Le 12 décembre, l’ancien Premier ministre Britannique, Tony Blair a passé un bref séjour à Conakry, où il a rencontré le Président guinéen Alpha Condé. Arrivé à 15h GMT, Tony Blair est reparti la nuit, après avoir tenu une conférence de presse avec Alpha Condé au Palais présidentiel Sékhoutouréya.
La visite du prédécesseur de Gordon Brown s’inscrirait dans le cadre de sa fondation «Tony Blair Africa Governance Initiative», créée en 2008. Cette fondation, dit-on, vise à renforcer la bonne gouvernance et la promotion des investissements privés en Afrique. Le Rwanda, la Sierra Leone et le Libéria ont déjà bénéficié de l’appui du programme de cette fondation.
Après avoir eu un long tête-à-tête avec le Président guinéen, M. Blair s’est félicité de sa deuxième visite en Guinée et s’est dit confiant quant à l’avenir du pays. «Puisque le président est en train d’œuvrer pour le pays,» a-t-il dit. Il a réitéré que le défi en Afrique tout comme en Guinée, c’est l’efficacité. Malgré sa déclaration selon laquelle en Guinée «il y a beaucoup de problèmes », l’ancien PM se dit convaincu que «les membres du gouvernement ont de la détermination à faire le progrès.» Et il s’est engagé à travailler avec Alpha Condé «pour la mise en œuvre des priorités du gouvernement.»
Le choix de la Guinée comme premier pays francophone à bénéficier de l’appui de sa fondation ? Tony Blair de répondre: «J’avais toujours eu envie de travailler dans un pays francophone. Parce que, je crois que la distinction entre francophones et anglophones, c’est un peu du passé. C’est à cause de la vision du Président, j’ai confiance en cette vision. Je vais l’aider de quelque manière que je peux, à réaliser cette vision…» Il a affirmé qu’il n’ignore pas «les problèmes de la Guinée» dont entre autres les conséquences des conflits qui se sont déroulés chez ses voisins, mais Tony Blair s’est dit optimiste «sur l’avenir et le futur» de la Guinée.
L’apport que pourraient attendre les Guinéens de sa fondation pour impulser la vision du président Alpha Condé ?
L’ancien Premier ministre Britannique sait bien que le processus électoral visant à finir la transition, est l’un des sujets qui occupe les grands débats à Conakry. Mais, rassure-t-il, l’avantage que sa fondation pourrait apporter est de «ramener au pays, la performance pour améliorer les services publics comme les infrastructures, l’agriculture, l’électricité. Ce sont les défis pratiques,» soutient-il avant d’indiquer qu’il a des experts capables de faire «marcher les choses.»
Tony Blair propose deux routes de gestion à Alpha Condé pour réussir sa gestion du pouvoir. «Une route politique pour avancer la démocratie et une route pour avancer les conditions de vie des citoyens. Les deux routes, on doit les poursuivre ensemble. La route politique, c’est le mode de gestion. Mais la route de la vie quotidienne a une autre manière de gestion. C’est toujours le premier pas qui est difficile. Il y a des citoyens qui ont entendu la vision mais leur vie est toujours difficile. C’est difficile pour eux d’examiner la vision et mettre à côté les faits sur le terrain. Pour le développement sociopolitique, socio-économique, il faudra avoir les deux routes avec les deux visions, les deux planifications. Elles doivent marcher ensemble.»
Après cette parenthèse de Tony Blair, Alpha Condé a été interpellé sur le sujet de la réconciliation nationale en ces termes:
M. le président, bientôt la semaine de la réconciliation nationale. Elle coïncide avec la visite de M. Blair en Guinée. Qu’est-ce que cela représente pour vous?
