Les autorités libyennes ont affirmé dimanche que Seif al-Islam serait jugé en Libye, malgré le mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) qui soupçonne le fils de Mouammar Kadhafi, arrêté dans la nuit de vendredi à samedi, de crimes contre l'humanité.
Dans le même temps, l'ancien chef des services de renseignements Abdallah al-Senoussi, l'autre Libyen recherché par la CPI pour les mêmes crimes, a été arrêté dimanche dans le sud du pays.
L'annonce de l'arrestation du fils le plus en vue de Mouammar Kadhafi a obligé le Premier ministre par intérim, Abdel Rahim al-Kib, à reporter de 48 heures maximum la formation de son nouveau gouvernement, dont la présentation était prévue ce dimanche.
Alors que plusieurs pays dont la France, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont pressé Tripoli de coopérer avec la CPI afin de garantir un "procès équitable" à Seif al-Islam Kadhafi, le Conseil national de transition (CNT) a affirmé qu'il serait jugé en Libye.
"La décision est qu'il sera jugé devant les tribunaux libyens. C'est une question de souveraineté nationale", a déclaré le vice-président et porte-parole du CNT, Abdelhafidh Ghoga au cours d'une conférence de presse, assurant que Seif al-Islam disposait "de la protection nécessaire".
Il a précisé qu'il en irait de même pour M. Senoussi, qui a été arrêté par des brigades d'anciens combattants rebelles dans la maison de sa soeur à Al-Guira (sud).
"Nous voulons que le procès de Seif al-Islam ait lieu en Libye car la justice locale est la règle et la justice internationale l'exception", avait déclaré un peu plus tôt à l'AFP le ministre de la Justice au sein du CNT, Mohammed al-Allagui.
"Nous avons les garanties nécessaires pour un procès équitable, en particulier après l'amendement d'une loi garantissant l'indépendance de la justice par rapport à l'exécutif", a-t-il assuré.
"Si les autorités libyennes désirent mener le procès en Libye, il faut soumettre une demande à la CPI et les juges décideront éventuellement. Mais selon le principe de complémentarité et le Statut de Rome, la priorité est au droit national", a expliqué dimanche soir un porte-parole de la CPI, Fadi El-Abdallah.
Longtemps présenté comme successeur potentiel de son père, Seif al-Islam est soupçonné par la CPI d'avoir joué un "rôle-clé dans la mise en oeuvre d'un plan" conçu par son père pour "réprimer par tous les moyens" le soulèvement populaire entamé mi-février.
M. Senoussi était pour sa part "la plus haute autorité des forces armées", et sous son commandement, les forces de sécurité auraient "infligé des actes inhumains à la population civile, la privant gravement de ses droits fondamentaux", selon la CPI.
Dans l'immédiat, Seif al-Islam était toujours aux mains des anciens combattants rebelles de Zenten, à 170 km au sud-ouest de Tripoli.
M. Ghoga a cependant démenti que les combattants de Zenten refusent de remettre Seif al-Islam au CNT avant que le système judiciaire ne soit opérationnel, comme l'ont rapporté certains médias.
"Le conseil local de Zenten est membre du CNT et si on veut transférer Seif à Tripoli, on le fera", a-t-il assuré, précisant que le prisonnier restait pour l'instant à Zenten pour des raisons de sécurité.
Les autorités libyennes tiennent par-dessus tout à éviter une répétition du scénario qui a conduit à la mort de Mouammar Kadhafi et de son fils Mouatassim, tous deux tués après avoir été capturés vivants le 20 octobre à Syrte (est).
Agé de 39 ans, Seif al-Islam a longtemps semblé vouloir moderniser son pays et normaliser les relations avec l'Occident. Mais dès le déclenchement de l'insurrection à la mi-février, il n'a eu de cesse de tenir un langage guerrier, tentant bec et ongles de sauver le régime de son père.
Il était le dernier des fils de Mouammar Kadhafi encore recherché. Trois de ses frères ont été tués pendant le conflit, tandis que les autres enfants de l'ancien dirigeant ont trouvé refuge en Algérie et au Niger.
Agé de 62 ans, M. Senoussi était considéré comme le bras droit de Mouammar Kadhafi, dont il était le beau-frère, pour le contrôle sécuritaire du pays et l'un des acteurs principaux dans la répression des manifestations réclamant la chute du régime, même si la rébellion avait annoncé son limogeage fin février.
Il est aussi pointé du doigt dans le massacre de la prison d'Abou Salim à Tripoli, où plus de 1.000 prisonniers avaient été tués en 1996 dans une fusillade.
Il avait également été condamné en France par contumace à la prison à vie en 1999 pour son implication dans l'attentat contre un DC-10 de la compagnie UTA en 1989, qui avait fait 170 morts. – AfricaLog avec AFP