Une adolescente de 13 ans, qui revendiquait son homosexualité, a été violée sur le chemin de son école, dans le centre de Pretoria, la capitale de l'Afrique du Sud, selon le ministère de la justice. En début de matinée du dimanche de Pâques, le 24 avril, c'est le corps de Noxolo Nogwaza, une lesbienne de 24 ans, qui a été retrouvé dans une ruelle du township de Kwa Thema, situé à l'est de Johannesburg.
Crâne écrasé, dents arrachées, yeux exorbités, son visage était méconnaissable selon des témoins. Des parties de son corps ont été lacérées avec des tessons de verre, et des préservatifs usagés ont été retrouvés près du cadavre. La veille, dans un bar, cette militante pour les droits des personnes homosexuelles avait eu une altercation verbale avec un groupe d'hommes qui faisaient des avances à sa petite amie.
Peu relayés dans la presse locale, ces deux faits tragiques illustrent un phénomène persistant en Afrique du Sud – et même en augmentation selon des associations –, baptisé le viol "correctif". Des hommes obligent des lesbiennes à avoir des relations sexuelles avec eux, jugeant que cela permettra à celles-ci d'être "soignées" et d'être remises "dans le droit chemin".
"La mort de Nogwaza est le dernier d'une longue série de crimes sadiques visant les lesbiennes, les homosexuels et les transsexuels en Afrique du Sud", a réagi dans un communiqué l'organisation internationale Human Rights Watch.
LES POLICIERS FERMENT LES YEUX
Selon l'association Luleki Sizwe basée au Cap, 31 lesbiennes ont été tuées au cours de la dernière décennie en Afrique du Sud. Chaque semaine, plusieurs lesbiennes seraient violées dans le pays, mais il est difficile de connaître l'ampleur exacte du phénomène en raison de l'absence de statistiques officielles.
Les victimes lesbiennes vont rarement porter plainte au commissariat le plus proche car elles y trouvent souvent des policiers qui préfèrent fermer les yeux et qui pour certains d'entre eux, estiment même qu'elles l'ont "bien mérité", favorisant ainsi une culture de l'impunité.
La violence sexuelle (près de 500 000 viols par an), le machisme et la misogynie demeurent très présents dans la société sud-africaine. La " nation arc-en-ciel " a pourtant l'une des constitutions les plus progressistes en termes de protection des minorités. Alors que la majorité des pays africains condamnent encore pénalement l'homosexualité, les couples homosexuels sud-africains peuvent adopter un enfant depuis 2002 et se marier depuis 2006.
Ce sont surtout dans les townships, ces vastes quartiers pauvres situés à la périphérie des grandes villes, que les lesbiennes vivent un enfer. Elles sont sujettes au quotidien aux menaces qui peuvent à tout moment être mises à exécution. A l'image de cet homme qui lance à cette militante lesbienne : "Tu as besoin de prendre une leçon car tu te comportes trop comme un homme." Celle-ci raconte que son ex-copine est morte du sida après avoir été contaminée lors d'un viol par plusieurs hommes.
LE GOUVERNEMENT CRITIQUÉ POUR SA COMPLAISANCE
Critiqué pour sa complaisance envers ces crimes, le gouvernement sud-africain a annoncé la semaine dernière la création d'un groupe de travail chargé de proposer des mesures permettant de lutter contre ces agressions (campagne de sensibilisation, mise à disposition de refuges pour des homosexuels en danger, etc.).
En quelques mois, une pétition de l'organisation internationale Avaaz réclamant la condamnation publique des viols "correctifs" par les autorités sud-africaines, avait recueilli plus de 900 000 signatures. Le texte exigeait aussi la reconnaissance pénale des crimes de haine.
En 2008, Eudy Simelane, une ancienne joueuse lesbienne de l'équipe nationale de football féminin, a été violée par plusieurs hommes, battue et poignardée 25 fois. Deux hommes ont été condamnés pour sa mort en 2009, mais à l'époque, les juges n'avaient pas estimé que son meurtre était lié à son orientation sexuelle. – Le Monde