Il a été rendu public le 27 juin 2011 à Paris par l'Observatoire National des Droits de l'Homme, soutenu par le CCFD-Terre Solidaire. Ce rapport sur la situation des droits humains au Cameroun est le fruit de 12 mois de travail du comité ad hoc de "l'Observatoire" dont l'Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture(ACAT), la Ligue des Droits et Libertés (LDL) et le Service National Justice et Paix (SNJP) avec l'appui du Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD).
L’enquête porte le titre " Cameroun, Rapport sur la situation des droits de l'Homme, Le recul continue..."
Ce rapport de 35 pages porte sur quatre thématiques telles les violations des droits de l'Homme dans le contexte de la crise sociale de février 2008;les Conditions de détention dans les prisons du Cameroun; la torture au Cameroun: l'action des forces de maintien de l'ordre et enfin l'élection au Cameroun avec un focus sur le cadre juridique et institutionnel.
Le rapport de l’observatoire national des droits de l’homme (ONDH) sur la crise sociale de février 2008 a dressé une typologie des droits de l’homme violés pendant cette période.
Dans l’ensemble, les atteintes aux droits de l’homme peuvent être rangées aussi bien dans le registre des droits civils et politiques que dans celui des droits économiques, sociaux et culturels.
Ledit rapport reviens sur l'usage excessif de la force et atteintes à la vie des populations non armées lors des émeutes de février 2008, des exécutions arbitraires, des arrestations et détentions arbitraires ciblées, des cas de tortures et traitements ou châtiments cruels inhumains ou dégradants relevées ici et là, des cas de violations des droits à la liberté d’expression, d’opinion et d’information.
Sur le plan sociopolitique relève ledit rapport, les principaux éléments déclencheurs de la crise sociale de février 2008 ont porté sur les réformes politiques et l’amélioration des conditions de vie de la population.
Depuis cette période, la situation n’a pas toujours évolué dans le sens des revendications des acteurs sociaux de cette crise.
Quelques recommandations au sujet des émeutes de février 2008
Au gouvernement camerounais
De créer une commission internationale neutre en vue de faire le bilan réel de la crise sociale de février et établir les responsabilités de chaque acteur et engager les poursuites judiciaires contre les atteintes aux droits de l’homme.
Aux organisations internationales
D’interpeller constamment les pouvoirs publics pour faire la lumière sur la crise de février 2008 et poursuivre en justice les forces de sécurité auteurs de graves violations des droits de l’homme
Aux organisations de la société civile camerounaise
De créer une plate forme devant aider les victimes de cette crise sociale à ester en justice contre les forces de sécurité mises en cause et obtenir les réparations idoines.
Dans la deuxième partie de ce rapport, les conditions de détentions dans les prisons camerounaises sont aussi décriées.
Le Cameroun compte 67 prisons, dont 10 prisons centrales, 35 prisons principales et 22 prisons secondaires. Construites pour la plupart à l’époque coloniale, elles sont vétustes, exiguës et dans un état de délabrement avancé. Leur capacité d’accueil globale de près de 14 965 places a doublé et le Cameroun compte aujourd’hui 23.196 détenus.
L’incidence en est que, les cellules ne peuvent plus contenir le grand nombre de détenus, les infrastructures sont largement usitées avec le temps et ne peuvent plus assurer des conditions de vie décentes aux détenus, et la promiscuité des prisonniers y rend les conditions de vie très alarmante.
Sur les 23.196 détenus du Cameroun, 14.265 sont en attente de jugement et 8.931 seulement sont condamnés. Ceci est principalement dû aux lenteurs judiciaires tant décriées au Cameroun.
Du fait des lenteurs administratives, l'autorisation de transfert d'un prisonnier malade vers un hôpital extérieur à la prison arrive parfois après le décès du malade
Quelques recommandations à ce sujet au Gouvernment
Rendre systématiquement opérationnels les standards de détention dans les prisons au Cameroun et notamment la séparation des catégories des détenus ;
Appliquer avec rigueur les délais de détention provisoire des prévenus tels que prévus par le code de procédure pénal pour désengorger à brève échéance les prisons camerounaises ; Etudier et mettre en oeuvre les peines alternatives à l’emprisonnement pour éviter le renvoi systématique des prévenus en prison ; Revoir à la hausse le budget annuel alloué à l’administration pénitentiaire afin de résoudre le
problème de malnutrition et de sous nutrition récurrent dans les prisons camerounaises.
Très peu de détenus ont accès à un service médical de qualité
La torture au Cameroun
La troisième partie du rapport met l’accent sur l’évolution du cadre juridique au Cameroun. Il fait ressortir que sur le plan interne, l’arsenal juridique du Cameroun est protecteur contre la torture étant donné que la constitution et le code pénal le stipule. Mais constate que «du point de vue formel, le Cameroun est avant-gardiste dans la protection juridique des victimes de la torture. Cependant, la torture continue d’être pratiquée au Cameroun. De même, le rapport dénonce le traitement cruel des civils par les forces de sécurité. Il fait remarquer que la police ne ménage aucun effort pour utiliser des matraques contres les protestataires. Et de conclure que : «Si la torture, face aux divers dispositifs de promotion et de protection des droits de l’homme a tendance à régresser, la torture psychologique devient par contre de plus en plus récurrente au Cameroun.» De même sur l’impunité et la réparation, le rapport fait le constat général selon lequel « la réparation est rarement demandée par les victimes ou des témoins d’actes de torture au Cameroun. Et les requêtes en réparation ne sont que très difficilement satisfaites par l’état qui garantit ainsi une certaine impunité dont jouissent les auteurs. Une telle situation décrédibilise le système judiciaire et décourage généralement les velléités de réparation.»
