Les forces du président ivoirien reconnu par la communauté internationale Alassane Ouattara ont lancé mercredi à Abidjan l'assaut final contre le bunker où est retranché le chef de l'Etat sortant Laurent Gbagbo, qui refuse de se rendre malgré l'effondrement de son régime.
Le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo, a annoncé de son côté qu'il voulait ouvrir une enquête sur des "massacres commis de façon systématique ou généralisée". De 330 à un millier de personnes ont été tuées à Duékoué (ouest) la semaine dernière, un massacre pour lequel les forces pro-Ouattara ont été notamment pointées du doigt.
"On va sortir Laurent Gbagbo de son trou et le remettre à la disposition du président de la République", a annoncé à l'AFP Sidiki Konaté, porte-parole de Guillaume Soro, Premier ministre de M. Ouattara.
Mais vers 13H00 (locales et GMT), les tirs à l'arme lourde avaient cessé depuis environ une heure près du palais et de la résidence, sans qu'il soit possible dans l'immédiat de dire qui avait l'avantage sur le terrain, des irréductibles pro-Gbagbo ou des éléments pro-Ouattara.
Au moins deux hélicoptères de la Mission de l'ONU en Côte d'Ivoire (Onuci) survolaient à basse altitude le quartier administratif du Plateau (centre), où se situe le palais présidentiel, après avoir survolé les environs de Cocody (nord), qui abrite la résidence.
"Le président Ouattara a estimé que les négociations engagées pour obtenir la reddition de Gbagbo traînaient en longueur. Il a donc décidé d'intervenir militairement pour essayer de régler le problème, c'est-à-dire de capturer Gbagbo en vie", selon une source gouvernementale française.
M. Ouattara a demandé à ses troupes de garantir "l'intégrité physique" de son rival.
Les tirs à l'arme lourde avaient débuté en début de matinée au lendemain d'une journée d'intenses mais infructueuses tractations, au cours desquelles M. Gbagbo a refusé de jeter l'éponge.
Ces derniers jours, la télévision de M. Ouattara diffusait des extraits du film "La chute" retraçant les derniers instants d'Adolf Hitler, avant son suicide dans un bunker de Berlin, assiégé par les troupes soviétiques.
"Moi, je ne suis pas un kamikaze, j'aime la vie", a affirmé M. Gbagbo mardi à un journaliste français. "Ma voix n'est pas une voix de martyr, je ne cherche pas la mort mais si la mort arrive, elle arrive".
L'assaut lancé par les combattants pro-Ouattara "est une tentative d'assassinat du président Gbagbo", a affirmé le porte-parole de son gouvernement, Ahoua Don Mello, accusant la force française Licorne d'avoir fourni "un appui aérien et terrestre".
Licorne a démenti toute participation à cette attaque, assurant qu'elle poursuivait ses opérations d'assistance aux ressortissants étrangers.
Le pape Benoît XVI a lancé un appel "à toutes les parties en cause" en Côte d'Ivoire, ainsi qu'en Libye, pour "engager un travail de pacification et de dialogue et éviter de nouvelles effusions de sang".
L'Union européenne a décidé d'imposer de nouvelles sanctions à l'encontre du gouvernement "illégitime" de M. Gbagbo en raison "de la gravité de la situation".
Depuis le scrutin présidentiel du 28 novembre, qui a plongé le pays le plus riche de l'Afrique de l'Ouest francophone dans une quasi-guerre civile, Laurent Gbagbo n'a jamais reconnu la victoire d'Alassane Ouattara, au terme d'un processus électoral pourtant certifié par l'ONU.
Son régime s'est écroulé, les chefs de son armée ont appelé au cessez-le-feu, les frappes de l'ONU et de la France ont détruit une grande partie de son armemement lourd, de nombreux fidèles ont fait défection, mais il a obstinément refusé de signer sa démission.
Devant cette ultime résistance, "les Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI, pro-Ouattara) ont décidé de régler le problème de Laurent Gbagbo. On va à la résidence le chercher pour mettre fin à cette comédie. Et on ira partout où il y a des poches de résistance", a ajouté M. Konaté.
Outre la résidence, les derniers partisans de M. Gbagbo contrôlent le palais présidentiel et le camp militaire d'Agban, le plus important du pays, près duquel ont été entendues aussi des fortes détonations, selon un journaliste de l'AFP.
"Il faut que la comédie cesse car le pays s'écroule", a conclu le responsable des forces de M. Ouattara.
A Abidjan, les habitants traumatisés par les récents combats restent pour la plupart terrés chez eux. Dans certains quartiers, les rues quasiment désertes étaient abandonnées aux pillards, l'eau et l'électricité sont coupées par endroits, les provisions de nourriture s'amenuisent.
Mais dans le quartier des 2-Plateaux (Cocody) par exemple, certains étaient sortis faire quelques courses, et des transports en commun roulaient.
Les affrontements à l'arme lourde dans Abidjan ont fait, selon l'ONU, des dizaines de morts et la situation humanitaire est devenue "absolument dramatique", la plupart des hôpitaux ne fonctionnant plus.
Le bilan des morts pourrait être beaucoup plus lourd, les équipes de secours n'ayant pas pu sillonner la métropole en raison de la grande insécurité qui y règne. - AFP