Les avocats de Laurent Gbagbo révèlent : « Nos clients sont détenus avec des serpents »
Pendant deux semaines, les avocats Ciré Clédor Ly (Barreau de Dakar -Avocat inscrit sur la liste des conseils de la Cour Pénale Internationale et du Tribunal Pénal International pour le Rwanda), Lucie Bourthoumieux (Barreau de Paris) et, Jean Serges Gbougnon, Dako Zahui Toussaint (Barreau de Côte d’Ivoire), ont sillonné la Côte d’Ivoire pour assister le Président Laurent Gbagbo, son épouse, son fils, ses amis ainsi que ses collaborateurs assignés à résidence depuis le 11 avril 2011.
Les conseils portent à l’attention de la communauté internationale, le défaut de signification aux concernés du décret d’assignation à résidence. Cette omission sciemment voulue et entretenue, viole fondamentalement les droits de l’Homme, ainsi que les dispositions légales qui règlementent la mesure d’assignation à résidence.
Les Conseils dénoncent avec vigueur les conditions matérielles inhumaines dans lesquelles des personnes ayant occupé les plus hautes fonctions d’un Etat sont contraintes de vivre. Ces personnes sont en effet, soit enfermées dans des cellules infectes d’une prison poreuse aux intempéries (Bouna), soit détenues dans des locaux infestés de mambas et de moustiques (Katiola).
Les Conseils demandent prestement l’arbitrage des Nations Unies et des organisations des droits de l’Homme, aux autorités concernées, de publier au journal officiel de l’Etat de Côte d’Ivoire et de notifier aux assujettis le décret d’assignation à résidence ou un acte judiciaire pouvant légitimer la mesure, à défaut de lever cette dernière qui caractérise l’enlèvement, la séquestration et la détention arbitraires de personnes pour des raisons politiques, sans acte administratif, ni judiciaire justifiés.
Les Conseils portent à la connaissance de l’opinion publique nationale et internationale que les personnes enlevées, séquestrées et arbitrairement assignées à résidence ne bénéficient pas des droits les plus élémentaires à savoir :
•la lecture de journaux et de livres,
•l’écoute de la radio et de la télévision,
•la liberté de circulation ne serait ce que dans l’enceinte des cours des lieux de leur supplice,
•un lit et des soins minima pour les malades (médicaments, contrôle médical, régimes alimentaires adéquats …),
•le droit élémentaire et démocratique de visite des avocats et parents, hors la présence de personnes en armes
•l’éradication de risques potentiels de bavures par le maintien hors des résidences des hommes en arme,
•un téléphone portable sans confirmation officielle de leur statut de prisonniers,
•la désinfection et de l’équipement décent des lieux.
Toutes choses qui constituent des violations graves des droits de l’Homme qu’un Etat de droit ne saurait tolérer.
Les Conseils exigent dès lors des autorités ivoiriennes, la libération immédiate et sans condition de ces personnes injustement arrêtées et assignées à résidence forcée.
Les Conseils ont reçu mandats directs et impératifs, d’engager des poursuites pour enlèvement, séquestration, détention arbitraire et complicité contre des personnes physiques d’une part ; violations graves du droit international et complicité de ces violations par des personnes physiques ayant agi sous l’instigation ou avec la participation d’un pays, d’une organisation ou d’un groupe armé dont elles assuraient le commandement ou le contrôle, d’autre part. Les Conseils s’insurgent contre la violation de la Constitution, de la Loi organique sur la Haute Cour de justice de Côte d’Ivoire et surtout des règles du droit communautaire et du droit international consécutivement aux immunités de procédure et de fonctions.
En outre, les Conseils, informés de l’assignation par la présidence de la Cour Pénale Internationale, déférant la situation en République de Côte d’Ivoire à la chambre Préliminaire 2, suite à la lettre du 19 mai 2011 par laquelle le Procureur a informé le Président de la CPI de son intention de soumettre à la chambre une requête préliminaire afin d’obtenir une enquête sur la situation en Côte d’Ivoire depuis le 28 novembre 2011, s’interrogent sur le choix sélectif de la seule période visée par le Parquet de la CPI, lequel amnistie de fait des violations massives des droits de l’Homme consécutives à la commission de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre, utilisation d’enfants soldats et de génocide perpétrés de 2002 – 2003 au 28 novembre 2010 lesquels entrent dans la compétence rationae materiae et temporis de la Cour Pénale Internationale.
La Croix Rouge Internationale, Amnesty International et Human Rights Watch et bien d’autres organisations internationales de défense des droits de l’Homme ont des éléments probants sur cette période, et que nul n’ignore. Par ailleurs, les Conseils s’interrogent sur l’harmonie du ménage de cette démarche hâtive et prématurée d’avec le principe de la compétence subsidiaire de la CPI.
Les Conseils rappellent à la mémoire de la communauté internationale, les victimes de la période omise et leurs droits imprescriptibles. Ils rappellent aussi les principes d’équité et d’égalité de traitement dans la mise en oeuvre du statut de Rome, ainsi que l’esprit de justice qui est celui fédérateur de l’adhésion des peuples à la création d’une Cour Internationale au-dessus de toutes les contingences et à l’écoute de toutes les situations qui donnent des raisons de croire que des personnes ou des groupes de personnes ont été victimes de violations graves du droit international. Sur le terrain, les auditions se poursuivent et les Conseils continuent leur mission.
Fait à Abidjan, le 05 juin 2011
AfricaLog.com