Le poète et homme politique martiniquais Aimé Césaire a reçu mercredi un hommage national au Panthéon en présence de Nicolas Sarkozy, qui a salué "un homme qui compte pour la France, pour son histoire, pour sa culture".
Un millier de personnes, dont une grande partie du gouvernement, ont assisté à la cérémonie en l'honneur de cette figure majeure des Antilles françaises décédée en avril 2008 à l'âge de 94 ans et enterrée dans son île natale.
Deux portraits souriants de l'inventeur du concept de "négritude" ont été dressés sur la façade du Panthéon, où a été scellée une plaque en son honneur.
"Cette plaque est un très beau signal de la diversité, de l'identité de la France, de la spécificité de la France. Et Aimé Césaire fait honneur à la France", a dit Nicolas Sarkozy à la presse après la cérémonie.
Pour le chef de l'Etat, qui s'est offert un petit bain de foule place du Panthéon, Aimé Césaire est "un homme qui compte pour la France, pour son histoire, pour sa culture".
Le poète est ainsi élevé au rang de "grand homme" au même titre que Jean Moulin, Victor Hugo et Victor Schoelcher, à l'origine de l'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises en 1848.
"C'est un poète que nous honorons aujourd'hui", a dit Nicolas Sarkozy au début d'un discours truffé de citations de Césaire, "homme bon, gentil et généreux", "combattant inlassable de la cause martiniquaise et de la négritude" et "vieux lutteur politique".
NÉGRITUDE
Le président a conclu par ces mots inspirés des horreurs de l'esclavage, toile de fond de toute l'oeuvre du défunt : "Debout dans la cale, debout dans les cabines, debout sur le pont, debout dans le vent, debout dans le sang, debout et libre".
En ce dixième anniversaire de la loi de mai 2001 reconnaissant l'esclavage comme crime contre l'humanité, Nicolas Sarkozy a salué le recul d'Aimé Césaire face à l'Histoire.
"Chez ce poète qui écrivait en français des poèmes antillais qui s'adressaient à tous les hommes, nulle revendication communautariste, nulle tentation de l'entre soi, nul désir de séparatisme, nulle demande non plus de réparation car pour lui le crime était irréparable", a-t-il souligné.
Devant lui au premier rang, on pouvait reconnaître la famille d'Aimé Césaire, qui eut six enfants avec Suzanne, sa femme "de fontaine de soleil et de pleurs".
Des personnalités antillaises aussi, comme la députée de Guyane Christiane Taubira et des figures politiques : l'ancien Premier ministre Lionel Jospin, la communiste Marie-George Buffet, le centriste François Bayrou.
Au début de la cérémonie ponctuée de musique et d'images, des acteurs ont lu des extraits des poèmes d'Aimé Césaire, dont le parcours illustre un pan de l'histoire du XXe siècle.
Né en 1913 à Basse-Pointe, dans le nord de la Martinique, d'un père fonctionnaire et d'une mère couturière, Aimé Césaire est un élève brillant, qui poursuit ses études de lettres à Paris au début des années 1930 au lycée Louis-le-Grand puis à l'Ecole normale supérieure.
HOMME DE GAUCHE
C'est là qu'il rencontre le futur président sénégalais Léopold Sedar Senghor, avec qui il élabore le concept de "négritude", défense de la cause noire qui annonce l'indépendance des pays africains et la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis.
"Une question le hantait : 'Qui suis-je ? Qui sommes-nous dans ce monde de blancs ? Question qui en appelait aussitôt d'autres : Que dois-je faire ? Qu'est-il permis d'espérer ?'", a dit Nicolas Sarkozy à propos de ces années-là.
La beauté de la langue de Césaire éclate dès sa première oeuvre, "Cahier d'un retour au pays natal" : "Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir".
Suivront "Les armes miraculeuses", "Corps perdu", "Cadastre" ou encore "La tragédie du roi Christophe" pièce de théâtre sur l'indépendance d'Haïti.
Homme de gauche ayant un temps milité au Parti communiste, Aimé Césaire a été député et maire de Fort-de-France pendant 56 ans. Etudiée à l'école, son oeuvre figure cette année au programme de l'agrégation.
Pour célébrer la mémoire d'Aimé Césaire, le Panthéon sera ouvert gratuitement jusqu'à dimanche au public, qui pourra notamment admirer en son coeur une fresque représentant quatre portraits du poète à différents moments de sa vie. - Reuters