Les autorités libyennes ont annoncé jeudi une offensive "dès ce soir" contre Benghazi, fief des insurgés dans l'est du pays, et menacé de s'attaquer au trafic aérien et maritime civil et militaire en Méditerranée en cas d'opération militaire étrangère contre le pays.
A New York, le Conseil de sécurité devait voter à 22h00 GMT un projet de résolution stipulant que les Etats membres de l'ONU pourront "prendre toutes les mesures nécessaires" pour protéger les civils en Libye, notamment la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne pour clouer au sol l'aviation utilisée par les forces fidèles à M. Kadhafi contre la rébellion.
"La décision a été prise. Préparez-vous, nous arrivons dès ce soir", a déclaré en soirée le leader libyen Mouammar Kadhafi dans un message sonore adressé aux habitants de Benghazi et retransmis par la télévision libyenne. "Il faut en finir avec cette mascarade".
"Celui qui rend son arme et prend la fuite ce soir ne sera pas inquiété. Nous ne le poursuivrons pas", a-t-il assuré.
Benghazi, deuxième ville du pays située à un millier de km à l'est de Tripoli, est le siège du Conseil national de transition, l'instance dirigeante mise en place par les insurgés.
Plus tôt, un porte-parole du ministère libyen de la Défense cité par l'agence officielle Jana avait indiqué que toute opération militaire étrangère allait "exposer tout le trafic aérien et maritime en Méditerranée au danger".
"Tout élément mobile civil ou militaire sera la cible d'une contre-offensive libyenne", a-t-il ajouté.
L'armée avait annoncé plus tôt l'arrêt de ses "opérations militaires contre les bandes terroristes armées à partir de dimanche 00H00 (22H00 GMT) (...) pour donner une chance (aux insurgés) de remettre leurs armes et qu'ils profitent d'une décision d'amnistie générale", selon l'agence.
Sur le terrain, les forces loyales au colonel Kadhafi ont poursuivi ces derniers jours leur reconquête de l'Est.
Elles ont tenté jeudi de bombarder des positions de la rébellion à Benghazi, ont indiqué les insurgés qui affirment avoir abattu deux avions.
Il n'était pas possible dans l'immédiat de confirmer ces informations de source indépendante, alors que les forces fidèles au régime ont réussi à reprendre plusieurs villes ces derniers jours à coups de raids aériens et terrestres.
Benghazi était calme jeudi soir à une heure du début du vote à l'ONU, selon des journalistes de l'AFP. Comme tous les soirs, des rebelles ont vidé quelques chargeurs en l'air, ainsi que des balles traçantes rouges des canons antiaériens, après le discours de Kadhafi.
La télévision libyenne a affirmé que les forces gouvernementales s'étaient emparées de Misrata (200 km à l'est de Tripoli), mais un porte-parole de l'opposition a démenti.
De violents combats avec les rebelles y avaient fait au moins 22 morts mercredi, selon la rébellion.
Les opérations contre Misrata et Benghazi, symbole de la révolte déclenchée le 15 février contre Kadhafi, avaient été annoncées ces deux derniers jours par le régime libyen qui s'est dit déterminé à mater l'insurrection.
Par ailleurs, la ville de Zuwaytinah (150 km au sud de Benghazi) est "contrôlée par les forces armées qui sont aux portes de Benghazi", a indiqué la télévision d'Etat.
Mercredi, les troupes du régime avaient affirmé avoir repris Ajdabiya, dernier verrou des rebelles à 160 km au sud de Benghazi. Au moins 26 personnes y ont été tuées, a dit un médecin en parlant de "combats terrifiants".
Dans l'Ouest, les rebelles se préparaient jeudi à une offensive des forces gouvernementales à Zenten (145 km au sud-ouest de Tripoli), selon un témoin.
"Selon les combattants, les forces loyales à Kadhafi sont en train de tenter d'encercler Zenten. Il y a des mouvements de troupe au nord et au sud-ouest. Il s'attendent à une importante attaque", selon lui.
En revanche, la capitale Tripoli s'efforçait de reprendre une vie normale après la répression meurtrière de manifestations fin février. Les enfants ont repris le chemin de l'école et boutiques, cafés et banques sont ouverts.
Alors que la révolte s'est transformée en guerre civile au prix de centaines de morts, le projet de résolution de l'ONU "autorise les Etats membres (...) à prendre toutes les mesures nécessaires (...) pour protéger les civils et les zones peuplées de civils sous la menace d'attaques" par les forces du colonel Mouammar Kadhafi, souligne le texte.
Le projet "décide d'établir une interdiction de tous les vols dans l'espace aérien" de la Libye "de manière à aider à protéger les civils".
L'expression "toutes les mesures nécessaires" ouvre la voie à des frappes militaires contre des cibles en Libye, même s'il est dit dans le texte qu'elles "excluent une force d'occupation".
La France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont poussé les autres pays membres à adopter ce texte mais la Russie et la Chine, qui disposent d'un droit de veto, pourraient s'opposer au texte.
Il y aura des frappes aériennes sur la Libye après l'adoption d'une résolution par le Conseil de sécurité, a indiqué à New York le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé.
Sur le front humanitaire, les organisations humanitaires et les autorités égyptiennes se préparaient à un exode massif de Libyens vers l'Egypte, seule échappatoire possible face à l'avancée des troupes de Mouammar Kadhafi dans l'est de son pays.
Près de 300.000 personnes ont fui le pays depuis le 15 février.
La Croix-Rouge internationale a retiré son personnel de Benghazi, disant être "extrêmement inquiète de ce qui arrivera aux civils". - AFP