Par Emmanuel Martin
Dominique Strauss-Kahn ne sera donc sans doute pas le prochain Président de la République française. La police newyorkaise l’a arrêté dans son vol Air France samedi 14 mai, après qu’une femme de chambre a porté plainte contre l’icone socialiste pour agression à caractère sexuel qui aurait eu lieu en milieu de journée. Il est désormais inculpé, et plaidera non coupable selon ses avocats. Que DSK ait
visiblement des difficultés à contrôler ses hormones est évidemment problématique, surtout pour un homme que les sondages plaçaient déjà comme futur gagnant des prochaines présidentielles. Mais l’information intéressante, que l’on pouvait trouver sur le site du New York Times, est sans doute que la scène s’est passée dans la suite luxueuse d’un hôtel Sofitel de la 44ème avenue, à 3000 dollars la nuit.
Cela en dit long sur deux éléments possibles, en fonction de qui a payé cette chambre luxueuse. D’abord, dans l’hypothèse où DSK a sorti les deniers de sa poche, sur la cohérences de certains socialistes dans leurs principes. Deuxièmement, dans l’hypothèse où c’est le FMI qui a payé cette somme, sur le train de vie de ces agences internationales donneuses de leçons et financées avec des deniers publics.
Gauche caviar
Comme François Hollande qui pouvait déclarer en 2006 « je n’aime pas
les riches », les socialistes en France se disent souvent proches des
pauvres. On s’attend donc de leur part à un comportement exemplaire,
pour contraster avec le « bling-bling » de certains. DSK lui-même
s’était livré à un exercice de « passage de conformité populaire »
dans un documentaire de Canal + diffusé en mars 2011 sur le patron du
FMI : on le voyait dans une chambre d’hôtel fort modeste, prenant
lui-même soin de son costume en le pendant au-dessus de la baignoire
d’eau chaude pour le défroisser. Presque touchant : l’image d’un homme
finalement proche du peuple, économiste demandant aux autres
d’économiser mais économisant lui-même. Un modèle en somme. Le trait
était tellement grossi qu’il ne pouvait que susciter le doute : DSK
préparait-il sa campagne ?
Car la réalité est évidemment moins rose, comme le montre le coût de
cette suite new-yorkaise. Déjà début mai 2011, la photo du couple
DSK-Sinclair entrant dans la luxueuse Porsche Panamera S d’un ami
devant leur domicile de la non moins luxueuse place des Vosges avait
fait jaser. Et on connaissait le goût de DSK pour les costumes hors de
prix. Les socialistes qui veulent incarner la France populaire ont
visiblement du mal à ne pas s’éloigner du peuple : pas « populo » mais
bien « people ». La gauche caviar (ou désormais la « gauche Porsche »)
n’est pas qu’un mythe. Pour beaucoup de socialistes, la pauvreté
mérite la compassion, mais « de loin », et, point important, avec
l’argent des autres : c’est toujours plus simple. Les principes mêmes
de nombreux socialistes sont donc trahis dans leurs actes.
Le FMI travaille pour vous
Si la luxueuse suite de DSK est payée par le FMI, le problème est tout
aussi grave. On peut comprendre qu’un fonctionnaire international de
premier rang ne descende pas à l’Hôtel Formule 1 du coin. Toutefois,
entre une chambre à 50$ et à 3000$ il y a de la marge, même à New
York. Là encore, la problématique du respect des principes est (ou
plutôt devrait être) au centre du débat. Le FMI, dont la fonction
officielle, faut-il le rappeler, à cessé avec la fin du système de
Bretton Woods en 1971 (démontrant ainsi son étonnante capacité à
survivre en tant que bureaucratie), est le porte-étendard de la
rigueur budgétaire. En 2008, alors qu’il était au bord du gouffre
financier, son budget a été quasiment triplé. Alors que le FMI
sermonne (à juste titre) à longueur d’année les pays aux gouvernants
irresponsables, on s’attendrait à ce qu’il pratique lui-même la
rigueur dans ses propres dépenses de fonctionnement.
Les bureaucraties internationales non supervisées par nos processus
démocratiques sont des foyers de croissance incontrôlée des dépenses.
Avec l’argent de nos impôts. L’argument n’a rien de poujadiste : tout
comme le FMI insiste sur la responsabilité des gouvernants, il faut
insister sur la responsabilité des décideurs de ces bureaucraties qui
disent travailler pour le bien public. Dans les « Nababs de la
pauvreté », Graham Peacock critiquait il y a déjà plus de vingt ans
ces agences d’aide, notamment au sein des Nations Unies, extrêmement
généreuses à l’égard de leurs propres employés en termes de billets
première classe, chambres d’hôtel luxueuses et autres frais de
représentation astronomiques. Et tout aussi peu regardantes quant à
l’efficacité réelle de leurs missions... Il serait peut-être temps que
la transparence soit imposée, pas seulement à Athènes mais aussi à
Washington où siègent Banque Mondiale et Fonds Monétaire
International.
A côté des implications pour le futur de la politique française de
cette nouvelle « affaire DSK », les médias feront sans nul doute
également leurs choux gras sur son côté scabreux. Pourtant le
comportement inadmissible et condamnable d’un homme de pouvoir vis à
vis d’une femme de chambre un jour ne doit pas occulter le
comportement dispendieux quotidien, inadmissible et condamnable, de
centaines d’hommes et de femmes de pouvoir, avec de l’argent qui
devrait être affecté à la promotion de l’intérêt public.
Emmanuel Martin est analyste sur www.UnMondeLibre.org
Publié en collaboration avec UnMondeLibre.org