"La délimitation de la frontière maritime profite aux deux pays. Parce que c'est une sorte de gestion préventive des conflits. Les problèmes de délimitation ont des conséquences sur toutes les prétentions pour les ressources halieutiques, du sol et du sous-sol marins", a analysé le Dr Ruben Balock, juriste enseignant à l'Université de Yaoundé II, interrogé par Xinhua.
Du 9 au 11 novembre dernier, Yaoundé, la capitale camerounaise, a abrité la quatrième session de la Commission ad hoc sur la délimitation de la frontière maritime entre le Cameroun et la Guinée équatoriale, dont deux jours de travaux des experts et la dernière journée consacrée à la réunion ministérielle. Les deux délégations étaient respectivement conduites, côté camerounais, par le ministre des Relations extérieures, Henri Eyebe Ayissi, et, côté équato-guinéen, par le ministre d'Etat chargé des Affaires étrangères, de la Coopération internationale et de la Francophonie, Pastor Micha Ondo Bile. "C'est la continuité de trois assises précédentes. On avance. Le plus important est que les travaux se déroulent dans une ambiance de fraternité et de compréhension mutuelle. Ce n'est pas facile. Les questions de notre frontière commune, nous devons les régler sérieusement, sans malentendu", a déclaré aux termes de cette rencontre Micha Ondo Bile. "C'est une initiative des deux chefs d'Etat, S.E. Teodoro Obiang Nduema Mbasogo et son homologue camerounais, S.E. Paul Biya. Les deux parties ont suivi leurs recommandations pour un aboutissement final bénéfique pour tout le monde. Elles comprennent parfaitement que nos deux pays sont des pays voisins et frères", a-t-il ajouté. Même son de cloche côté camerounais, où le ministre délégué auprès du ministre des Relations extérieures chargé des Relations avec le Commonwealth, Joseph Dion Ngute, a souligné la nécessité de "consolider les relations de bon voisinage". Ce propos est pertinent, compte tenu des crises diplomatiques qui sont parfois survenues entre ces pays d'Afrique centrale. C'est le cas en ce moment de l'affaire de l'exfiltration à Yaoundé, par les responsables diplomatiques équato-guinéns aidés par deux policiers camerounais, d'un ancien colonel de l'armée équato- guinéenne, Cipriano Nguema Mba, réfugié au Cameroun. De l'avis de Dion Ngute, le dialogue direct engagé en 2006 par les autorités de Yaoundé et de Malabo pour la délimitation de la frontière maritime commune vise précisément à clarifier la situation juridique de cette frontière. A l'ouverture de la concertation, Eyebe Ayissi a insisté sur " une délimitation consensuelle de la frontière", sur la base des prescriptions des deux chefs d'Etat. Concrètement, il s'agit, a-t- il expliqué, de parvenir à "une solution qui prenne en compte les droits et intérêts des deux pays". Micha Ondo Bile a estimé que le processus doit être accéléré, car, "il y a beaucoup de projets de coopération à réaliser". Mais, un expert proche du dossier a laissé entendre que ce processus est délicat, car le Cameroun et la Guinée équatoriale partagent deux types de frontières. Il y a, d'un côté, "une frontière adjacente" reliant Bata et Kyé-Ossi. De l'autre côté, l'île équato-guinéenne de Bioko, plus rapprochée de la côte camerounaise, crée entre les deux pays "des frontières qui se font face", selon cet expert. Il rejoint là une analyse faite par le juriste camerounais Maurice Kengne Kamga qui, dans un ouvrage intitulé "Délimitation maritime sur la côte atlantique africaine", publié en 2006 aux Editions Bruylant et aux Editions de l'Université de Bruxelles en Belgique. Kengne Kamga a évoqué le fait que les deux pays font partie du golfe de Guinée, une région est la délimitation des frontières maritimes entre Etats est jugée complexe, à cause d'"un chevauchement de plusieurs zones maritimes revendiquées par les Etats". Outre le Cameroun et sa voisine, sont également impliqués le Nigeria, le Gabon et Sao Tomé et Principe. D'ailleurs, dans le cadre de l'affaire Cameroun-Nigeria à propos de la presqu'île de Bakassi devant la Cour internationale de justice (CIJ) de la Haye aux Pays-Bas, de 1994 à 2002, la Guinée équatoriale avait saisi en juin 1999 cette juridiction par une requête demandant à intervenir dans la procédure dans l'objectif de défendre ses droits et intérêts. Conformément à la Convention de Montego Bay de 1982 sur le droit de mer, la CIJ, dans son arrêt du 10 octobre 2002 reconnaissant la souveraineté du Cameroun sur Bakassi (envahi en décembre 1993 par le Nigeria), avait laissé la possibilité à la Guinée équatoriale de négocier sa frontière avec le Cameroun. D'où donc les négociations en cours. La Convention de Montego Bay stipule en effet que la délimitation de la frontière maritime "entre Etats dont les côtes sont adjacentes ou se font face est effectuée par voie d'accord conformément au droit international tel qu'il est visé à l'article 38 du Statut de la Cour internationale de justice, afin d'aboutir à une solution équitable". L'un des enjeux de la délimitation de la frontière entre le Cameroun et la Guinée équatoriale concerne l'exploitation des richesses déclarées dans leurs eaux, dont des ressources minières importantes telles que le pétrole et le gaz, et les ressources halieutiques. Selon Balock, ce processus va permettre "une exploitation sereine". Un autre enjeu réside dans la prévention d'un différend comme celui ayant opposé le Cameroun et le Nigeria, ou même celui qui empoisonne actuellement les relations entre la Guinée équatoriale et le Gabon au sujet de l'île de Mbané, revendiquée par les deux pays et qui fait l'objet d'une bataille judiciaire devant la Cour internationale de justice. Par ailleurs, de l'avis des spécialistes, c'est également de ce processus que dépend la délimitation définitive de la frontière maritime entre le Cameroun et le Nigeria, qui n'a été effectuée que partiellement. Raphaël Mvogo