La bataille d'Abidjan se poursuivait samedi avec d'intenses tirs à l'arme lourdes près des derniers bastions du président sortant Laurent Gbagbo, plus que jamais accroché au pouvoir, malgré des pressions internationales de plus en plus intenses.
Des informations très alarmantes circulaient par ailleurs concernant l'ouest de la Côte d'Ivoire: 800 personnes tuées en un jour dans une seule ville et découverte de charniers présumés, faisant craindre une explosion de violences interethniques dans un pays déjà secoué par une décennie de crise politico-militaire.
Plus de cent personnes ont été tuées par les mercenaires de Laurent Gbagbo à Duékoué, dans l'ouest du pays, avant la prise de la ville mardi par les forces d'Alassane Ouattara, a affirmé samedi la Mission de l'ONU en Côte d'Ivoire (Onuci)
Des tirs nourris d'armes lourdes, notamment de mortiers, étaient entendus samedi à la mi-journée dans le quartier du palais présidentiel d'Abidjan, après une nuit et une matinée relativement calmes, seulement trouées de tirs très sporadiques, a constaté l'AFP.
Le palais présidentiel est l'un des derniers bastions des forces pro-Gbagbo dans Abidjan, la capitale économique où sont arrivées jeudi soir les combattants d'Alassane Ouattara, reconnu président par la communauté internationale, après avoir pris la quasi-totalité du pays en venant du Nord.
Le gouvernement Ouattara a décrété un couvre-feu de 12H00 (locales) samedi à 06H00.
D'intenses tirs à l'arme lourde étaient également entendus près du camp militaire d'Agban, dans le quartier d'Adjamé (nord), selon un journaliste de l'AFP.
Le camp Gbagbo avait affirmé vendredi avoir repoussé une première offensive des forces de son rival sur le palais présidentiel et la résidence de M. Gbagbo à Abidjan, précisant avoir également repris le contrôle de la télévision d'Etat RTI. Le signal a été rétabli dès vendredi, et la chaîne diffusait des programmes anciens et un clip musical sur des images de campagne de M. Gbagbo.
Samedi matin des militaires fidèles au président sortant ont appelé à l'antenne de la RTI à la mobilisation des troupes pour la "protection des institutions de la République".
Dans ce "communiqué numéro 1 du PC du point d'appui", lu par un militaire accompagné d'une dizaine d'autres, ils demandent aux leurs de rejoindre cinq unités situées à Abidjan.
Quant au président sortant, son entourage assure qu'il se trouve avec sa famille dans sa résidence de Cocody (nord de la capitale économique) et qu'il n'a nullement l'intention d'"abdiquer", alors que les appels de la communauté internationale pour son départ se sont multipliés vendredi.
Dans de nombreux quartiers de la métropole, les pillages se poursuivaient et la panique s'emparait de certains habitants. Environ 1.400 Français et autres étrangers étaient regroupés samedi matin dans le camp militaire français de Port-Bouët à Abidjan, a indiqué l'armée française.
Mais de plus en plus d'informations alarmantes font état de massacres à grande échelle commis récemment dans l'ouest du pays, région traversée par de vifs antagonismes ethniques, frontalière du Liberia, qui sort avec peine d'une longue guerre civile (1989-2003).
"Au moins 800 personnes" ont été tuées mardi 29 mars lors de violences intercommunautaires à Duékoué, dans l'ouest de la Côte d'Ivoire, a dit à Genève le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), citant des informations recueillies sur place.
"Cet événement est particulièrement choquant par son ampleur et sa brutalité", s'est alarmé la chef de la délégation du CICR en Côte d'Ivoire, Dominique Liengme.
Important carrefour stratégique de l'Ouest, Duékoué est contrôlée depuis mardi par les forces pro-Ouattara, à l'issue de deux jours de durs combats avec les militaires et miliciens fidèles à M. Gbagbo.
Le gouvernement Ouattara a affirmé samedi avoir découvert des charniers dans l?Ouest, accusant les partisans de M. Gbagbo d'en être responsables.
Il évoque "la découverte de nombreux charniers dans l?Ouest du pays, notamment à Toulépleu, Bloléquin et Guiglo, dont les auteurs ne sont autres que les forces loyales, les mercenaires et les milices de M. Laurent Gbagbo".
Le gouvernement Ouattara a par ailleurs rejeté les accusations de l'ONU, qui a dit craindre de "graves violations des droits de l'homme" commises par ses forces, "en particulier dans les régions de Guiglo, Daloa à l'ouest".
Le gouvernement Ouattara "dément toute implication des Forces républicaines de Côte d?Ivoire (FRCI, pro-Ouattara) dans d?éventuelles exactions".
Dans le passé, le camp Gbagbo a lui aussi accusé ses rivaux de commettre de nombreuses exactions sur les civils.
Pour Human Rights Watch (HRW), M. Ouattara doit empêcher ses forces de commettre des représailles. - AFP