De façon classique, ces violations se perpètrent dans les centres de détention que sont les commissariats de police, les services de la gendarmerie, les prisons, etc. Il convient de relever que ces cas décrits sont régulièrement dénoncés dans les rapports de divers observateurs de l’environnement camerounais comme l’ACAT, Amnesty International, le Département d’Etat Américain, etc.
Les forces de l’ordre ont l'habitude d'interrompre " brutalement" des marches de protestation, les réunions, les sit-ins des citoyens, syndicats et groupe d’activistes politiques toute l’année, blessant, arrêtant et tuant des manifestants.
"Le constat général est que la réparation est rarement demandée par les victimes ou les témoins d’actes de torture au Cameroun. Et les requêtes en réparation ne sont que très difficilement satisfaites par l’Etat qui garantit ainsi une certaine impunité dont jouissent les auteurs. Une telle situation décrédibilise le système judicaire et décourage généralement les velléités de réparation."
La quatrième partie du rapport a porté sur l’évolution du cadre juridique des élections. Il fait état de ce qu’il n’existe pas un code électoral unifié. Et décrie l’article 53 du code électoral qui rend l’éventualité des candidatures indépendantes impossibles. Et de conclure que ceci «viole clairement le principe démocratique consacré par la déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, à l’article 21 alinéa2 selon lequel toute personne a droit à accéder, dans des conditions d’égalité, aux fonctions publiques de son pays.» Par ailleurs, le rapport a décrié le fait que certaines modifications nouvelles ne cachent pas l’interventionnisme et la supériorité de l’administration territoriale qui réduit davantage l’indépendance d’Elecam.
"Elecam, l’institution qui va gérer le processus électoral qui pourtant devait être une réponse aux revendications pressantes des citoyens, non seulement, n’a pas été mis en place selon les lois établies pour garantir son impartialité, mais aussi ces lois viennent d’être modifiées pour retirer toute possibilité de transparence des résultats."
Quelques recommandations au gouvernement :
Surseoir à l’application des récentes modifications relatives à la limitation du mandat présidentiel au Cameroun ; élaborer un code électoral unique et consensuel avec la participation accrue de toutes les forces sociales ; dissoudre le conseil électoral actuel pour reconstituer en partant des dispositions pertinentes de l’article 08 de la loi de 2006 créant Elecam ; redonner compétence à Elecam pour publier les tendances des résultats afin de garantir la transparence des scrutins ; rendre systématiquement opérationnel les standards de détention dans les prisons au Cameroun et notamment la séparation des catégories des détenus ;appliquer avec rigueur les détails de détention provisoire des prévenus tels que prévenus par le code de procédure pénal pour désengorger à brève échéance les prisons camerounaises ; étudier et mettre en œuvre les peines alternatives à l’emprisonnement pour éviter le renvoi systématique des prévenus en prison ;
Aux organisations de la société civile :
Constituer un réseau unique pour initier un dialogue national avec les autorités publiques sur l’émergence d’un processus électorale démocratique et inclusif ;créer une plate-forme susceptible d’aider les victimes de la crise sociale et d’ester en justice contre les forces de sécurité mises en cause et obtenir les réparations idoines ;
Aux organisations internationales :
Interpeller constamment les pouvoirs publics pour faire la lumière sur la crise de février 2008 et poursuivre en justice les forces de sécurité auteurs de graves violations des droits de l’homme.
En conclusion de ce rapport, nous pouvons lire que Le bilan de la crise de 2008 en 2011 montre que d’une part, les politiques ne se sont guère améliorées, et d’autre part que les violations des droits de l’homme qui risqueraient susceptibles d’être qualifiées de crimes contre l’humanité restent impunies et aucune démarche de poursuites de leurs auteurs n’a été entreprise.
Concernant la lutte contre la torture, les rédacteurs de ce texte se félicitent de l’existence de certaines dispositions du code pénal protégeant contre la torture. Cependant, la mise en oeuvre de ces dispositions n’est pas effective déplorent-ils.
Concernant la situation du milieu carcéral, malgré l’existence des projets d’amélioration des infrastructures, les prisons restent surpeuplées, dans la plupart des cas, par les prisonniers préventifs, la santé est dégradée par les problèmes d’hygiène, d’alimentation et d’accès aux soins.
Quant au cadre juridique des élections, il élimine d’emblée tout espoir de transparence et d’évolution de la démocratie. ELECAM, l’institution qui va gérer le processus électoral, qui pourtant devait être une réponse aux revendications pressantes des citoyens, non seulement, n’a pas été mis en place selon les lois établies pour garantir son impartialité, mais aussi ces lois viennent d’être modifiées pour retirer toute possibilité de transparence des résultats. - Le Nouvel Observateur