Le président ivoirien Alassane Ouattara a nommé jeudi le général Soumaïla Bakayoko, ancien chef militaire de l'ex-rébellion, à la tête de la nouvelle armée, premier acte d'une réorganisation des forces urgente après la guerre qui a conclu la crise post-électorale.
Investi le 21 mai, M. Ouattara a procédé au grand changement à la tête des forces armées qui était attendu depuis la chute de l'ex-président Laurent Gbagbo le 11 avril, arrêté à l'issue de la crise née de son refus de reconnaître sa défaite à la présidentielle de novembre 2010 et de dix jours de guerre dans Abidjan.
La restauration de la sécurité et la restructuration des "corps habillés" (militaires, policiers, gendarmes) sont le défi le plus urgent du nouveau régime.
Selon un communiqué des ministères de la Défense et de l'Intérieur, Soumaïla Bakayoko est nommé chef d'état-major général des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI).
Les FRCI sont censées fusionner les éléments de M. Ouattara et les ex-Forces de défense et de sécurité (FDS) en place sous M. Gbagbo, mais dans les faits la division demeure.
D'un côté les FRCI regroupent pour l'essentiel les anciens rebelles du coup d'Etat raté de 2002, qui en venant du Nord ont porté M. Ouattara au pouvoir avec l'aide de la France et de l'ONU. Elles assument encore l'essentiel de la sécurité, mais sont régulièrement accusées d'exactions.
De l'autre, les ex-FDS du régime déchu, qui ne reprennent que lentement du service, sur fond de méfiance et de tensions.
"Ces nominations s'inscrivent dans la mise en oeuvre de l'Accord politique de Ouagadougou, qui en ses accords IV (signés fin 2008, ndlr) a décidé de la fusion et de l'intégration" des forces naguère rivales, a précisé le gouvernement.
Le général Bakayoko succède au général Philippe Mangou, nommé en novembre 2004 chef d'état-major des FDS. Il occupait d'ailleurs son bureau depuis la fin de la bataille d'Abidjan (31 mars-11 avril).
Le général Mangou avait fait défection le jour de l'entrée des FRCI dans Abidjan le 31 mars, avant de revenir vers M. Gbagbo. Comme la plupart des chefs militaires, il s'était finalement rallié à M. Ouattara au lendemain de la fin des combats.
Le général Bakayoko aura pour adjoint le général Firmin Detoh Letoh, ancien patron de l'armée de terre, rallié au camp Ouattara au tout début de la bataille d'Abidjan.
Le président Ouattara a également changé les chefs de l'armée de terre, de l'armée de l'air, de la Marine et de la gendarmerie en place sous son prédécesseur: il a nommé d'anciens FDS à ces postes. Seul maintenu dans ses fonctions, l'inspecteur général Bredou M'Bia reste directeur général de la police.
Le chantier de la réorganisation de la défense et de la sécurité est titanesque, après une décennie de tourmente politico-militaire et une crise post-électorale ayant fait au moins 3.000 morts.
C'est pour le mener à bien que Guillaume Soro, chef de l'ex-rébellion, a été maintenu dans ses fonctions de Premier ministre et de ministre de la Défense, a priori jusqu'aux législatives prévues en fin d'année.
Le pouvoir doit encore réaliser le regroupement des FRCI dans des casernes et le retour des ex-FDS au travail.
Il devra ensuite intégrer une partie des ex-rebelles dans la nouvelle armée - le chiffre de 11.000 admis a été évoqué, mais rien n'est tranché - et démobiliser les recalés, au risque de frustrations.
La normalisation sécuritaire est enfin largement liée au sort des "com-zones", ces chefs de guerre de l'ex-rébellion qui contrôlent le Nord depuis 2002 et ont permis à Alassane Ouattara de prendre Abidjan.
Une capitale économique qu'ils se sont depuis trois mois répartie en zones d'influence. – avec AFP