Les forces d'Alassane Ouattara ont lancé mercredi un assaut à Abidjan contre la résidence de Laurent Gbagbo qui a, semble-t-il, été repoussé selon une source militaire occidentale. Les affrontements font rage pour la troisième journée consécutive dans la capitale économique ivoirienne où le président sortant, qui refuse toujours de céder le pouvoir à son rival Alassane Ouattara, vit retranché.
D'après cette source, qui vit non loin de la résidence fortifiée de Laurent Gbagbo dans le quartier huppé de Cocody, les combats ont diminué d'intensité dans l'après-midi et les forces d'Alassane Ouattara, reconnu vainqueur de l'élection présidentielle du 28 novembre par l'Onu, se sont regroupées.
"D'après ce que je comprends, ils ont tenté de prendre la résidence ce matin. L'assaut a échoué", a dit cette source. "Ils n'ont pas pu briser la résistance opposée par toutes les armes lourdes toujours dissimulées aux abords de la résidence de Gbagbo et se sont repliés pour réfléchir".
Une porte-parole d'Alassane Ouattara a démenti un tel repli, sans pouvoir donner de précisions sur les derniers combats.
A Paris, le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a reconnu l'échec des négociations et dénoncé l'"intransigeance" de Laurent Gbagbo, tout en soulignant que ni les soldats français de la force Licorne ni les casques bleus de l'Onu n'étaient engagés dans les affrontements.
"La lutte est terrible ici, les explosions sont si violentes qu'elles secouent mon immeuble", a déclaré à Reuters Alfred Kouassi, un Abidjanais qui vit près de la résidence présidentielle dans le quartier de Cocody.
"On entend des tirs d'armes automatiques et aussi le grondement des armes lourdes. Ça tire de partout, il y a des voitures qui foncent dans toutes les directions et des combattants un peu partout", a-t-il ajouté.
Alfred Kouassi a précisé voir des blindés français de la force Licorne dans la rue, sans pouvoir dire s'ils sont engagés dans les combats.
La résidence de l'ambassadeur de France se trouve à proximité de la résidence présidentielle, où Laurent Gbagbo serait réfugié avec ses proches dans un bunker.
Les soldats de Ouattara "se préparent à entrer dans la résidence pour capturer Gbagbo. Il ne l'ont pas encore pris, mais ils essaient de le capturer, ils sont dans le bâtiment", avait annoncé dans la matinée une porte-parole d'Alassane Ouattara, Affousy Bamba.
Un autre porte-parole, Patrick Achi, a souligné que les forces d'Alassane Ouattara avaient reçu l'ordre de ne pas tuer Laurent Gbagbo.
"PRENDRE GBAGBO VIVANT"
"Cela n'a jamais été l'intention de qui que ce soit dans le camp Ouattara, et ce n'est toujours pas le cas, d'assassiner l'ancien président Gbagbo", a-t-il dit. "Alassane Ouattara a donné des instructions formelles pour que Gbagbo soit pris vivant car nous voulons le traduire en justice."
A Paris, le porte-parole de Gbagbo, Toussaint Alain, a pourtant accusé la France de vouloir la mort du chef de l'Etat sortant. "Le président (Nicolas) Sarkozy organise l'assassinat du président Gbagbo", a-t-il dit à Reuters. Une centaine de manifestants pro-Gbagbo se sont rassemblés devant l'Assemblée nationale française aux cris de "Sarkozy assassin", "La France et l'Onu complices" et "La Côte d'Ivoire ne t'appartient pas".
Laurent Gbagbo refuse de signer un document par lequel il renoncerait à revendiquer le pouvoir.
"Si Gbagbo refuse de signer les documents présentés hier (par l'Onu et la France), c'est parce qu'on lui propose quelque chose qui n'a aucune base juridique ou légale", a dit mercredi à Reuters son porte-parole Ahoua Don Mello.
Interviewé sur Radio France Internationale, le président sortant a redit son refus de se rendre. "Nous n'en sommes pas dans la phase de négociations. Et où partirais-je ? Pour aller où ?"
Mardi, il avait reconnu que son armée avait appelé à un cessez-le-feu après la destruction de son armement par les frappes aériennes de la France et de l'Onuci, l'opération des Nations unies en Côte d'Ivoire.
"Je ne suis pas un kamikaze, j'aime la vie. Je ne souhaite pas la mort, ce n'est pas mon objectif, mourir", avait-il dit à la chaîne de télévision LCI en réclamant "la vérité des urnes".
En raison de la poursuite des combats, les conditions de vie sont de plus en plus précaires à Abidjan, où la population a notamment beaucoup de difficultés à se procurer de l'eau potable.
Le procureur de la Cour pénale internationale de la Haye, Luis Moreno-Ocampo, a annoncé mardi que des pourparlers étaient en cours avec des pays d'Afrique de l'Ouest pour soumettre aux juges de la CPI des informations sur des atrocités commises en Côte d'Ivoire et permettre l'ouverture rapide d'une enquête sur ces violences.
Plus de 1.500 personnes ont été tuées dans les violences en Côte d'Ivoire depuis la fin novembre.- Reuters