Il a répondu longuement : «La réconciliation en Guinée est plus nécessaire et plus difficile que dans les autres pays. Bien sûr l’Afrique du Sud a connu l’apartheid, mais les choses étaient plus simples. C’était en gros d’un côté les blancs et de l’autre les noirs, même si certains noirs ont servi de supplétifs aux blancs. En Guinée, nous avons connu trois périodes. La Première République, la Deuxième République et la période des militaires. Cela veut dire plus de 50 ans de gouvernement des Guinéens par les Guinéens. Donc, tout ce qui est arrivé a été fait par les Guinéens. Les bourreaux étaient des Guinéens, les victimes étaient des Guinéennes. J’ai discuté avec un leader qui m’a dit : ce qui est difficile en Guinée, c’est que chacun a été à la fois victime et bourreau. Ceux qui ont été victimes sous la Première République ont été bourreaux sous la Deuxième ou sous le régime militaire. Cela rend difficile (le travail). Parce qu’avec l’apartheid, il était question qu’on pardonne ce que les blancs ont fait aux noirs. Mais ici, il y a ce que les noirs ont fait aux noirs sous la Première République avec le Camp Boiro, il y a ce que les noirs ont fait aux noirs notamment en 1985, 2006, 2007 et le 28 septembre 2009. Il est extrêmement important que les Guinéens comprennent que nous devons suivre notre propre voie.»
Alpha Condé dira également que la journée de la réconciliation nationale a un avantage, car les deux co-présidents ont «réellement travaillé ». Mais la population l’ignore, dit-il, parce qu’ils n’ont pas communiqué. «Ils ont publié des documents, peu d’entre vous l’ont vu», a-t-il dit aux journalistes.
Il estime qu’il faut donner de la chance aux deux co-présidents de la Commission provisoire de réconciliation nationale afin qu’ils puissent montrer aux Guinéens et au monde qu’est-ce qu’ils ont fait depuis leur nomination, quel est le processus qu’ils sont en train de suivre et lorsqu’arrivera la fin de la période transitoire, afin de «mettre en place une commission vérité-justice et réconciliation.»
Le président Alpha Condé indique que les deux co-présidents de la Commission provisoire de réflexion sur la réconciliation nationale (Mgr Vincent Coulibaly et l’imam de la grande mosquée Fayçal, El Hadj Mamadou Saliou Camara) devront aboutir à la structure définitive de la commission vérité-justice et réconciliation. La réconciliation, a dit Alpha Condé, est l’affaire de l’ensemble des Guinéens, parce qu’il n’y a pas une seule famille en Guinée qui, pendant ces 50 ans et quelques, n’a pas été victime d’une façon ou d’une autre.
A-t-il été question de l’agriculture, de la santé, de l’éducation?
Le Président a martelé qu’il «faut comprendre le rôle du Premier ministre qui est de mettre à notre disposition son expertise en tant qu’ancien Premier ministre. Parce qu’il a dit qu’il faut nécessairement avoir une vision, mais qu’elle ne suffit pas, il faut la mettre en pratique… »
Les domaines d’électricité, de l’agriculture pour l’autosuffisance alimentaire ont été largement débattus par les deux hommes, selon Alpha Condé qui déclare que le domaine le plus important de l’apport de Tony Blair à son gouvernement, c’est la gestion. « C’est-à-dire, dit-il, comment gérer de façon efficace l’administration et les projets. En tant qu’ancien Premier ministre de plus de 10 ans d’une grande puissance et le représentant de l’Union européenne et des Etats-Unis au Moyen-Orient, il (Tony Blair Ndlr) peut mettre ses relations à notre disposition pour nous aider à avoir accès à certaines technologies, à certains financements. Il va nous aider à prioriser nos priorités.»
Mais Alpha Condé est conscient que l’aide extérieure à elle seule ne suffit pas pour le changement qu’il a promis à la Guinée mais qui peine à se concrétiser dans le quotidien de ses compatriotes. L’adage dit, rappelle-t-il, «lorsqu’on te lave le dos, lave-toi le ventre. Il faudrait que nous-mêmes, a-t-il poursuivit, nous acceptions de mieux gérer notre pays, gérer dans l’intérêt du pays non dans son intérêt personnel.»
La dernière visite de Tony Blair en Guinée chez Alpha Condé date du 15 juin dernier. Au terme de son bref séjour, il a quitté Conakry aux environs de 21heures GMT.
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