant que "l'hyperprésident" prétend admirer : Silvio Berlusconi, malgré la série de gaffes que celui-ci ne cesse de commettre. Mais M. Berlusconi est un bouffon, pas une garce. Et, s'il avait une once de l'assurance de Berlusconi, Sarkozy n'aurait pas besoin de se répandre dans tous les coins en déversant sa bile à qui veut l'entendre comme un mini-Iago. Rien ne montre que cette attitude le serve dans le pays. Selon un sondage publié [le 16 avril], Jacques Chirac, son prédécesseur, a trente points d'avance sur lui en matière de popularité. Or, il n'y a qu'une chose plus dangereuse qu'un nouveau président brillant, c'est un ancien président brillant. Surveille tes arrières, Jacques. – The Times