Chef d'une rébellion en voie de dissolution et Premier ministre ivoirien, Guillaume Soro, candidat aux législatives de dimanche, a achevé vendredi sa campagne dans sa ville de Ferkessédougou (nord) avec une incertitude légère: victoire à 98, 99 ou 100%?
Le long de la grand-rue défoncée et poussiéreuse de "Ferké", cité de plusieurs dizaines de milliers d'âmes dans le grand nord frontalier du Burkina et du Mali, on ne voit que ses affiches entre échoppes et étals des marchandes.
Normal: il n'y aura dimanche qu'un obscur "indépendant" face à celui qui, à 39 ans, est l'un des hommes les plus puissants du pays.
La salle municipale où l'attendent plus de 600 jeunes gonflés à bloc et arborant T-shirts et casquettes "Génération Soro" porte d'ailleurs déjà son nom.
Dagnogo Karamoko, le représentant des jeunes, donne le ton: "votre victoire au soir du 11 décembre sera éclatante à plus de 98%!". Applaudissements.
S'il fait crédit à son héros du "vent nouveau de paix et de réconciliation" après la crise de décembre 2010-avril 2011 (environ 3.000 morts), il n'oublie pas de dresser la liste des doléances des jeunes, emploi et formation en tête.
Mais le directeur de campagne, le maire Lassina Koné, fait monter les enchères. Il veut que son champion soit "le premier des élus" dans deux jours, avec "plus de 99%". "C'est déjà fait", lance un militant, aux anges.
Jusque-là, Guillaume Soro, casquette, chemise à son effigie et petites lunettes, a gardé à la tribune son allure impassible de notable venu d'Abidjan.
Mais quand vient son tour, s'impose le souvenir du bouillant leader estudiantin qu'il fut à la fin des années 1990, surnommé "Bogota".
"Le problème n'est même plus de gagner, le problème c'est qu'on doit choisir notre score", clame, survolté, le candidat du Rassemblement des républicains (RDR), parti du président Alassane Ouattara.
"un jour il sera notre président"
Avant d'aller poser la première pierre de la cantine du lycée voisin, il promet de "révolutionner la région".
Dehors, des policiers et des gendarmes, qu'il a réinstallés lui-même récemment à travers le nord, suggèrent que les temps changent alors que la moitié septentrionale était sous la coupe des rebelles depuis le putsch raté de 2002.
Des véhicules militaires frappés des noms d'unités rebelles montrent toutefois qu'il reste du chemin à faire.
Mais pour Eugénie Tuo, petite marchande de 30 ans, Guillaume Soro est une évidence: "c'est grâce à lui qu'on a eu nos pièces d'identité" et "la paix", explique-t-elle à l'AFP à la sortie.
Les populations du nord, longtemps victimes de discriminations sur fond de débat empoisonné sur l'"ivoirité", n'eurent accès largement à des papiers qu'avant la présidentielle de novembre 2010, quand Guillaume Soro était Premier ministre du président Laurent Gbagbo, arrêté le 11 avril après deux semaines d'une guerre gagnée par les ex-rebelles.
Peu importe qu'il ait de grandes chances de rester à court terme chef du gouvernement plutôt que de siéger comme député, "un jour il sera notre président", jure une amie d'Eugénie. Dimanche, "il va faire 100%!", dit une autre.
"Bogota" avait donné rendez-vous aux jeunes dans l'après-midi pour "un show d'enfer". Sur la grande place envahie de milliers de partisans, il a préféré la musique et la danse aux discours, s'essayant même, sous les vivats, à une reprise du reggaeman ivoirien Alpha Blondy.
"Il fait la fête avant même la victoire", glissait un jeune homme dans la foule. – AfricaLog avec AFP