Le président déchu Laurent Gbagbo a "accepté" la victoire d'Alassane Ouattara à la présidentielle de novembre et estimé qu'il fallait "panser les plaies" de la Côte d'Ivoire, ont rapporté Mgr Desmond Tutu, Kofi Annan et Mary Robinson après avoir rencontré M. Gbagbo lundi à Korhogo (Nord), où il est en résidence surveillée.
Détendu et souriant, Laurent Gbagbo n'avait plus rien à voir avec l'homme hébété, en maillot de corps, photographié lors de son arrestation le 11 avril dans la résidence présidentielle à Abidjan.
"Merci d'être venus !", a déclaré l'ancien chef de l'Etat, vêtu d'un pantalon noir et d'une chemise bleu, en serrant la main des trois membres du groupe dit des Elders (Anciens), l'ex-secrétaire général de l'ONU Kofi Annan, l'archevêque sud-africain Desmond Tutu, et l'ancienne présidente d'Irlande et ex-Haut commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, Mary Robinson.
Laurent Gbagbo a pris la pose pour les journalistes accompagnant la délégation, mais il n'a fait aucune déclaration.
"Nous avons été heureux de constater que l'ancien président a exprimé le désir de voir le pays retourner à une situation normale. Dans son intervention, il a insisté pour dire qu'il fallait panser les plaies du pays", a déclaré Mgr Tutu, à l'issue de la rencontre d'environ 45 mn à laquelle la presse n'a pas pu assister.
"Comme vous l'avez vu, il a l'air en bonne santé, il nous l'a dit lui-même. Il a l'air détendu et il a demandé une bible", a ajouté le prix Nobel de la Paix.
M. Gbagbo, "ne nous a pas donné l'impression qu'il contestait l'élection ou bien l'autorité du président Ouattara. Ca, je crois qu'il l'accepté", a déclaré un peu plus tard Kofi Annan lors d'une conférence de presse à Abidjan.
"On l'a encouragé: au moment venu, lui-même devra parler, et encourager ses partisans à se calmer et à se réconcilier", a ajouté M. Annan.
Lundi après-midi à Abidjan, dans le quartier de Yopougon (ouest), bastion des derniers fidèles de l'ancien chef d'Etat, des tirs d'arme lourde ont été entendus, opposant miliciens pro-Gbagbo et forces du président Ouattara.
Mme Robinson a jugé "très important" qu'il y ait à la fois "la vérité, la réconciliation et la justice".
Il s'agissait de la première visite connue d'officiels auprès de M. Gbagbo depuis son transfert le 13 avril à Korhogo, où il est assigné, dans une résidence présidentielle, gardée par la mission de l'Onu (Onuci) et les Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI).
Les Elders ont été accueillis à leur arrivée par une délégation associant des casques bleus et le chef local des FRCI, le commandant Martin Kouakou Fofié, qui, ironie du sort, se trouve sous le coup de sanctions de l'Onu depuis 2006, ses hommes ayant été notamment accusés "d'exécutions extrajudiciaires".
Les "Sages" veulent promouvoir "l'apaisement et la réconciliation" en Côte d'Ivoire après une crise post-électorale de plus de quatre mois qui s'est soldée par l'arrestation de M. Gbagbo et l'arrivée au pouvoir d'Alassane Ouattara, vainqueur du scrutin du 28 novembre.
La justice ivoirienne avait prévue de débuter mercredi les auditions de l'ex-chef d'Etat, de son épouse, en résidence surveillée à Odienné (nord-ouest) et de quelque 200 anciens responsables de son régime.
Mais le ministre de la Justice Jeannot Kouadio Ahoussou, qui a aussi fait le déplacement lundi à Korhogo, a déclaré que la date du début de l'audition de l'ex-président n'était pas "certaine", M. Gbagbo lui ayant indiqué que ses avocats n'étaient "pas disponibles".
Le chef d'Etat déchu est notamment accusé d'être responsable d'exactions, de concussion et d'appels à la haine.
Près de 3.000 personnes ont été tuées lors de la crise, selon les autorités. L'ONU font état de plus de 1.000 morts. - AFP